Barbetorte a écrit :
L'objectif principal était la conquête de l'Europe orientale. La mise hors jeu de l'Angleterre n'était qu'une condition nécessaire à réaliser en vue d'atteindre l'objectif principal. Poursuivre l'objectif principal pour atteindre l'objectif secondaire en vue de l'objectif principal, c'est le serpent qui se mord la queue.
Cela n'est pas contradictoire avec mes propos. Je trouve cela juste. C'est juste une question de timing et pour que le Reich millénaire puisse coloniser en paix son Lebensraum à l'Est, il a besoin que ses cousins britanniques le laisse tranquille. En paix.
Et quand il dit qu'il va attaquer l'URSS pour "ôter au Royaume-Uni son épée orientale", je crois qu'il annonce clairement que son intention principale, son effet majeur, à l'été 1940, est de frapper décisivement les Britanniques pour les sortir du conflit.
Il est toutefois possible que ce genre de déclarations aient eu pour but un auditoire interne, que ce soit pro domo, pour convaincre la Generalität de l'armée de Terre en particulier que la guerre à l'Est était le seul moyen de frapper le Royaume-Uni. Elle était assez motivée pour "Seelöwe", au contraire de la Kriegsmarine qui n'y a jamais cru, et de la Luftwaffe qui avait vu ce que ça lui coûtait. Et une guerre sur deux fronts était absolument contradictoire avec tous les principes stratégiques bismarckiens alors en vigueur dans le corps des officiers du Heer, principes revigorés par le résultat dramatique pour l'Allemagne d'une guerre sur deux fronts en 1914-1918. Il fallait donc convaincre ces généraux que si on voulait amener ces satanés Britanniques à composer, il fallait d'abord passer sur le ventre des moujiks. Le conditionnement, les préjugés raciaux/sociétaux/politiques et la confiance en la supériorité de la Wehrmacht ont fait le reste.
Barbetorte a écrit :
En fait, Hitler a estimé qu'il n'y aurait que des inconvénients à attendre davantage. Il y avait effectivement le risque que l'URSS ne finît par apporter son concours au Royaume-Uni et, quoi qu'il en soit, la certitude que plus il attendrait, plus l'Armée Rouge se renforcerait une fois passé l'effet des grandes purges et qu'elle bénéficierait inéluctablement de la montée en puissance continue de ses industries. Somme toute, c'était alors ou jamais et, en ce sens, lancer l'opération Barbarossa en juillet 1941 n'était pas dénué de rationalité. Mais tout de même, c'était très hasardeux et je ne crois pas qu'un Bismarck s'y fût risqué. Il se serait contenté de faire du Reich la première puissance militaire, économique et politique d'Europe sans chercher à l'envahir jusqu'à l'Oural. C'est en ce sens que j'ai qualifié l'entreprise nazi d'irrationnelle.
Je suis plutôt d'accord avec vous ici aussi. Sauf que "Barbarossa" a été lancée fin juin et pas en juillet bien sûr
Barbetorte a écrit :
C'est sûr. Mais si l'objectif était d'interdire aux Anglo-américain de débarquer en Normandie, il aurait été plus simple de disposer 80% des forces le long des côtes atlantiques et 20% en défense à l'est face à une URSS qui, en 1941 tout au moins, n'avait ni l'intention ni les moyens de lancer une attaque contre l'Allemagne.
C'est toute la question. En 1941, la menace militaire britannique sur l'Europe nazie est négligeable. Ce n'est donc pas elle qu'il s'agit de supprimer, c'est celle, potentielle, d'une alliance américano-britannique bien plus dangereuse, surtout combinée à une URSS toujours intacte à l'Est. C'est bien le calcul de Hitler : pour assurer son hégémonie sur l'Europe durablement, il a besoin à la fois d'une URSS détruite et conquise jusqu'à l'Oural, et d'une "pax germanica" incluant un Royaume-Uni en paix occupé à administrer ses colonies et ses flux commerciaux maritimes. Peu importe la priorité pour peu qu'il réussisse à atteindre cet objectif, mais il serait fallacieux de penser qu'il se moque du Royaume-Uni comme d'une guigne : il a besoin d'un Royaume-Uni qui soit en paix avec l'Europe nazie.
Barbetorte a écrit :
Si l'objectif principal était de mettre le Royaume-Uni hors jeu, il aurait fallu alors poursuivre la guerre d'Angleterre en y mettant des moyens aériens alors immobilisés à l'est. Une invasion terrestre de l'Angleterre était peut-être irréaliste, mais une neutralisation de la Royal Air Force par la destruction systématique des infrastructures était envisageable et aurait peut-être été obtenue si Hitler n'avait pas cédé à l'impulsion en décidant de frapper les villes plutôt que des objectifs purement militaires en rétorsion d'un bombardement sur Berlin.
Non, car dès avant "Seelöwe", Hitler a opté pour mettre l'URSS hors-jeu d'abord. Dès le 13 juillet 1940, cette décision semble avoir été prise. "Seelöwe" dès lors, comme la bataille d'Angleterre et toutes les autres actions menées contre le Royaume-Uni, dont des bombardements qui peuvent semble erratiques et des décisions prises sous le coup de la colère, ne sont que des diversions, des pressions limitées destinées à forcer une sortie de guerre des Britanniques. Rien de plus. Il n'a jamais eu l'intention de consommer sa Luftwaffe et sa Kriegsmarine, insuffisantes à la tâche, pour obtenir un résultat incertain, alors que son principal outil de domination militaire, l'armée de Terre, ne peut jouer aucun rôle significatif dans cette lutte. Au contraire, il attaque l'ennemi qui lui semble - et ce fut de toute évidence une lourde erreur - le plus à sa portée : l'URSS.
Mon avis est qu'il a eu tort et qu'il aurait pu, à défaut de sortir le Royaume-Uni de la guerre, en diminuer fortement la capacité de nuisance ne serait-ce qu'en sécurisant la Méditerranée. Il est vrai que le meilleur service que le sort aurait pu lui rendre, c'est de tempérer Mussolini, d'en faire un attentiste qui n'attaque pas les Alliés le 10 juin 1940, ôtant ainsi un énorme poids grévant les capacités allemandes pour protéger un flanc méridional bien vulnérable.
CEN EdG