--
Merci Jérôme pour votre lien.
Jerôme a écrit :
D'autre part sur le plan pratique, est-ce que la brutalité de la répression outre-mer n'a pas préparé les Allemands aux crimes du IIIè Reich ?
YetAnotherYves a écrit :
C'est la thèse du premier article mais les 2 articles se rejoignent dans le rejet de l'hypothèse de la transgression du tabou. Le second est explicite alors que le premier montre les liens et ne parle que de préparation.
Si je rejoins le rejet de l'hypothèse de la transgression du tabou, c'est à dire un passage à l'acte ceci n'empêche pas de transgresser le tabou dans l'esprit. Combien de tabous n'avons-nous pas transgressé dans l'esprit ? A ce moment on emploie le verbe
fantasmer. La fantasme n'a pas uniquement une connotation sexuelle. On peut fantasmer la mort d'une personne avec des degrés de raffinement qui laisseraient nos amis intimes pantois. Ceci créant un
[b]mieux être[/b] sert d'exutoire. A partir du moment où le mieux être n'est pas atteint mais la frustration du non passage à l'acte plus forte, c'est là que le seuil devient critique.
Evidement, la recherche du mieux être est universelle et la frustration intolérable. Lorsque le cheminement du mieux être est partagé par une minorité, le discours de cette minorité peut dégorger et certains esprits par effet miroir, s'approprier ce cheminement. Si un mieux être en découle, c'est un convaincu de plus.
Autre chose : dans les moments de mal être, plus la pensée ressasse ou se sophistique plus la frustration est intense. Passer en mode
actif et entendre un discours qui tient de l'imagé change la donne.
C'est pour ceci que longtemps la technique du "coup de pied aux fesses" et une argumentation martiale sera la réponse aux états pathologiques qui entraînent une prostration.
Citer :
On ne peut alors que rejoindre que rejoindre Hannah Arendt : la dérive apparaît avec le totalitarisme
Ce n'est pas aussi simple : HA ne propose que deux exemples de totalitarisme.
Il y en a eu d'autres qu'elle n'a pus ignorer mais elle nie leur conceptualisation intrinsèque. Elle ne les voit que comme des avatars soit du nazisme soit du stalinisme, ce qui laisse songeur.
Jerôme a écrit :
C'est là au minimum une simplification étonnante à dimension fortement polémique voire une contre vérité ! Apprendre à lire à des enfants ou faire construire une route serait du racisme ?
Je pense que le paternalisme était dans l'air du temps.
Dans notre société ceci est vu comme une suffisance voire un déni. Il aurait fallu apprendre les dialectes mais si ceux-ci n'avaient aucune transcription, comment faire ?
Installer des infrastructures me semble tout de même un mieux être si ces infrastructures sont aussi ouvertes aux autochtones.
Citer :
En Europe les Allemands poursuivent un but "idéaliste" (ou fanatique si idéaliste choque) : construire un monde sans Juifs (sans Tziganes ou sans d'autres groupes mis au ban). On peut soutenir aussi qu'en URSS Staline veut construire un monde sans bourgeois ! On cherche à bâtir un monde nouveau et parfait.
Je ne vois pas les choses ainsi.
On veut reconstruire un monde où une race parfaite (aryenne) serait dominante, pour les nazis. Beaucoup ne doivent pas partager cette utopie car assez conscients mais c'est dans le kit hitlérien.
Citer :
La réponse la plus crédible consiste à souligner que les pays ayant accumulé la plus large expérience coloniale (Britanniques et Français) ne se sont jamais engagés sur la voie de massacres à grande échelle en Europe à la différence de l'Allemagne nationale-socialiste et de l'URSS communiste !
Peut-être aussi que la France et l'Angleterre bénéficie d'un cadre législatif qui ne tient pas du libre arbitre. Nous avons eu le temps de digérer la notion de liberté et si bien sûr on l'oublie un peu outre-mer, c'est tout de même un acquis et tout au long du XIXème, la France aura encore des révoltes afin que cet acquis -parfois mis à mal- ressurgisse.
A ce moment, l'Allemagne comme la Russie sont encore deux pays sous poigne où l'Armée semble être l'appui le plus sûr. On ne peut donc que ménager celle-ci. Maintenant cette idée est très discutable.
CEN_EdG a écrit :
Mais ce processus de déshumanisation colonial n'a pas plus d'importance que celui qui s'opère dans les tranchées en 1914-1918.
Dans les conflits, l'homme perd de son humanité car c'est l'instinct de survie qui l'anime.
Lorsque la paix revient, il existe des pathologies mais l'homme se réadapte à son environnement qui est la norme. Il peut donc tirer à ce moment les enseignements de ce qu'il a vécu.
Pour le premier conflit, il semblerait qu'en Allemagne ce ne fut pas le cas. Tout de suite elle doit faire face à un conflit politique interne et ensuite elle ressasse le traité de Versailles. On ne peut raisonnablement analyser les choses, surtout en position de vaincu. Ceci se retrouve dans les conflits antérieurs (opposition Prusse/Autriche ou France/Angleterre par exemple). Il est à noter que nous ne pouvons évoquer de fièvre ultranationaliste à ces temps mais le peuple se soude derrière son roi, son empereur sans se poser de question. C'est peut-être ceci qui a donné naissance à ce que nous nommerons le paternalisme. Le peuple est composé d'enfants dont le souverain a la responsabilité maintenant en pater familias, il décide ce qui est bon ou non.
Maintenant je n'ai pas compris la suite de votre démonstration.
Citer :
On notera de plus que l'enseignement de la contre-insurrection dans le sud-ouest africain allemand après 1907 n'a pas dû être largement diffusé.
Il semblerait que si, puisque l'opinion allemande est une des composante de la suspension de ces massacres. Ceci montre que la population pouvait au moins s'émouvoir à un point tel que ceci pesait dans la balance gouvernementale.
Ce ne sera pas le cas sous le régime nazi où la terreur commence avec une presse muselée et une parole suspendue. Je songe à certains qui ne pouvaient ignorer l'existence des camps puisqu'il fallait (j'ai oublié lequel) le contourner.
On ne pouvait non plus à Varsovie ignorer ce qui se passait dans le ghetto, une passerelle était existante.
Surtout que les colons voient les peuples colonisés comme une source de profit à bon compte et pas comme un groupe humain qu'il faut éradiquer.
Narduccio a écrit :
Mais le fait colonial y reste très marginal, ne serais-ce que parce que la colonisation a été quelque chose d'assez marginal dans la vie sociale allemande.
Il semblerait que non à la lecture du lien de Jérôme.
La colonisation ne peut être marginale, elle est vue comme un facteur d'hégémonie, une source économique nouvelle, un nouveau départ pour les colons.
Citer :
Lors des massacres coloniaux, on a souvent exposés les corps. Le but était de terroriser les populations asservies en leur faisant comprendre qu'il n'y avait aucun espoir dans la révolte.
Je ne voyais pas les crematorium ainsi (afin de faire disparaître des preuves) sinon pourquoi filmer ?
Pour moi, les crematorium entre dans une planification : c'est plus simple et plus propre de brûler, c'est aussi un gain de place.
Pourquoi exposer des corps ? Le but est justement de ne pas terroriser ceux à éliminer afin que la population ne puisse que contempler l'ordonnancement des départs. Tout doit se passer sans problème (si j'ose dire) maintenant, au sein des camps on n'en est plus au stade de l'exposition, c'est d'ailleurs pour ceci que le tri se fait à l'arrivée. Afin que ceux qui ne vont pas servir soient ignorant de ce qui les attend. Si vous regardez les plans vous verrez que selon le choix, les chemins ne se croisent pas et ceux qui vont dans les chambres sont immédiatement orientés.
Maintenant, pour ce qui est de filmer : on ne peut pas dire que les nazis aient mégoté ; ce sera justement leur gros problème à Nüremberg.
Citer :
Comment expliquez-vous que les exécutants nazis des premières phases de la Shoah eurent des réticences qui ne sont pas apparus lors des massacres coloniaux ?
Je me suis souvent posé la question.
Au XIXème, le côté psychologique était sans doute shunté et bien sûr on allait pas faire des rapports sur tel ou tel qui n'avait pas tenu le coup. Il doit aussi y avoir la dynamique de groupe et le fait d'être sur un terrain inconnu. Ceci créant de l'anxiété, le défoulement n'en est que plus amplifié.
D'après ce que j'ai visionné, les soldats n'avaient pas de réticences au moment du travail mais après montraient des signes qui pouvaient poser problème.
Peut-être parce-que ceci se faisait -pardonnez moi l'expression- à froid. Il fallait attendre que la tranchée soit creusée, il fallait aussi choisir les éléments qui se chargeraient de la besogne, soldats trop jeunes ?
C'est souvent non pas le premier tir qui coûte mais la répétition. J'ai visionné un film sur les caves de la Loubianka, au début ça va, ensuite il faut de la vodka, ensuite il faut être ivre, puis il arrive un moment où l'on s'abat ivre mort ou bien on est remplacé parce-que le mental ne tient pas. Maintenant, l'endroit est clos et la pénombre règne.
Dans la répétition concernant le soldat allemand, si le corps bascule aussitôt, si l'odeur du sang n'est pas trop prégnante, il existe un moment de face à face et certainement des cris, des pleurs, autant d'éléments qui réactivent chez ces hommes une humanité anesthésiée. Je pense que c'est pour ceci que l'on tournera les personnes. De plus à long terme la besogne n'était pas faisable. Mais bon, c'est très discutable.
--