Pour revenir à Westermann, on peut citer les options qu’il préconisait au Comité de salut public début août 1793 : « Dans cette position, il faut donc renoncer au plan de cerner et de marcher en lignes, il faut au contraire réunir toute la force et marcher en masse sur l'ennemi. Cette marche a un double avantage ; elle en impose à l'ennemi et elle est encourageante pour les poltrons qui se voyant réunis beaucoup ensemble, prendront courage et suivront les braves ; elle est encore imposante pour les paysans de la Vendée qui voyant une grande armée réunie, ne se rangerait plus sous le drapeau blanc, ils verront que leur perte serait certaine et ils ne craindront plus les menaces des chefs des rebelles. L'élite de l'armée comprendra l'avant-garde qui ne sera éloignée du corps de l'armée que deux demie lieue pour être soutenue au premier coup de canon ; beaucoup de tirailleurs précéderont les colonnes et borderont les deux côtés des chemins ; pour éclairer la marche, deux pièces de canon et un escadron de cavalerie suivant chaque colonnes, l'artillerie aura ordre de tirer sur les fuyards, et la cavalerie de les charger, ces dispositions seront publiques et seront mises à l'ordre. Comme le paysan de la Vendée est égaré, il faut le ramener et le faire retirer dans ses foyers par des procédés, il faut défendre le pillage sous peine de mort et de l'exécution à l'instant ; pour faire connaître aux habitants de la Vendée les intentions pures de la Convention, il faut faire afficher partout dans les villes et villages, hameaux et forêt des proclamations dans le sens de celles que j'ai faites à Châtillon et dont je joins un exemplaire (1). Dans chaque commune où l'armée de la République passera, elle prendra des otages avec notification que si aucun habitant de cette commune s'avisait de se ranger sous le drapeau des ennemis, les otages en répondront sur leur tête, et qu'à l'instant, la commune sera livrée au pillage et au feu. Les généraux d'armée seront autorisés à donner les exemples de terreur au peuple rebelle qu'ils croiront convenables pour dessiller les yeux du paysan, et le faire rentrer dans son devoir, soit en brûlant les chefs-lieux des rebelles, les possessions des chefs, soit en livrant à la mort les paysans les plus obstinés. En commençant la marche, le tocsin sonnera partout et chaque commune fournira un petit contingent, moitié armé, et moitié pour servir de pionniers. Dans chaque commune où les fonctions des corps administratifs auront cessées, ils seront réintégrés, ainsi que les ministres du culte. Il sera proclamé un manifeste au nom des soldats composants l'armée de la République par lequel il sera déclaré à l'armée prétendue Catholique et Royale, que ne pouvant les regarder que comme des brigands dévastateurs rebelles aux lois divines et civiles, ils ne feront grâce à quiconque sera pris les armes à la main, ou qui, sera convaincu d'avoir marché contre l'armée de la République ; qu'aucun prisonnier ne sera fait ; et qu'en revanche, ils n'accepteront point grâce s'ils avaient le malheur de tomber entre leurs mains. Comme cette guerre ne peut être que de peu de durée, il sera annoncé d'avance que, forcées par les circonstances, les fatigues du soldat seront incalculables, qu'il s'agit de brusquer la marche de l'armée que pour réussir dans l'exécution du plan d'attaque, il est essentiel que le soldat ne soit cantonné nulle part qu'il marche au contraire toujours en bivouaquant dans un pays où à chaque instant, il pourrait être surpris par l'ennemi dans les cantonnements. »
(1) Je n’ai pas encore mis la main sur cette proclamation, mais Westermann l’a évoquée face à Jullien, qui au nom des comités de surveillance et de sûreté générale, rapporta à la Convention le 30 juillet 1793 les mots du général : « J'ai fait imprimer une proclamation que j'ai fait afficher , où après les mêmes défenses [de piller et voler] et sous les mêmes peines [la mort], je déclare aux bons habitants des campagnes et aux tranquilles habitants des villes, que nous ne venons que pour les secourir, que nous n'en voulons ni à leur vie ni à leurs biens, que leurs chefs seuls doivent subir la vengeance des lois, et je les invite à reprendre tranquillement leurs travaux, sans crainte d'être troublés par nos troupes »
On retrouve de cela dans la lettre que Westermann écrivit à Biron le 2 juillet 1793 : « Dans tous les villages où je passe, je fais arracher le drapeau blanc qui est au haut des clochers; partout je prêche aux habitants l'obéissance à la loi; je leur dis, en affichant vos proclamations, que je viens pour les protéger contre les rebelles, et non point les combattre. J'exige de chaque commune qu'elle me fournisse des contingents, et je leur déclare hautement que je brûlerai les villages qui fourniront des hommes à l'armée des rebelles. De cette manière je parviens à grossir ma petite armée de piques et de bâtons ; j'engage beaucoup les autres généraux sous vos ordres d'user des mêmes moyens, et bientôt vous verrez que les rebelles n'auront plus d'asile nulle part. »
Ou dans celle du même jour, également adressée à Biron : « Au reste, l'exemple terrible d'Amailloux et du château de Lescure a semé la terreur parmi les habitants égarés; partout où je passe, je promets votre protection à ceux qui renoncent à donner des secours et du contingent à l'année soi-disant catholique; je leur annonce une armée de trente mille hommes pour les protéger contre les brigands. Le malheureux paysan commence à déserter l'armée catholique; le nombre en diminue chaque jour, soit par la peur, soit par dégoût; les administrateurs, juges et ecclésiastiques qui marchent avec moi font beaucoup d'impression sur le peuple. Enfin, je crois que notre projet va être parfaitement accompli, de mettre les bons en insurrection contre les mauvais. »
Loin de moi cependant de faire passer Westermann pour un tendre : fort éloigné des directives citées plus haut, alors à Rennes, durant la campagne d’outre-Loire, il fit par exemple demander au Comité de salut public, fin novembre 1793, six litres d’arsenic « pour en finir avec les rebelles ».
_________________ " Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)
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