Merci pour votre réponse @Narduccio
Narduccio a écrit :
Est-ce dire que la civilisation sumérienne était à ses débuts bassement matérielle.... Bien sûr que non. En fait, comme la plupart des cultures dites "primitives" les Sumériens avaient une culture orale très riche. Et comme ces cultures, ils n'ont pas éprouvés le besoin de coucher leurs œuvres "littéraires" par écrit, de les graver dans l’argile.
Qu'est-ce qui permet de dire que les Sumériens avaient une culture orale très riche, puisqu'ils ont disparu il y a fort longtemps?
Narduccio a écrit :
@ QUi, je pense que vous faites une erreur méthodologique dans votre raisonnement. On peut avoir des sociétés très cultivées et très complexes sans avoir besoin de l'écriture. En fait, dans la plupart des cas, les cultures qui passent à l'écrit commencent par utiliser des écritures "incomplètes". Le cas le plus notable est justement celui des premiers écrivains : les sumériens. Quels sont les premiers écrits sumériens que l'on a retrouvé ?
Ils sont de 2 sortes. En premier, des contrats commerciaux. En second des tablettes " d'écoliers". Pas de poèmes, pas de romans, pas de mythes, pas de littérature. Sauf quelques misérables brides présentes dans les devoirs des apprentis-scribes.
Est-ce dire que la civilisation sumérienne était à ses débuts bassement matérielle.... Bien sûr que non.
Je vous remercie pour cet éclairage. Néanmoins je ne crois pas avoir nulle part parlé de sociétés ni complexes ni très cultivées, et inversement ni simples ni peu cultivées. J'ai compris que vous faisiez référence ici au point a) "raisons utilitaristes" ou peut-être aussi au point c) "raison linguistique".
Je n'ai pas évoqué le degré de complexité (d'ailleurs qu'entendez vous par là exactement?) ni le degré de culture, mais le "nombre", la quantité, le volume...
J'ai signifié que, apparemment, lorsque les sociétés comprennent un grand nombre de personnes, et lorsqu'il y a une grande quantité de biens produits ou échangés (quels qu'ils soient : alimentaires, récoltes, artisanaux, outils, ...), alors se pose la question de la comptabilité de ces nombreuses "choses" qui doivent être stockées, acheminées, et même planifiées. Pour qu'elles soient comptabilisées de manière exacte se fait sentir la nécessité de traces écrites.
Mais je crois que vous abondez dans ce sens si j'ai bien compris.
Par société complexe je crois que vous voulez dire "société centralisée (ou non) avec spécialisation des individus dans diverses tâches et (peut-être) existence de nombreux niveaux hiérarchiques". Je doute que de telles sociétés puissent exister sans besoin de comptabilité, sauf dans le cas où "toutes les choses désirables" sont abondantes et disponibles en permanence, ce qui n'arrive bien entendu jamais, puisque le désir qui s'exacerbe se pose toujours sur ce qui est rare.
Il me semble aussi que cette comptabilité première évolue rapidement vers un système d'écriture assez complexe. Il ne s'agit pas seulement de lister les "produits" en y adjoignant des nombres exprimant leur quantité.
Le comptable doit aussi : écrire qui a produit quoi, et où cela a été produit. Il doit qualifier la qualité de ce qui a été produit. Il doit planifier, c'est à dire écrire qui va produire quelle denrée dans le futur, quel personne ou quel individu le pourrait, et qui le désirerait. En cas de mauvaise récolte il doit écrire la cause, qu'elle soit météorologique, organisationnelle, ou autre. Il doit aussi prévoir bien d'autres activités (ex: de combien de soldats a-t-on besoin pour assurer la sécurité dans tel village ou telle région?). On arrive quand même assez rapidement à un langage écrit assez riche, avec "sujet verbe complément et proposition subordonnée", des conjugaisons de verbes au présent, passé, futur, et même au conditionnel, des descriptions des divers endroits de "production", des conditions de production (nécessitant donc des adjectifs précis).
Question: les tablettes sumériennes montrent-elles une telle richesse de langage? Probablement, ou pas, car vous semblez dire le contraire.
Apparemment, si je vous suis, on pourrait dire que deux types d'expression par "traces sur support" cohabitent : une écriture "utilitariste" matérielle que vous évoquez, et une expression plus artistique qui s'exprime par des dessins, des peintures, des gravures que j'ajoute ici. La seconde expression de type artistique semble précéder de longtemps la première (qui n'apparaît que dans les sociétés à "gros volume").
La question vraiment intéressante serait de savoir à quel moment la "synthèse" se fait. Les mythes, les histoires, les légendes s'expriment d'abord de manière orale ou par "peinture rupestre". Puis, à un moment, on fait le lien entre d'un côté l'écriture utilitariste, et d'un autre côté la peinture (ou autre) et l'oralité pour qu'apparaisse l'écriture romancée, la littérature qui raconte des histoires et ne se borne pas qu'à comptabiliser. C'est, me semble-t-il, un changement complet de paradigme de l'écriture.
Question : quand ceci apparaît-il?
Pour revenir à l'Afrique je pense (mais vous me corrigerez), qu'il a existé des sociétés complexes, compris ici dans le sens "à grand volume" en matière de nombre d'individus, de quantité produites, et de spécialisations des individus. Dès lors il a fallu de manière quasi-forcée que des écrits de comptables existent. Je pense que ces écrits ont simplement été perdus, probablement du fait du climat, d'absence de supports durables, mais je me trompe peut-être. Peut-on concevoir une société importante en "quantités" sans comptabilité? Cela me semble difficile.
Mais je m'exprime beaucoup.
D'un autre côté, pour revenir à votre premier propos, je ne crois pas que l'on puisse affirmer sur ce forum qu'une quelconque société humaine soit "peu cultivée" ou même "peu complexe" sans recevoir immédiatement une volée de bois vert (enfin cela dépend du sens que l'on donne au terme "complexité" bien sûr)... la culture, l'art, la mise en récit, l'accès à la symbolique est, je crois, une composante omniprésente de la vie des hommes modernes (des homo sapiens sapiens bref), c'est justement ce qui les différencie de leurs prédécesseurs hominidés, enfin c'est ce que l'on entend souvent, d'un autre côté un grand niveau de technicité et donc de "complexité" est aussi, me semble-t-il, une caractéristique omniprésente des activités humaines, ne serait-ce que pour tailler ou polir correctement des pierres par exemple...