Caesar Scipio a écrit :
Et je suis plutôt d'accord avec notre bonapartiste sur le fait que ce n'est pas la blocus qui a été cause du retournement des alliés continentaux contre la France.
Disons que le blocus, notamment par les mesures que Napoléon a jugé bon de prendre afin de le rendre plus efficace, a contribué à envenimer les situations.
On peut notamment évoquer le cas de l'annexion du duché d'Oldenbourg dans le dessein de mieux cadenasser les côtes.
Les protestations russes furent retranscrites par Caulaincourt dans son rapport du 27 janvier 1811 :
« Il est évident que c'est à dessein de faire une chose offensante pour la Russie. Est-ce pour me forcer à changer de route ? On se trompe bien : d'autres circonstances aussi peu agréables pour mon empire ne m'ont pas fait dévier du système et de mes principes : celle-ci ne me fera pas donner plus à gauche que les autres. Si la tranquillité du monde est troublée, on ne pourra m'en accuser, car j'ai tout fait et je ferai tout pour la conserver.»
Puis vint la note adressée à toutes les chancelleries européennes :
« « S. M. I. de toutes les Russies a appris avec surprise que S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, son allié, donnant, par un sénatus-consulte, de nouvelles limites à son empire, y a compris le duché d'Oldenbourg. S. M. a exposé à l'attention de l'empereur, son allié, comme elle le fait à celle de l'Europe entière, que nommément le traité de Tilsit assure la paisible possession de ce duché à son légitime souverain [article 12 du traité de Tilsit : « LL. AA. SS. les Ducs de Saxe-Cobourg, d'Oldenburg et de Mecklenburg-Schwerin, seront remis chacun dans la pleine et paisible possession de ses États. »].
S. M. a rappelé à ce monarque , et le fait à toutes les puissances, que la Russie, par le traité provisoire de 1766 et par celui de 1773, abandonna au roi de Danemark tout ce qu'elle possédait dans le duché de Holstein, et reçut en échange les comtés d'Oldenbourg et de Dekenhorst, qui, par des transactions connues, auxquelles plusieurs puissances durent nécessairement prendre part, furent érigés en duché souverain en faveur d'une branche cadette de cette même maison de Holstein-Gottorp, à laquelle S.M. I. appartient par le lien du sang le plus direct.
L'empereur juge que cet état, créé par la générosité de son empire, ne peut être annulé sans blesser toute justice et ses droits. Il se voit par conséquent obligé d'user du droit de réservation , et de mettre à couvert, comme il le fait par le présent office, en son propre nom et celui de ses héritiers au trône à perpétuité, tous les droits et obligations qui dérivent des traités ci-dessus mentionnés.
Quel prix pourraient conserver les alliances, si les traités qui les fondent ne conservaient pas le leur. Mais S. M., afin de ne point donner sujet à aucune méprise, déclare ici qu'un grand intérêt politique a produit son alliance avec S. M. l'empereur des Français ; que cet intérêt subsiste, et qu'elle se propose par conséquent de veiller à la conservation de cette alliance, et s'attend à un soin pareil et réciproque de la part d'un monarque à l'amitié duquel elle a des droits.
Cette union de l'intérêt de deux empires, conçue par Pierre-le-Grand, qui, dès lors et depuis, rencontra tant d'obstacles, a déjà procuré des avantages à l'empire de S. M., et la France de même en a recueilli de son côté.
Il paraît donc de l'utilité des deux empires, de s'appliquer à conserver cette alliance, et S. M. y consacrera tous ses soins. »
On peut aussi par exemple évoquer le cas de la Suède qui s'était rapproché de la France en vertu du traité de paix du 6 janvier 1810. Stockholm, par ce texte (article 3), s'associait au système continental en fermant ses ports au commerce britannique. Les infractions à cet article provoquèrent la colère de l'Empereur.
On peut à ce sujet citer ces extraits de la lettre en date du 26 octobre 1810 de Lagerbjelke, ministre de la Suède à Paris, rapportant les propos de Napoléon :
"Vous avez des bâtiments dans tous les ports de l'Angleterre. Vraiment, du sel, prend-on du sel dans la Tamise ? Des bâtiments de commerce anglais assiègent Gothembourg. La belle preuve qu'ils n'y entre pas ! On échange des marchandises en plien mer ou près des côtes. Vos petites îles serviront de magasins pendant l'hiver. Vos bâtiments transportent ouvertement des denrées coloniales en Allemagne ; j'en ai fait saisir une dizaine à Rostock. Est-il possible qu'on puisse affecter de méprendre sur le premier principe du système continental ?
[...]
Il n'y a plus de neutres : l'Angleterre n'en reconnaît point, je ne veux pas plus en reconnaître.
[...]
Choisissez ! des coups de canon aux Anglais qui s'approchent de vos côtes et la confiscations de leurs marchandises, ou la guerre avec la France ! Je ne puis vous faire grand mal ; j'occupe la Poméranie et vous ne vous en souciez pas trop ; mais je puis vous faire attaquer par les Russes, par les Danois ; je puis vous confisquer tous vos bâtiments sur le continent, et je le ferai si dans quinze jours vous n'êtes pas en état de guerre avec l'Angleterre"