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Message Publié : 18 Déc 2017 17:38 
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Marc Bloch
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Je suis en train de lire une biographie du duc de Vendôme dans laquelle les campagnes de la ligue d'Augsbourg et de la succession d'Espagne tiennent une large place. Or je suis très désorienté par la façon de combattre à cette époque. Certes, j'arrive à peu près à concevoir la dimension stratégique des opérations et le lien entre plan diplomatique et militaire au niveau suprême, mais je ne comprends absolument pas l'extrême prudence et la lenteur des mouvements des armées au niveau tactique ainsi que l'importance des places fortes et des sièges.

En résumé on me semble plus proche de la guerre de 1914 que des campagnes de la Révolution et de l'empire alors qu'il ne me semble pas qu'il y ait eu une mutation technologique majeure entre 1700 et 1792. Sans parler des armées de Louis XIV, quasiment paralysées (surtout pendant la guerre de succession d'Espagne) , de grands généraux comme Malborough ou Eugène semblent des escargots par rapport à Hoche ou Bonaparte !

Faut il incriminer le recrutement des troupes ? des officiers ? ou est-ce simplement le système Gribeauval a permis un changement radical du rythme des opérations ?


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Message Publié : 18 Déc 2017 23:03 
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Jean Mabillon
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Entre 1700 et 1792, il y a eu, je pense une grande mutation en France : les routes..... Sous Louis XIV on oblige la plantation d'arbres, Sous Louis XV c'est le pavage, un entretien bien meilleur ce qui facilite les déplacements..... les véhicules d'artillerie, le transport des canons et d'approvisionnement sont bien meilleurs... les armées sont plus mobiles.... Sans oublier le télégraphe..... L'équipement des armées a aussi considérablement évolué Le fusil à silex a remplacé les mousquets, les gibernes sont apparues et tout ce qui a été allégé ou étudié pour le soldat en campagne. Ce qui bloque les armées de 14/18 c'est le feu....... et la rupture des routes par de vastes noman 's lands qui entravent la progression en cas de succès local.


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Message Publié : 18 Déc 2017 23:39 
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Jean Mabillon
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Prière de lire "sans oublier,à peine plus tard,le télégraphe". Une bonne organisation des relais de poste faisait aussi circuler les informations plus rapidement même pour l'armée.


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Message Publié : 19 Déc 2017 10:46 
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Pierre de L'Estoile
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Effectivement, il n'y a pratiquement aucune évolution technologique d'envergure entre les guerres en dentelle et les guerres révolutionnaires, et pourtant elles n'ont rien à voir.

Les différences sont plutôt organisationnelles. Voici les différences glanées dans un vieux VaeVictis, qui mériteraient d'être détaillées.

Les soldats "en dentelles" sont avant tout des mercenaires ; les soldats révolutionnaires sont levés par tirage au sort. Sous Louis XIV, le soldat est donc une denrée rare, à ne pas gaspiller. De plus, on n'attend de lui aucun engagement particulier, si ce n'est de suivre les ordres. Toutes les armées se sont mises à l'école de la Prusse et entraînent leurs troupes à répéter de manière mécanique et en toute circonstance la cinquantaine de mouvements nécessitée par le chargement d'une arme à feu. A partir de la Révolution, la France, puis à sa suite les autres pays (comme la Prusse) font pleinement jouer leur réservoir d'hommes - et la France a alors le second derrière la Russie. Le soldat peut être levé en grand nombre, est sacrifiable - Napoléon après Eylau : "Une nuit de Paris réparera tout cela !", mais on attend de lui un engagement pouvant aller jusqu'au sacrifice : on exalte les martyrs (Baras), mais on fait attention à son moral "Vous direz 'j'étais à Austerlitz' et on dira 'c'est un brave' !".

De plus, les armées en dentelles marchent d'un bloc. Quand il le faut, on sépare l'infanterie de la cavalerie, et le train d'artillerie suit derrière. Les armées révolutionnaires ont adopté l'ordre divisionnaire : les trois armes sont mêlées dans des armées en miniatures capables d'effectuer des missions indépendantes. Comme ces divisions sont plus étalées, elles peuvent se permettre de vivre sur le pays sans le ravager, tandis que les armées en dentelles sont dépendantes des dépôts de vivre et de munitions présents dans les villes fortifiées.
Une opération en dentelle visera donc à s'emparer d'une telle ville pour ensuite viser la suivante, c'est ainsi que Louis XIV a amené la France au bord du Rhin. Face aux fortifications, la procédure de siège à suivre est mathématiquement définie, et en principe imparable à moins qu'une armée de secours n'arrive. Dès lors, les deux armées commencent des manoeuvres pour se couper de leurs lignes de ravitaillement, avant de finalement se rencontrer. Le vaincu n'est jamais réellement poursuivi, ce qui fait que les pertes demeurent équilibrées. La guerre se gagne souvent par épuisement de l'un des deux camps, qui a ruiné son économie et a dû lever des impôts supplémentaires pour faire face aux dépenses, ce qui occasionne des révoltes dans son arrière-pays.
A l'opposé, les opérations révolutionnaires, et surtout napoléoniennes, viseront une multitude d'objectifs, dont le principal sera précisément l'armée adverse. Clausewitz, qui observe tout depuis l'état-major russe, énoncera sa théorie : le meilleur moyen d'amener l'adversaire à suivre notre politique est de neutraliser ses forces armées -même s'il dit bien que c'est très difficile et pas toujours nécessaire si les objectifs demeurent modestes. Cela constitue une innovation par rapport à la période précédente. De plus, l'ennemi confronté à une multitude de divisions, a grand mal à déterminer où est le gros des troupes et où s'effectuera la concentration avant l'affrontement. D'où l'importance accrue du renseignement et du travail d'état-major pour le traiter.

Voilà, c'est certainement très schématique, mais je pense que l'essentiel est là. Il y a je pense matière à discuter.

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Message Publié : 19 Déc 2017 13:09 
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Marc Bloch
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Il faudrait peut-être voir du côté de Guibert (1743-1790) et son "Essai général de tactique" de 1770 :?:

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Message Publié : 20 Déc 2017 14:58 
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Grégoire de Tours
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Nebuchadnezar, vous mentionnez à la fin de votre (très intéressant :) ) post l'état major.

En me fiant à de lointains souvenirs de lectures plutôt vagues, je crois me rappeler qu'on voit aussi un grand changement dans le fonctionnement et l'organisation des états majors après la révolution française. Avec un plus grand état majors et des postes diversifiés qui apparaissent (responsable topographe par exemple) et une "professionnalisation" accrue.

C'est ce qui, paradoxalement, permet de manœuvrer un plus grand nombre de troupes de manière plus fine.

Je ne sais pas si un spécialise peux confirmer ?


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Message Publié : 20 Déc 2017 16:45 
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Marc Bloch
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Intéressant article, écrit par un historien professionnel. D'après lui, la notion d'état-major commence avec Napoléon.
https://carlpepin.com/2013/04/25/de-lad ... general-3/

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Message Publié : 20 Déc 2017 21:23 
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Marc Bloch
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Je remercie les uns et les autres pour leurs intéressantes contributions mais sans vouloir chipoter, je ne suis pas certain que les considérations applicables à la guerre en dentelle valent pour l'époque du Roi Soleil. En effet Frederic II me semble avoir réintroduit une certaine mobilité qui était entièrement ignorée un demi siècle avant !


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Message Publié : 20 Déc 2017 23:55 
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Pierre de L'Estoile
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Faget a écrit :
Intéressant article, écrit par un historien professionnel. D'après lui, la notion d'état-major commence avec Napoléon.
https://carlpepin.com/2013/04/25/de-lad ... general-3/
Très intéressant, merci !
C'est vrai que l'Etat-Major commence sérieusement avec Napoléon. Du reste, quand je vois le mobilier qu'il se faisait construire, le fameux style empire, je me dis qu'il a dû poser lui-mêmes les bases des méthodes de travail. Ce ne sont que tiroirs et plateaux coulissants ;) L'équivalent le plus proche de l'ordinateur.
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Il devait avoir une masse de fiches importantes, dont il tirait la matière pour dicter ses fameuses 4 lettres simultanées.

Jerôme a écrit :
Je remercie les uns et les autres pour leurs intéressantes contributions mais sans vouloir chipoter, je ne suis pas certain que les considérations applicables à la guerre en dentelle valent pour l'époque du Roi Soleil. En effet Frederic II me semble avoir réintroduit une certaine mobilité qui était entièrement ignorée un demi siècle avant !
Hmmm... la question se pose. L'expression apparaît sous la Révolution pour désigner le style de guerre du sièce dernier. Quel est celui des armées de Louis XIV, qui mord un peu sur ce XVIIIe siècle ?
En tout cas, pour la poliorcétique, qui constitue la majeure partie des opérations, c'est bien Vauban qui l'amène à son apogée, les généraux du XVIIIe siècle ne faisant que suivre ses enseignements.

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Message Publié : 21 Déc 2017 1:09 
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Nebuchadnezar a écrit :
Il devait avoir une masse de fiches importantes, dont il tirait la matière pour dicter ses fameuses 4 lettres simultanées.

A propos de sa fameuse dictée à son chef d'état-major (Berthier ?) au camp de Boulogne, où pendant trois heures il donne les ordres de mouvement qui vont amener la grande armée en direction du Danube, Claude Manceron fait remarquer :"L'exploit apparaît moins exceptionnel lorsque l'on sait le soin qu'il prenait à tenir à jour ses dossiers. La victoire d'Austerlitz est d'abord le résultat de fichiers bien tenus."

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 22 Déc 2017 10:54 
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Jean Mabillon
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Je me demande si les particularités des armées de la fin du règne de Louis XIV - en gros de 1685 à 1712 avec la prolifération des sièges et l'amoindrissement des mouvements - ne relèvent pas surtout de causes psychologiques et sociales.

Je veux bien que les routes soient médiocres, que la logistique soit faiblarde, que les soldats soient peu motivés... mais enfin tout cela n'a pas empêché Gustave Adolphe et Turenne de mener de vraies campagnes audacieuses et brutales ...Comme Frédéric le Grand le fera plus tard, et même des Français - les soldats de Louis XV ont pris Prague, on l'oublie souvent !

Je suggère donc une piste.

Il me semble que les armées de la fin du XVIIè siècle ont connu une forte hausse de leurs effectifs - et probablement une baisse de la qualité de la troupe. En 1700 un bon soldat c'est un soldat qui craint plus son sergent que son ennemi ...d'où un souci constant de conservation de la discipline qui réduit les mouvements et prive les armées de toute souplesse...

La situation est sans doute pire au niveau des officiers. malgré la professionnalisation et l'effort d'objectivité introduits par Louvois (avec le fameux tableau d'avancement), je pense que les amitiés, les relations familiales, les cabales de Cour jouaient encore un grand rôle dans les promotions et nominations... et ce d'autant plus que le volume des armées (on y revient) réduisait la sélectivité du recrutement des cadres ...

Evidemment tout cela n'a pas empêché Louis XIV de trouver Villars ni les Alliés de disposer de deux très grands généraux ...


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Message Publié : 24 Déc 2017 18:23 
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Marc Bloch
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Je remercie tous les intervenants.

Une remarque : je crois qu on sur estime la modernisation militaire française sous Louis XIV. C'estbsans doute la Prusse qui mettra au point la première armée moderne au XVIIIe siècle.

Un Sachant peut il nous éclairer ?


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Message Publié : 29 Avr 2018 0:54 
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Hérodote
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Comme l'a décrit Napoléon, LOUIS XIV était un grand tacticien


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Message Publié : 29 Avr 2018 9:32 
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Jean Mabillon
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Louis XIV avait de bons et de très mauvais conseillers. On peut être un bon tacticien militaire et ne rien y comprendre à la diplomatie ni aux négociations.Je m'en suis rendu compte il y a peu quand j'ai revu dans le détail la guerre de Hollande de 1672 à1678. Grace à l'audace et la rapidité des opérations du début, amenant la prise d'Utrecht, des négociations intelligentes auraient pu amener de gros profits pour la frontière du Nord tout en évitant des atrocités, des tueries inutiles ainsi qu'une hostilité généralisée de l'Europe du Nord-Ouest à l'égard des Français, une guerre qui a duré cinq années de trop.... Louvois, le Duc , Maréchal de Luxembourg sont en cause.


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Message Publié : 29 Avr 2018 15:47 
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Polybe
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Pour comprendre le peu de mobilité de l’armée de Louis XIV sur le champ de bataille, je vais donner quelques exemples parmi les nombreuses évolutions tactiques qui vont se mettre en place au cours du 18e siècle à titre de comparaison.

Je ne parle ici que de la tactique élémentaire. « ... la tactique élémentaire a pour objet de mouvoir un régiment dans toutes les circonstances que la guerre peut offrir, de même la grande tactique a celui de mouvoir une armée d'après toutes les données possibles. » Guibert - 1772

Le fusil et les méthodes de tir

Une partie des modifications dans les évolutions et les manœuvres de l’infanterie au cours des batailles découlent du remplacement du mousquet à mèche par le fusil à platine; puis par la généralisation de la cartouche à balle, améliorant la maniabilité et la vitesse du tir ; avec pour corollaire une augmentation de la puissance de feu (pas forcément encore de la fiabilité du tir); enfin de l’adoption de la baïonnette à douille qui entraîne la disparition des piques de l’infanterie au début 18e du siècle. Si le fusil apporte une plus grande cadence de tir en comparaison au mousquet, sa portée et son efficacité restent aléatoires, par la mauvaise qualité des armes et de la poudre, par l’absence de formation des soldats. Les progrès techniques réalisés sur la qualité des matériaux, l’accroissement de la fiabilité des fusils, des soldats mieux entraînés, la réduction des feux à commandement au profit d’un feu plus ajusté vont progressivement changer la donne. Et le progrès suivant, en matière d’arme à feu, sera tout aussi progressif et tardif avec l’amorce en fulminate ou l’adoption en 1854 de la carabine pour les chasseurs de Vincenne, ..

Le pas cadencé

Chaque soldat de Louis XIV marche comme il le veut à son pas pour se mettre en bataille. Pour le maréchal de Saxe , vers 1750, la force de l’infanterie est dans ses jambes ; il est partisan du tact pour régler le pas du fantassin. Il s’opposait à Puységur qui ne voyait pas d’utilité au pas cadencé, ni même aux rangs serrés pour les évolutions. C’est sous l’impulsion du comte de Bombelles que l’infanterie française adopte en 1754 le pas cadencé et le pas emboîté ; c’est-à-dire le fait de marcher en file serrée, en cadence, de manière à ce que le pied de l’homme qui suit se pose à la place que quitte le pied de l’homme qui le précède.
L’adoption du pas cadencé apporte une amélioration considérable. Les mouvements de l’infanterie se faisaient en rangs ouverts, lentement et avec beaucoup d’espace. Le pas cadencé permet de réaliser les mouvements plus rapidement et en rangs serrés sur des espaces beaucoup plus réduits.

L’ordre mince remplace l’ordre profond

L’infanterie de Louis XIV tire sur sur cinq ou six rangs, et l’on faisait tirer soit l’ensemble des rangs soit par deux ou trois rangs à la fois. Ces feux nécessitent des manœuvres et des conversions compliquées pour réaliser les emboîtements nécessaires à ce type. Ils sont aussi très dangereux pour les soldats et les officiers des premiers rangs. Pour illustrer ce que devaient être ces formations, leur complexité et leurs dangers, voici un extrait de la Doctrine militaire La Fontaine en 1672 où il décrit la méthode pour tirer sur cinq rangs ; à cette époque, sont encore des mousquetaires armés de mousquets : « on faisait mettre les deux premiers rangs à genoux, le troisième étoit fort courbé, le quatrième l’étoit moins et le cinquième debout. » Pas question de relever la tête dans les premiers rangs et les officiers placés en avant devaient mettre ventre à terre ! Et en note Blondel dans son Elémens de Tactique écrite à propos du feu sur 4 rangs : « Malgré cette attention [d’avoir quatre rangs très resserrés], il arrive souvent dans les exercices, lorsqu’on fait tirer les soldats, que ceux du premier rang ont les cheveux brûlés, et que les officiers ont des coups de feu dans leurs habits. » Heureusement, les exercices se font sans balles, ce ne sont que des traces de la cartouche de papier et des résidus de poudre, mais sur le champ de bataille …
Le milieu du 18e consacre l’avènement de l’ordre mince. Et c’est l’ordonnance du 6 mai 1755 qui institue définitivement la formation sur trois ou six rangs, la première pour le feu et la seconde pour l’assaut et le choc avec la formation en colonne. « Toutes les fois que l’infanterie prendra les armes, pour quelque occasion que ce soit, elle sera formée sur trois rangs ; et pour l’exercer sur une plus grande profondeur, on lui fera doubler les files, afin de la mettre de six de hauteurs… » Voici le sentiment de Napoléon sur le sujet, extrait de ses mémoires écrites à Sainte Hélène : « Au commencement de 1700, Louis XIV a supprimé les piquiers et armé toute son infanterie de fusils avec baïonnettes. Elle a continué cependant pendant quelque temps à se former sur quatre rangs ; mais on n’a pas tardé à en sentir l’inconvénient ; car le quatrième rang ne peut pas se servir de son fusil ; on l’a donc supprimé, et depuis lors la formation de l’infanterie a été sur trois rangs. On a cependant reconnu l’inconvénient du feu du troisième rang, ce qui obligeait à prescrire que le premier rang mît un genou en terre au feu de peloton et de bataillon ; mais le seul feu en usage à la guerre est le feu à volonté, par la droite et par la gauche de chaque peloton. On a varié sur la manière de tirer parti du troisième rang dans ce feu. D’abord on l’a fait tirer comme les deux premiers rangs, passant le canon de son fusil sur 1'épaule droite de l’homme du second rang ; mais, le canon du fusil n’ayant que 4 pieds 8 pouces, la bouche de celui du troisième rang dépasse à peine de 8 pouces la poitrine du premier rang, et lui blesse la main gauche lorsque ce rang met en joue. Les accidents étaient si nombreux qu’on s’est décidé à abandonner le feu du troisième rang comme impraticable. On a fait charger le fusil du second rang par le troisième, le second rang n’étant plus chargé que de tirer. On a cru avoir amélioré le feu ; l’expérience a démontré que le second rang n’en tirait pas davantage et tirait plus mal.
Le feu des tirailleurs est le meilleur de tous ; celui d’un rang seul vient après ; celui de deux rangs est encore bon ; mais celui de trois rangs est mauvais. Le troisième rang ne peut rien faire qui puisse accroître le feu des deux premiers rangs, ce qui prescrit la formation de l’infanterie sur deux rangs. »

Progrès encore avec les prémices de la formation divisionnaire au début du siècle, plus avancée encore durant la guerre de Sept Ans, qui sera à mon sens une des avancées tactiques majeure des guerres de la Révolution.

Enfin, vous dites qu’il «n’y a pas eut de mutation technologique majeure » Je répondrais par oui et non. Oui par exemple avec l’adoption du fusil, et non parce qu’il faudra pratiquement un siècle pour en faire véritable une arme qui change la donne sur le champ de bataille. Pour l’artillerie de même rien de révolutionnaire, mais beaucoup de progrès comme le forage horizontal des tubes, la réduction du vent du boulet …

Quand au changement de la grande tactique ou stratégie il est en partie lié au changement de la tactique élémentaire (siège vs bataille). Frédéric II ne s’occupe parfois pas des places fortes ennemies, qui ne prennent pas le risque de se dégarnir pour l'attaquer, Frédéric II préfère être mobile.

Voici quelques idées sur la difficulté à mettre en bataille une armée sous Louis XIV. Un livre intéressant et facile à trouver sur le net: L'Infanterie au XVIIIe siècle LA TACTIQUE par Le Commandant d’artillerie COLIN.


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