C'est vieux comme l'Antiquité ; cela m'a fait penser au siège d'Amida en 359 :
Ammien Marcellin XIX, 6 (3) Les soldats gaulois, émus de ce spectacle de douleur, voulurent faire une sortie, menaçant leurs tribuns et leurs primipilaires de les tuer s'ils persistaient à les retenir. L'élan était généreux, mais l'instant mal choisi. (4) Comme des bêtes féroces emprisonnées dans leurs loges, rendues plus furieuses par l'odeur de carnage qui s'en exhale, et dont la rage se brise impuissante contre leurs barreaux de fer, ils allaient frappant de leurs glaives les portes, dont la clôture, ainsi qu'il est dit plus haut, avait été ordonnée. C'était un tourment pour leur orgueil de penser que, la ville succombant, ils périraient sous ses ruines, sans laisser le souvenir de quelque brillant fait d'armes; on même que le siège pourrait être levé avant que leurs bras eussent rien fait pour soutenir le renom de la bravoure gauloise. Dans leurs fréquentes sorties cependant ils avaient contribué de leur mieux à détruire les ouvrages de l'ennemi, lui avaient tué nombre de travailleurs, et avaient, en prodiguant leur sang, fait du moins leurs preuves de courage. (5) Quel parti prendre avec ces furieux? La question devenait embarrassante. Les contenir plus longtemps était impossible. On ne vit d'autre moyen que de leur permettre, à la condition d'un délai qu'ils n'acceptèrent pas sans murmure, de tomber sur les gardes avancées des Perses, qui n'étaient guère éloignées de la place que d'une portée de trait. On les autorisa même à se lancer au-delà, s'ils parvenaient à forcer ce premier obstacle; car il y avait lieu de croire, dans ce cas, qu'ils trouveraient à faire un carnage prodigieux. (6) En attendant, la garnison se défendait vigoureusement du haut des murs, travaillant ou se battant le jour, veillant la nuit, et garnissant les remparts de machines à lancer des traits ou des pierres. Pendant ce temps, les Perses firent élever par leurs gens de pied deux hautes terrasses; procédant du reste avec beaucoup de lenteur à cette opération, qui leur assurait la prise de la ville. De leur côté, les nôtres construisaient, à grand renfort de bras, sur leurs murs, des échafauds qu'ils élevaient au niveau des terrasses, en tâchant de donner à ces constructions la solidité nécessaire pour résister à la charge énorme qu'elles auraient à supporter. (7) Cependant l'impatience des Gaulois ne pouvait être plus longtemps contenue. Profitant d'une nuit épaisse et sans lune, ils sortirent par une poterne, armés de haches et d'épées, après avoir appelé la céleste assistance sur leur entreprise. Ils marchèrent d'abord, comptant leurs pas et retenant leur souffle; mais en approchant de l'ennemi, le peloton se serre; il accélère sa marche. On surprend quelques sentinelles, et un poste avancé dont on massacre les soldats, qui s'étaient endormis, ne s'attendant à rien moins qu'à une attaque si hardie. La colonne allait pénétrer jusqu'au quartier royal si le sort eût continué de lui être favorable; (8) mais au bruit des pas, si léger qu'il fût, aux clameurs des blessés, le camp se réveille, et de tous côtés on crie aux armes. Les nôtres s'arrêtent, n'osant faire un pas de plus. C'eût été démence de s'aventurer plus loin, leur marche étant découverte, et toute l'armée perse accourant prendre part à l'action. (9) Cependant les Gaulois, aussi vaillants de coeur que robustes de corps, ne laissèrent pas de faire bonne contenance, abattant de leurs épées tout ce qui osait les affronter de près. Mais déjà un bon nombre d'entre eux avait mordu la poussière; les autres se voyaient au moment de succomber, sous la grêle de flèches qu'on leur lançait de toutes parts; car les efforts de toute une multitude se concentraient sur cette poignée d'hommes, et chaque instant grossissait le nombre de leurs adversaires. Ils commencèrent donc à faire retraite, mais sans qu'un seul d'entre eux tournât le visage. Ils reculaient pied à pied, marquant le pas comme en mesure. C'est ainsi qu'ils repassèrent le fossé du camp, essuyant charges sur charges, et assourdis par un effroyable bruit de clairons. (10) Aussitôt les trompettes sonnent également du côté de la ville, et les portes s'ouvrent pour recueillir les nôtres s'ils avaient le bonheur d'arriver jusque-là. On faisait en même temps jouer à vide la détente de toutes les machines, pour écarter par le bruit les troupes du cordon, qui ignoraient encore le sort de leurs camarades, démasquer les portes, et livrer à nos braves gens le passage libre jusqu'à nos murs. (11) L'artifice réussit. Les Gaulois purent rentrer au point du jour, les uns blessés grièvement, les autres n'ayant reçu que de légères atteintes. Mais cette nuit leur avait coûté quatre cents des leurs; car ce n'était pas à Rhésus, dormant avec quelques Thraces sous les murs de Troie, qu'ils avaient eu affaire, mais au roi de Perse lui-même, qu'ils eussent égorgé dans sa tente au milieu de ses cent mille hommes, s'il n'eût plu au destin de se déclarer contre eux.
_________________ Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.
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