Bonsoir,
La campagne d'Ulm, en 1805, est aussi un exemple des difficultés que peut éprouver Napoléon à deviner les intentions de son adversaire direct, surtout si ci ce dernier est illogique et d'une médiocrité affligeante.
Contrairement à un mythe bien établi, l'encerclement des Autrichiens de Mack dans Ulm n'était pas prévu à l'avance dans un plan de campagne imaginé juste avant d'entrer en Allemagne. L'idée d'encercler Mack dans Ulm est venu en pleine campagne de Bavière et quelques jours à peine avant l'exécution.
Sa stratégie de guerre est bonne. La guerre de la troisième coalition oppose sur le papier 250 000 Français à 500 000 coalisés. Cependant, les coalisés sont bien trop divisés dans toute l'Europe, du nord jusqu'à Naples, les Russes ne sont pas encore arrivés en Allemagne. Dès lors, Napoléon décide de frapper les coalisés en détails, il décide d'attaquer tout d'abord les 80 000 Autrichiens de Mack avec une masse de 160 000 Français, s'assurant ainsi une supériorité numérique de deux contre un. Une fois Mack éliminé, Napoléon pourrait se lancer avec sa masse de manoeuvre contre un autre adversaire.
Sachant les Autrichiens de Mack établis sur la rive sud du Danube, Napoléon imagine tout d'abord le plan suivant. Après avoir traversé le Rhin, Napoléon fera descendre ses corps Français vers le Danube, en arrivant par la rive nord. Ses communications pouvant alors être menacés si Napoléon passe sur la rive sud du Danube, Mack pourrait être pris d'inquiétude et ferai alors exécuter une retraite vers l'est. Dans ce cas là, Napoléon ferait descendre ses troupes sur la rive sud et, via une offensive générale, attaquerait les Autrichiens de Mack sur leur flanc gauche découvert pour finalement les anéantir sur les montagnes noires.
Ce premier plan, si bon qu'il était, ne sera jamais réalisé.
En effet, voyant pourtant les Français au bord du Danube par la rive nord, Mack ne semble pas s'inquiéter et décide de rester à l'intérieur et aux alentours d'Ulm. Napoléon change alors de plan. Il fait traverser le Danube à ses corps Français et s'établi sur la rive sud. S'installant ainsi sur les communications des Autrichiens avec Vienne et les Russes, Napoléon pense que Mack sera donc tenté à venir livrer une bataille adéquate à se rouvrir ses communications. Au départ, Mack va justement chercher à se rouvrir ses communications en passant sur Napoléon. Pour cela, le généralissime Autrichien fait n'importe quoi. Au lieu de faire manoeuvrer toute son armée vers l'est, il envoie juste un détachement de cinq milles Autrichiens à l'attaque. Condamné évidemment à être écrasé par la masse de Napoléon, ce détachement sera finalement anéantie par les forces de Murat à la bataille de Wertingen, c'est-à-dire par des forces Françaises égales en nombre, cinq milles Français anéantissent les cinq milles Autrichiens. La victoire Française de Wertingen ne coûta que cent tués et six cent blessés aux Français.
Déçu par la défaite Autrichienne de Wertingen et se rendant compte de la supériorité numérique de Napoléon sur la rive sud du Danube, Mack se décide à changer de plan. Afin de se rouvrir ses communications et afin de prendre à revers Napoléon, Mack se décide à faire passer son armée sur la rive nord du Danube. C'est là que Napoléon va commencer à ne plus trop discerner les intentions de l'ennemi. Au moment où Mack est décidé à repasser sur la rive nord du Danube, Napoléon pense que les Autrichiens vont se retenter à une percée vers l'est par la rive sud du Danube. Le chef Français à tout simplement pensé que les troupes Autrichiennes battues à Wertingen n'étaient qu'une avant-garde précédant toute l'armée de Mack se dirigeant vers l'est. Ney se trouvant sur la rive nord du Danube, Napoléon va donc ordonner au futur duc d'Elchingen de passer sur la rive sud du Danube et d'attaquer le flanc d'un Mack qui, dans l'esprit de l'Empereur Français, manoeuvrait vers l'est. L'erreur d'interprétation de Napoléon va entraîner une première bataille du hasard. Devant passer sur la rive sud du Danube, Ney se prépare à s'emparer des ponts de Gunzburg. Il a finalement la surprise de prendre contact avec toute l'armée de Mack qui, ne voulant pas aller vers l'est mais cherchant à passer sur la rive nord du Danube, occupe déjà la ville de Gunzburg. Ney réussit à s'emparer des ponts de Gunzburg et gagne un peu de terrain sur la rive sud malgré des combats opiniâtre. Possédant pourtant des forces très supérieures en nombre, Mack se décourage sans raisons et abandonne Gunzburg pour se replier sur Ulm.
S'étant replié sur Ulm après avoir abandonné trop facilement le combat de Gunzburg, Mack est tout de même décidé à tenter un passage sur la rive nord du Danube, mais via la ville d'Ulm. Apprenant la tournure du combat de Gunzburg, Napoléon pense logiquement que ce combat ne devait être qu'une diversion adéquate à faire croire un faux passage vers la rive nord du Danube. Tout en continuant à penser que Mack pourrait être tenté à percer par l'est sur la rive sud du Danube, Napoléon imagine que son adversaire pourrait être aussi tenté à s'échapper vers les montagnes du Tyrol, via une marche vers le sud, dans ce cas Mack ne rétablirai pas ses communications mais aurait l'avantage d'échapper aux Français. Tout en conservant des corps avec lui pour contrer une éventuel percée de Mack par l'est, Napoléon ordonne donc à plusieurs de ses corps de se préparer à poursuivre les Autrichiens si ces derniers s'en vont vers les montagnes du Tyrol. Faisant partie de ses corps, celui de Ney doit descendre de la rive nord à la rive sud du Danube. Cependant, avant de faire cela, Ney reçoit de Napoléon l'ordre de s'emparer d'Ulm en peu de temps. Évidemment, pensant que Mack est en train de manoeuver par l'est sur la rive sud ou qu'il se dirige vers les montagnes du Tyrol, Napoléon s'imagine qu'il n'y a pratiquement plus de troupes Autrichiennes dans Ulm. Hors, comme je l'ai évoqué plus haut, Mack n'a nullement l'intention d'aller vers l'est par la rive sud du Danube ou vers les montagnes du Tyrol, son intention est de faire passer son armée de la rive sud du Danube vers la rive nord via la ville d'Ulm. Napoléon s'est donc trompé car Ulm ne se compose pas de quelques troupes Autrichiennes, mais de toute l'armée Autrichienne de Mack. Pour ne rien arranger, Ney se décide à s'emparer d'Ulm par une attaque par les rives nord et sud du Danube, deux divisions de son corps attaqueront par la rive sud pendant que la division Dupont, suivi de la division Baraguey d'Hilliers, devront attaquer Ulm par la rive nord. Baraguey d'Hilliers ne venant pas en aide à Dupont, ce dernier va se retrouver à lutter avec sa division contre la majorité des troupes Autrichiennes. C'est la bataille d'Alasch. L'héroïque division Dupont résiste superbement et réussie à éviter l'anéantissement de sa division en se frayant un passage à travers les masses nettement supérieures des Autrichiens.
On s'est imaginé que c'est la bataille d'Alasch qui aurait fait comprendre à Napoléon l'intention de Mack à s'aventurer sur la rive nord du Danube. Évidemment, ca serait logique. Mais la réalité est autre. C'est Lannes qui a compris en premier l'intention de Mack. Il envoya deux lettres, l'une à Murat, l'autre à Napoléon. Murat ne prit pas les informations de Lannes au sérieux, Napoléon oui. En fait, juste avant l'engagement de la bataille d'Alsach, Lannes, puis Napoléon, avaient finalement compris que la majorité des troupes Autrichiennes se trouvait dans Ulm et que Mack n'avait d'autres objectifs que de s'évaporer sur la rive nord du Danube. Dès lors, à partir de ce moment, Mack n'échappera plus à Napoléon.
Sachant son adversaire dans Ulm, Napoléon va lancer son filet pour anéantir l'armée Autrichienne. Il va imaginer, tout simplement, une manoeuvre consistant à encercler les troupes Autrichiennes de Mack dans Ulm, cela via les rives sud et nord du Danube. Les troupes Françaises étant déjà présentes sur la rive sud, là n'est pas le soucis, le problème vient que les Français ne sont pas encore présents sur la rive nord du Danube. Napoléon va donc devoir forcer un passage sur la rive nord du Danube, retour à la case de départ. Mais tout en se frayant un passage vers la rive nord, Napoléon veut faire en sorte que ce passage soit le plus proche possible d'Ulm. Ainsi, Napoléon pourrait encercler l'ennemi par la rive nord sans que Mack n'ai beaucoup de temps pour s'échapper d'Ulm. Napoléon vise une tête de pont par Elchingen. Ney y livre une bataille mémorable, y bat sévèrement les Autrichiens, ce qui lui vaudra le titre de duc d'Elchingen. La victoire Française d'Elchingen opposa des troupes Françaises égales en nombre à celles des Autrichiens, les Français perdirent pas plus de cent cinquante tués et sept cent blessés, les Autrichiens perdirent quatre milles hommes.
Fort de la victoire d'Elchingen, Napoléon s'offre donc un passage sur la rive nord du Danube tout en étant très proche d'Ulm. Son plan prend forme. Dorénavant, Mack dispose de peu de temps pour organiser une sortie d'Ulm avant que Napoléon ne déploie son filet d'encerclement sur la rive nord du Danube. Napoléon n'a pas d'inquiétude à se faire. Mack imagine n'importe quoi sur les intentions des Français. Mack a appris, d'une source Allemande, une fausse information : les Britanniques auraient réussi à s'emparer de Boulogne et ils auraient ainsi fait éclater une révolution en France. L'information est délirante, mais Mack y croit dur comme fer. Fort de cette fausse information, Mack va même croire que Napoléon ne manoeuvre pas pour l'encercler mais que le chef Français se dirige vers le Rhin avec ses troupes pour rentrer en France et, ainsi, mater la révolution...qui n'existe que dans la tête de Mack. Face à un tel adversaire, Napoléon a en fait tout le temps pour terminer l'encerclement d'Ulm par la rive nord du Danube. Ney attaque les hauteurs d'Ulm et, suite à un vif combat, en expulse les Autrichiens. L'encerclement est terminé. La Garde, Ney, Lannes par la rive nord, Soult et Marmont par la rive sud, encerclent parfaitement les vingt-cinq milles Autrichiens de Mack dans Ulm.
Cette fois, Mack a compris qu'il était encerclé. Ces généraux lui proposent d'effectuer une sortie de nuit et de rompre l'encerclement Français. Trop prudent, Mack s'y refuse. Mack pense à une autre solution, bien plus simple mais bien naïve. Il est persuadé que les Russes ne tarderont pas à arriver et qu'ils jéteront les Français sur le Rhin, dégageant ainsi la place d'Ulm. Les Russes sont bien trop loin pour cela, Mack n'a pas les vivres nécessaires pour tenir dans Ulm jusqu'à l'arrivée des Russes. Mack s'imagine aussi que la ville d'Ulm possède des murailles adéquates à résister à un siège. C'est encore un faux calcul de sa part. Napoléon peut s'emparer d'Ulm quand il le désire. Les murailles d'Ulm datant du Moyen-Age, elles n'ont aucunes chances de résister au feu de l'artillerie Française positionnée sur les hauteurs conquises par Ney. Une fois les murailles détruites, 80 000 Français confiants et sur-motivés n'auront aucun mal à réduire, par un assaut général, 25 000 Autrichiens au moral affaibli. Cependant, voulant éviter un effusion de sang, Napoléon cherche à faire capituler Mack par la négociation. Après de multiples échanges, Napoléon réussit à faire comprendre à Mack que les Russes, étant trop loin, les Autrichiens n'auront pas les vivres nécessaires pour tenir jusqu'à l'arrivée de leurs allié. Mack se décide donc à capituler, 25 000 Autrichiens, ainsi que bon nombre de canons, de chevaux, de drapeaux tombent aux mains des Français avec la place d'Ulm. Juste après la bataille d'Alasch, Mack avait fait partir d'Ulm la colonne de Wermeck pour effectuer une reconnaissance. Cette colonne Autrichienne menaçant les arrières de l'encerclement Français autour d'Ulm, Napoléon avait ordonné à Murat d'attaquer Wermeck et d'anéantir ses troupes. Via une série de victoires, Murat réussit à anéantir entièrement les 10 000 Autrichiens de Wermeck. Ainsi, avec les victoires de Wertingen, d'Elchingen, la destruction des troupes de Wermeck, la capitulation d'Ulm, ce sont 50 000 Autrichiens qui sont anéantis en deux semaines. Napoléon a réalisé là une de ses plus belle campagnes.
L'on constate donc qu'à l'instar de la campagne d'Italie de 1800, la campagne d'Allemagne de 1805 marque encore des difficultés de Napoléon à savoir les intentions réels de son adversaire direct. Avec un général comme Mack, ce n'est pas très étonnant. Napoléon considère le général Allemand comme beaucoup trop doué que le général Allemand ne l'est vraiment. Ce qui n'arrange rien, c'est que le général Allemand fait souvent des manoeuvres totalement contradictoires, comme l'épisode de Gunzburg où il renonce à se frayer un passage vers la rive nord du Danube alors que Ney est en infériorité numérique pour finalement se décider quand même à se frayer un passage sur la rive nord du Danube mais via Ulm. Comment Napoléon aurait pu comprendre, dès le début, les intentions d'un ennemi aussi étrange ?
Bonne fin de week end.
_________________ Bien qu’on ait du cœur à l’ouvrage, l’Art est long et le Temps est court.
Charles Baudelaire
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