« Arrivés à Krasnoë avant la masse de l'armée, nous nous établîmes dans une maison. Des Juifs, pour de l'argent, nous procurèrent un peu de pain et de farine. » (Constantin, Journal et lettres de campagne)
« Pour l'intelligence de ce qui va suivre, il convient de dire ici que les Juifs sont tolérés en Italie [en 1798, Vivien est en garnison à Ferrare) : qu’il y en a beaucoup dans les Légations, dans les villes commerçantes, dans les ports de mer, à Rome même, et de fort riches mais que partout ils habitent un quartier, clos de grilles comme une prison, connu sous le nom de ghetto, dont ils ne peuvent sortir le matin qu'après le lever du soleil et où ils doivent être tous rentrés le soir à l'Ave Maria : honteuse sujétion dont la faveur ni la fortune ne peuvent les affranchir. Pendant l'occupation, les Français trouvaient donc de nombreux partisans parmi les Israélites d'Italie, qu’ils avaient délivrés de cette sorte de geôle, et qu’ils avaient mis en possession de tous leurs droits civils à l'égal des catholiques romains ; aussi, à l'exception des affaires d'intérêt, étions-nous pour eux l’objet de prévenances et d'attentions toutes particulières. J’avais été présenté chez il Signor Jacob-Eléazar Salomon, un des plus Arabes et des plus riches Juifs des trois Légations, et j'en avais reçu une invitation pour assister a une grande fête donnée au sujet de l’arrivée d'une famille juive, tout entière de Livourne, dont un des fils devait épouser la Signorina Rachel Salomon, l’aînée des deux filles de la maison. Je me rendis à l'invitation avec tout l'empressement d'un sous-lieutenant de vingt et un ans, car la danse avait alors pour moi des attraits irrésistibles et après avoir fait ma cour à la Signora Regina Salomon, la mère, pendant une minute ou deux, je me jetai à corps perdu dans une enfilade de salons qui réunissaient plus de deux cents personnes des deux sexes. La cour de la reine de Saba ne devait être ni plus somptueuse ni plus resplendissante, et je certifierais presque qu'elle n'offrit jamais de plus jolis petits minois juifs que ceux rassemblés cette nuit-là dans la première et la plus belle maison du Ghetto de Ferrare. J'avais déjà dansé deux quadrilles et une valse et je venais de prendre place dans un troisième, me trouvant avoir en face la cadette des demoiselles Salomon, peut-être encore plus jolie que sa soeur ainée, mais d'une maigreur et d'une pâleur désespérantes, elle avait pour cavalier un jeune monsieur très élégamment vêtu et dont la figure ne m'était pas inconnue. En dansant, mes yeux se reportaient involontairement sur ce joli cavalier, et à force de chercher dans ma mémoire où je pouvais l'avoir vu, je reconnus Dom Francisco [un moine du Couvent où Vivien logeait]. Etonné comme je le fus de la présence de ce moine endiablé dans une maison juive, dansant avec une Juive; j'allais lui adresser la parole pour lui en témoigner ma surprise, mais il m'arrêta court en plaçant verticalement deux doigts sur sa bouche et en me tournant le dos immédiatement après. Personne, je crois, ne dansa plus que lui, et personne aussi ne fut plus enjoué, plus recherché et plus fêté que l'élégant franciscain. Le lendemain, à dix heures du matin, Dom Francisco était chcz moi, j'étais encore couché. « Savez-vous bien, me dit-il en entrant, que vous avez failli me compromettre et me priver pour toujours d'une société délicieuse que je n'aurais jamais remplacée dans Ferrare. Apprenez donc, mon ami, qu'il m a fallu employer le verd et le sec pour me faciliter l'entrée de cette maison et votre indiscrétion a failli tout rater : c'est d'un parent de la Signora Regina Salomon, ami sûr et discret, que je tiens cette insigne faveur. Comme un sot, j’avais d’abord imaginé de me faire présenté sous l'habit d'un officier français, mais un seul de vos compatriotes eût suffi pour mettre ma fraude à découvert, et il y en a plus de dix qui sont reçus dans cette maison ou, heureusement pour moi, la mauvaise santé d'une des demoiselles a servi de prétexte à ma présentation sous 1’habit d'un médecin vénitien, et à ce titre j'ai été parfaitement accueilli. Mais comment m'avez-vous donc reconnu ? Je devais cependant paraître plus âgé que je ne le suis, car mon perruquier avait artistement enlacé d'autres cheveux avec les miens; et cet habit ample quoique bien tourné, et cette jolie veste brodée de soie de diverses couleurs, et cette culotte noire de drap de soie, et ce jabot et ces manchettes à dentelles, et ces boucles de souliers en diamants; tout cela devait m’avoir donné une tout autre attitude, une tout autre physionomie, une tout autre tournure. -Vous êtes plus roué qu’un procureur ou que trois moines ensemble, mon cher Dom Francisco, lui répondis-je mais il faut que vous ayez le diable au corps, vous ecclésiastique, vous moine d’un ordre qui, par ses austérités a mis une barrière insurmontable entre le monde et lui, pour être aussi avide de plaisirs, et pour aller les chercher chez des Juifs; ce que beaucoup de catholiques laïques n'oseraient faire. Si lorsque nous avions des prêtres en France, un d'eux eût porté l'oubli de ses devoirs jusqu'à ce point, il eut été lapidé, et il n'eut trouvé de pardon ni devant Dieu, ni devant les hommes. […] Découragé par la perte de mes premières reliques [un médailler volé par les Autrichiens à Pavie en 1799], pendant six ans je ne songeai plus à en rassembler de nouvelles, mais un séjour de deux mois à Vienne, ville capitale de l'Empire, ranima mon zèle, et dès le mois de janvier 1806, je me remis sur nouveaux frais à prendre des notes, à rechercher des médailles et des pièces de monnaies étrangères ; je mis à profil, un court séjour à Lubeck, à Berlin et à Kœnigsberg, et j’eus lieu d'être satisfait de mes nouvelles recherches. Varsovie et ses environs me furent peu profitables pour les métaux, parce que les Juifs, les inexorables Juifs de ce pays-là, brocantent sur tout et fondent tout. Il ne leur manque plus que la pierre philosophale après laquelle ils courent depuis longtemps sans avoir pu la trouver. » (Vivien, Souvenirs de ma vie militaire)
« En arrivant à Vilna, à sept heures du matin, je m'aperçus que j'avais trois doigts de la main droite pris par la gelée. Heureusement qu'au moment où nous descendîmes dans un petit café du faubourg, un vieux Juif, manchand d'habits, vint nous offrir ses services ; il me frotta les doigts attaqués avec de l'huile de térébenthine et m'empaqueta la main, qui rétablit la circulation du sang, et coupa court à tout danger. » (Teste, Souvenirs)
« 3 [mai 1812]. A Linow, chez un Juif converti, beaucoup d'officiers ensemble, château de triste apparence où on nous a cependant bien traité. » (Bonnet, Journal)
« Les choses vont s'arranger, je pense, de manière à ce que je me trouve dans la possibilité d'écrire et j'en profiterai, surtout si je suis un peu plus à mon aise qu'aujourd'hui dans ce sale taudis d'infâmes juifs, seuls habitants de ces villes [l’auteur est à Witebsk]; couché sur ma paillasse, enveloppé d'une peau d'ours dans l'obscurité d'un affreux temps de neige et sentant siffler le vent de bise dans tous les coins d'une maison de bois toute délabrée et attendant qu'un sot et sale domestique ait fait la soupe pour la manger dans une terrine en bois, un morceau de viande sur le pouce, arrosé d'un verre d'eau-de-vie détestable, mais nécessaire. » (Lettre anonyme écrite de Dombrowno, le 10 novembre 1812)
« Je croyais que la réception que les Polonais devenus Russes nous feraient serait plus belle que celle qui nous est faite ici. Cette ville [Grodno, juillet 1812], il est vrai, a la rude charge de nourrir une armée nombreuse et affamée. Les Russes, en se retirant, n'ont pas brûlé les magasins ; on trouve de tout ici. Il s'y fait quelque commerce, principalement par les Juifs, qui sont très nombreux. Une chose qui m'a étonné, c'est la beauté des Juives; j'en ai vu plusieurs fort jolies, ce qui ne m'était encore arrivé nulle part ici. […] « Liady […] est la première [ville ; novembre 1812] où l'on trouve des Juifs; aussi j'ai pu y faire faire un peu de pain blanc. » (Pouget, Lettres et notes)
« Ordre du jour du 3 août 1812 (Berthier) : Le commerce des armes ainsi que de toutes les pièces en fer ou en cuivre qui appartiennent aux armes de guerre est plus spécialement encore interdit aux juifs par la raison qu'ils sont accoutumés à spéculer sur tout. » (Livre d’ordres du 2e régiment de Grenadiers à pied de la Garde impériale)
« A midi à Scharatitz le [4 décembre 1805] , le soir à Ottnitz (cantonnements). Ce bourg était en partie pillé par les premières troupes françaises qui y étaient entrées; la plus grande partie de ses habitants étaient juifs, les femmes et les enfants pleuraient dans les rues, le temps était froid, il y avait tombé de la neige pendant la nuit. […] Eppingen, le 23 [février 1806]. C'est une petite ville extrêmement sale, la plupart de ses habitants sont juifs, le bataillon et l'état-major de la division y ont couché. » (Journal de la division de grenadiers d’Oudinot)
« Voulant profiter de mon passade à [Mglin] pour échanger en petits assignats un billet de 25 roubles, que j avais reçu d’un Juif, dans une petite ville à 10 lieues de celle-ci. J'en fis la demande chez le maréchal. Mais, juge de ma surprise, mon cher ami, quand après une légère inspection, on me déclara qu'il était faux. Je l'avais fait examiner avant de le recevoir du Juif, en échange d’un double louis d’or de France, et l'on m avait assuré qu’il était bon. Tu remarqueras que c'était premier que j'eusse vu dans ce pays. Je donnai tous les détails possibles sur le Juif et je pensais qu'au moment où il était fortement question d'une forte émission de faux billets, que l'on attribuait, très gratuitement, au gouvernement français, on m'eut fait rétrograder avec un officier de police, pour tacher de retrouver ce Juif que j’eusse reconnu tacitement, et qui pouvait en avoir pour une somme considérable. C'est ce qu'on eut fait eu France: mais point du tout ; on se contenta de garder mon billet, en me disant que je devais m'estimer heureux de n'être point arrêter et mis en jugement comme émissionnaire de faux billets. Je fus donc obligé d'éprouver cette perte qui m'était sensible dans l’état présent de mes finances et de remercier encore de ce qu'on ne me traitât pas en criminel. Plus à Dieu que je n eusse pas à déplorer d'autres pertes ! » (Breton, Lettres de ma captivité en Russie)
« Dans cette dernière ville [Ozmania, 7 décembre 1812], nous trouvâmes à acheter quelques bouteilles de vin; chez un Juif, du sucre et du café; il fallut payer bien cher ; une livre de sucre me coûta 12 francs. Quand le Juif vit que nous payions bien, il nous proposa du pain; il fallut le faire, et nous vîmes apparaître de petites galettes comme la main, blanches, qui nous paraissaient du gâteau. Nous sortîmes de chez ce Juif pleins de bon espoir ; nous comptions sur Wilna, et avions les vivres assurés jusque-là. […] [A Wilna, le 9 décembre 1812,] nous nous arrêtâmes donc chez un Juif qui nous donna, en payant, du pain, du vin blanc fort léger et du veau rôti ; ce qui nous parut un excellent repas; mais de tout cela en très petite quantité. […] [A Kowno, le 12 décembre 1812], nous nous établîmes chez un Juif; il y avait déjà de la Garde italienne, enfin, je ne sais qui : il fallut passer sur le corps de bien des gens avant de pouvoir arriver à un mauvais cabinet où nous nous retirâmes pour être seuls et tranquilles. […] Cavailher fut obligé de laisser [Joseph] dans cette maison, et il lui remit fort exactement tout ce qu'il lui devait, qui était de plusieurs napoléons, contre mon avis, car c’était comme le denier pour la barque à Caron, et, si le malheureux ne succombait pas, il était certain que nos gens, les cosaques ou le Juif ne lui en laisseraient pas un liard; aussi lui disais-je de le lui garder en cas de retour, ou de le faire passer à sa famille, en lui en remettant seulement une partie. (Pelet, Carnets)
_________________ " Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)
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