Jerôme a écrit :
une bonne maîtrise de la topographie !
De Brack (Avant-postes de cavalerie légère) :
« D. Est-il important, pour un officier de cavalerie légère, de savoir dessiner ?
R. Aussi indispensable que de savoir écrire.
D. Pourquoi ?
R. Parce que souvent avec deux lignes, il dit plus et mieux qu'avec deux pages écrites; que quelques traits au crayon se font plus vite, et plus facilement, que ne se compose un rapport ; et qu'ils assurent, et classent bien mieux les détails de ce rapport, que ne le font les souvenirs qu'on conserve d'une longue reconnaissance.
D. Le dessin n'offre-t-il pas d'autres avantages encore ?
R. Il en offre un immense pour la guerre, c'est d'habituer à regarder et à bien voir; à apprécier les distances, les natures de terrains; à rendre présent ce qu'on a vu; et surtout à juger de la possibilité, de la vitesse, et de l'à-propos des entreprises.
[…]
D. Il faut donc qu'un officier de troupe légère apprenne à dessiner, pour apprendre à bien voir, et suive un cours de topographie ?
R. Cela est indispensable, s'il veut être officier distingué. Je crois même qu'il serait fort utile que ce cours donnât des notions coloriées de perspective aérienne. En poussant loin le talent du dessin topographique, l'officier trouvera des chances nombreuses d'être extrêmement utile aux généraux d'avant-garde, et de se faire une réputation qui hâtera son juste avancement.
D. Mais cette étude serait longue et par conséquent impossible dans la position actuelle des choses ?
R. C'est pour cela qu'on peut se borner à acquérir la prompte connaissance de quelques chiffres topographiques conditionnels, qui, en peu de jours, peuvent se loger dans notre mémoire, se trouver facilement au bout de notre crayon, et dont l'emploi sera éminemment utile pour appuyer les rapports des reconnaissances.
D. Qu'est-ce que la topographie proprement dite ?
R. La topographie est la base de toutes les opérations militaires. Son étude ne saurait être trop approfondie. Quelque connaissance que l'on ait acquise de l'ennemi, quelque force même que l'on ait à sa disposition, toute entreprise quelle qu'elle soit, dépend, dans son exécution, de la connaissance du terrain.
D. Un officier de troupe légère doit-il se fier entièrement aux cartes qui lui sont remises ?
R. Non ; il doit les considérer plutôt comme une indication utile, que comme une reproduction littérale de ce qui est. Il ne doit jamais oublier de rectifier sur sa carte les erreurs qui auraient pu s'y glisser, et d'ajouter les détails utiles qu'elle ne donnerait pas. Il doit penser que plus la carte est anciennement publiée, moins elle doit être exacte, car en bien peu d'années souvent, des villages disparaissent, d'autres se créent, d'autres se joignent, et confondent leurs noms ; des routes changent de direction ; des ruisseaux modifient leurs cours ; des étangs sont desséchés, et donnés à l'agriculture ; des gués sont remplacés par des ponts ; des ponts sont abattus, et reportés plus loin; des terres couvertes de forêts, de bruyères, de marais, des champs, des vignes, des prés, changent entr'eux de destination, de production , et, par conséquent, de formes topographiques.
Il doit aussi se rappeler que la petite dimension de l'échelle sur laquelle la plupart des cartes sont faites, doit souvent entraîner des erreurs. Ainsi, je le répète, il faut que cet officier considère la carte qui lui est remise comme une indication fort utile, surtout pour la direction de sa marche, mais qui, dans ses détails, ne doit pas entraîner de sa part une confiance entière.
D. Indiquez-moi les chiffres conditionnels topographiques que vous dites faciles à retenir et à tracer ?
R. Je vais le faire, en traçant d'abord séparément ces chiffres; puis en les réunissant, en un exemple général, et qui s'appliquera aux chapitres reconnaissances et rapports.
Il est bien qu'un officier ait une grande feuille de papier pour tracer au fur et à mesure le plan de sa marche. Il lui est presque toujours facile d'établir ce plan sur une échelle qui ne soit pas trop petite, parce qu'il peut s'arrêter, et mettre pied à terre toutes les fois qu'il a quelque chose à dessiner. Il peut même dessiner en restant à cheval, si cette feuille est ployée d'avance de la manière la plus commode, pour qu'elle ne se présente au crayon que successivement, et partiellement, au fur et à mesure du besoin, et que la partie dessinée prenne successivement et partiellement aussi dans le pli, la place du papier blanc qui en est sorti ; mais les petites feuilles d'un calepin suffisent, en ayant soin de suivre sur elles, et page par page, en commençant toujours uniformément par le haut ou le bas, le tracé de son plan. C'est sur des feuilles de la même dimension que celle d'un calepin que je donne ici le second exemple que vous me demandez.
D. Quel soin doit-on apporter dans le tracé de ces plans ?
R. C'est, en les commençant, de ne pas les établir sur une trop grande échelle, afin de pouvoir contenir un terrain plus vaste dans une même feuille.
2° De tracer finement pour ne pas confondre ensemble des lignes qui marcheraient parallèlement et indiqueraient des choses distinctes.
3° De porter une attention particulière sur l'écriture et l'orthographe des noms.
4° Quand l'occasion s'en présente de passer à la plume ce qu'on a crayonné, pour être plus certain de le conserver sans qu'il s'efface.
5° De bien établir les distances en inscrivant avec soin , à côté de ses suppositions ou du dire des habitants, le temps qu'on a mis à les parcourir; ainsi d'un point intéressant à un autre, on mettra par exemple : 1 lieue (1 heure au pas), 2 lieues (1 heure au trot).
En comparant le modèle du plan que je vous trace , aux dessins topographiques que vous avez vus, vous trouverez sans doute celui-ci bien grossièrement dessiné. C'est ce que je veux : en simplifiant l'exemple, je facilite la copie. Mon but n'est pas de faire de vous des dessinateurs, mais bien de mettre en peu de jours au bout de vos doigts les chiffres utiles d'une langue nouvelle pour la plupart d'entre vous, chiffres qui ne vous rebuteront pas par la difficulté de les reproduire, et dont vous pourrez vous servir immédiatement. »