Lei Ming Yuan a écrit :
Quel besoin avez-vous de faire ce genre de remarques ?
L'historien fait ce qu'il peut avec les sources dont il dispose. Concernant Robespierre, il n'en existe guère. L'historien doit alors "combler" avec du rédactionnel et sort à ce moment de sa méthode.
D'où vient son rédactionnel : de l'étude du contexte et de la vision qu'il a pu se construire d'un sujet qu'il a étudié longuement. Ceci est difficilement objectif.
De Robespierre que peut-on supposer sans trop se tromper ? Qu'il a étudié la philosophie, le droit, la rhétorique, les mots et leur panel de nuances, les gestes, le moment où contrer, la charge, la décharge et l'art de faire des passerelles entre l'un et l'autre, parfois même mettre à décharge ce qui est à charge, il connaît le genre humain -ses bassesses, ses lâchetés, ses arrangements, ses ajustements, ce qui fédère, ce qui divise, ce qui gagne une salle-.
C'est un avocat, il a plaidé, il a parlé devant des salles, il sait apprécier un auditoire et employer selon les mots qui vont trouver un maximum d'approbation.
J'ai évoqué la peine de mort parce-que ceci ne peut "résumer" Robespierre et ce que l'on nomme ses "contradictions" à mon sens, je ne demande à personne de le partager.
Lorsque Robespierre évoque son rejet de la peine de mort, peut-être le fait-il dans un cadre philosophique ? La peine de mort est en effet avilissante pour une société qui se veut "civilisée", le débat serait alors vaste.
Cependant la peine de mort, dans un contexte où il est devenu commun de l'employer voire se présente comme un choix face à un autre, l'acquittement, est à revoir. Ce n'est plus de la philosophie et voici pourquoi je ne vois pas où Robespierre se met en contradiction.
C'est une vision sur deux plans très différents.
Prenons l'exemple de Desmoulins. Il a été proche de Robespierre (témoin à son union, parrain de son enfant). Des liens sont présents. Mais en peu de temps ils se sont distendus par des choix politiques, humains et peut-être des maladresses.
Concernant les têtes à tomber, ceci est délibéré au sein du comité. Cette délibération, nous en ignorons tout. Qui a été pour, contre, mitigé, ennuyé ? Robespierre a peut être discuté, d'autres par respect se sont tus, d'autres encore ont pu lui démontrer que le moment n'était plus à faire passer ses affections toutes personnelles en priorité, il aurait pu répondre -à Barère- que le moment devait lui être bien agréable car Barère s'est trouvé mis à mal par Desmoulins.
Tout ceci n'est que conjectures. Nous savons cependant -la France et ses institutions fonctionnent encore ainsi- qu'un projet est discuté (c'est la cuisine intérieure où personne n'est invité). La discussion terminée, les avis sont déjà pris. Barère rédige (il est le secrétaire du CSP) et signe le premier -il a la plume en main- ensuite la feuille tourne et chacun appose sa signature.
Le fait que Robespierre ait signé le dernier ne montre rien. Ce peut même être vu à charge. Peut-il se dérober ? Pas à ce niveau. Imagine-t-on chacun claquant la porte au moindre état d'âme pour revenir lorsque le sujet prochain est plus plaisant ? Le CSP ne fonctionne pas ainsi.
C'est une des raisons pour lesquelles on ne peut résumer Robespierre à une "trahison de ses idéaux" avec ceci comme exemple.
Ce qui m'interpelle plus est le lendemain. Desmoulins va à la guillotine et un nouveau mandat est en train d'être signé. Sur ce mandat figure le nom de l'épouse de Desmoulins. Etait-elle donc si dangereuse ? Ne pouvait-on pas estimer que la prison serait suffisante ? Pour des raisons que j'ignore, il semble que non. Que penser ?
Ce qui me gêne est la boite nommée "contradiction".
Chacun est animé de divers courants contradictoires. A un niveau, il semblerait que ces courants soient moins présents -sinon psychologiquement, c'est intenable-. Commencer à estimer les actes comme autant de "contradictions" peut dériver.
Je ne connais pas tellement votre Histoire mais une personne sort du lot : Léopold III. Faut-il voir dans ses choix le fruit de "contradictions" ? Si oui, pourquoi la suite ? Il semblerait que ceci ait été compris autrement. Evoquer les "contradictions" inhérents à l'homme, dans le contexte, serait une absolution. Je n'y vois aucun problème mais l'exemple est parlant.
Je ne porte aucun jugement mais je puis tout de même montrer :
1) qu'un historien ne s'arrête pas à un profil "d'entomologiste", les biographies ne se vendraient plus
2) que l'exemple de la peine de mort, contradiction chez Robespierre n'a pas lieu d'être car il y a deux niveaux d'approche
3) que le mot "contradiction" est commun à tous et que ceci ne peut être un argument pour exonérer certains, alors que pour des actes moindres d'autres n'ont pas eu cette chance posthume
Robespierre n'a pas laissé de carnets, personne n'était dans sa tête, nous devons donc nous en tenir aux faits. Sa signature est constatée, c'est un fait. Qu'il ait signé le dernier n'est en rien un fait où l'on doit y voir une retenue. On peut mais ceci sort du cadre "historien".
Citer :
La citation de Napoléon sur la Corse montrait que son parcours était fait de reniements divers et de virages à 180°. Il n'en va pas de même pour Robespierre qui n'a dit à aucun moment qu'il aurait toujours été partisan de la peine de mort, alors que Napoléon affirmait qu'il considérait comme une insulte de lui rappeler qu'il était Corse.
Là encore, j'ai des réserves. Concernant la Corse, oui. Son parcours ne se résume pas à cette phrase. C'est sûr, il mythonera souvent. Il ne faut pas oublier le contexte, des choix à faire très tôt et une ambition certaine. Ceci ne va pas sans "ajustements". Je les déplore, comme je ne comprends pas le choix du blocus ni la phrase "La France d'abord". Cependant Napoléon Bonaparte ne se réduit pas à ceci.
Si la différence se joue sur le mot "
toujours" non prononcé, c'est un peu juste et on peut imaginer "La France d'abord", c'est ma patrie, elle m'a adopté, autant de mots pas prononcé parce-que l'évidence ne se prononce pas. Les conjectures sont inépuisables.
Mettre en parallèle deux personnalités si différentes (l'un introverti semble-t-il, l'autre aussi -au début- mais vite le tempérament reprend le dessus) me semble assez risqué. D'autant que ceci commence justement par un mensonge.
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