Châtillon a écrit :
Il me semble que depuis quelques temps, les historiens qui travaillent sur les archives judiciaires ont pu contaster que les tribunaux ecclésiastiques étaient beaucoup plus cléments que les tribunaux royaux. Cela avait pour effet que les criminels recherchaient à être plutôt jugé par un tribunal d'Eglise. Après j'imagine qu'il ne faut pas faire de généralités et que cela dépend des lieux et de l'époque. Quant à faire des généralités sur la justice ecclésistique à partir de la controversée inquisition ... il me semble que c'est encore plus facile à faire ....
Il ne faut pas confondre la justice ecclésiastique ordinaire exercée par les officialités et l'Inquisition.
Dans la plupart des pays européens, l'action des inquisiteurs n'a été que temporaire, voire même inexistante. L'Espagne, Venise et Rome où l'inquisition a établi des tribunaux permanents qui ont continué à fonctionner à l'époque moderne sont des exceptions.
Les officialités par contre étaient des tribunaux qui ont été mis en place dans le courant du Moyen Âge (je ne connais pas la date exacte de leur mise en place qui varie sans doute d'un diocèse à l'autre) et ont fonctionné de manière permanente à partir de leur établissement et fonctionnent encore de nos jours, après une courte interruption pour certains d'entre eux au moment de la Révolution française. De nos jours, cependant, leur compétence est réduite dans les faits aux seules causes de déclaration de nullité des mariages.
Sous l'Ancien Régime, cette juridiction ecclésiastique était effectivement beaucoup plus clémente que la justice laïque puisqu'elle n'infligeait aucune peine corporelle afflictive, c'est-à-dire aucune peine de mort, mais aussi aucune peine de fouet, carcan, marque au fer rouge ou bannissement, dont la justice laïque était coutumière. Les peines qu'elle infligeait se limitaient à des amendes, des pénitences, des amendes honorables et des pèlerinages. Dans certains cas, elle pouvait recourir à l'emprisonnement, mais il n'est pas certain qu'il s'agissait à proprement parler d'une peine, mais plutôt comme le faisait la justice laïque d'un moyen pour éviter que l'inculpé échappe à son procès.
Les compétences des tribunaux ecclésiastiques étaient définies par trois critères.
Le premier critère et sans doute celui qui était à l'origine du plus grand nombre de procès était la compétence
ratione materiae, c'est-à-dire en fonction de la matière à juger. Rentrait dans cette compétence tout ce qui concernait la religion, mais aussi les sacrements et donc le mariage.
Le deuxième critère était la compétence
ratione personae. Dès le moment où un clerc était impliqué dans un procès, ce procès devait être jugé par le juge ecclésiastique. C'est donc cet aspect qui sera couramment utilisé pour essayer d'éviter d'être jugé par un tribunal laïc, notamment par François Villon.
Le troisième et dernier critère était la compétence
ratione loci, c'est-à-dire tous les délits commis dans une église ou un autre lieu exempté de la juridiction laïc comme l'enceinte d'un cloître.
Le fait d'être jugé par un tribunal ecclésiastique pouvait donc avoir pour effet d'alléger la peine. En cas de crime grave, cependant, le tribunal ecclésiastique pouvait décider de remettre le coupable au bras séculier pour que celui-ci lui inflige une peine plus sévère. Le fait d'être jugé par un tribunal ecclésiastique n'était donc pas une garantie absolue d'échapper à la peine de mort, mais cela évitait d'être soumis à la torture, du moins dans un premier temps.