Bonjour,
J'ouvre un sujet transversal sur le passionnant Capitaine Bligh et la frégate "Bounty". Ce sujet en effet recouvre à la fois l'histoire navale, les techniques de navigation, la discipline sur les navires militaires, les mutineries à l'époque des lumières juste avant les révolutions américaine et française, et un exploit humain.
On présente souvent Bligh comme un homme extrêmement autoritaire, capricieux et cruel. En Australie, dont il est devenu gouverneur, ainsi qu'au sein de la Royal Navy, le sauvetage de son équipage loyaliste reste salué comme l'un des plus fameux exploits maritimes de tous les temps, et il est plus admiré que critiqué.
Pour retracer l'histoire de la Bounty, il faut comprendre l'état d'épuisement des marins, et les conditions générales des marins de cette époque.
Bligh avait navigué avec le célèbre Cook, capitaine au prestige inégalé jusque là, découvreur de terres australes pour sa très gracieuse majesté. Bligh, d'extraction modeste, aspirait à devenir lui aussi une légende. On rejoignait l'élite des capitaines quand on avait fait passé le Cap Horn, ou réalisé une circumnavigation.
Lorsqu'il se vit confier la Bounty, le plan de voyage était de se rendre à Tahiti dans le Pacifique en passant le Cap Horn d'Est en Ouest. Les vents et courants au sud des caps vont dans l'autre sens" d'Ouest en Est. C'est pur cela que tous les records à la voile, jusqu'à François Gabard en 2018 se font dans ce sens-là. Or, le gréement carré des frégates de l'époque et la forme des coques ne permettent pas encore de bien remonter au vent. Les conditions au Cap Horn étant souvent particulièrement difficiles, il fut impossible au Bounty de passer le Cap.
Pourtant, sur la carte, c'est la route la plus courte entre l'Angleterre et le Pacifique, et Bligh s'est obstiné à vouloir passer, pendant plusieurs semaines précieuses, d'hiver, épuisant son équipage dans des conditions de mer de et froid éprouvantes.
Ne parvenant pas à dépasser la corne de l'Amérique du Sud, il finit par renoncer et par aller vers l'Est, par le Sud de l'Afrique et de l'Australie, pour gagner le Pacifique. Outre la fatigue de l'équipage, cette tentative malheureuse lui a fait perdre un temps précieux. Il avait déjà perdu beaucoup de temps à Portsmouth à attendre que le Bounty soit prêt. Or, le calendrier n'est pas anodin.
Sa mission était de rapporter des arbres à pain de Tahiti, et cette plante ne pouvait être récoltée qu'à une période bien précise. Si l'on ratait la saison, il faudrait attendre une nouvelle saison.
Il parvint à Tahiti trop tard pour charger les arbres à pain. Il fut donc contraint, avec son équipage, de rester à Tahiti beaucoup plus longtemps que prévu. Ceci donna l'occasion à son équipage de fraterniser avec les accueillants tahitiens et surtout tahitiennes, dont les moeurs étaient beaucoup plus libres qu'en Angleterre. Le climat, la douceur de vire, l'oisiveté relative par rapport aux épreuves du bord, ont eu pour effet de rendre l'équipage de plus en plus rétif à quitter l'île paradisiaque.
D'autant qu'ils savaient ce qui les attendait sur le chemin du retour: ce fameux Cap Horn qui les avait si durement éprouvés à l'aller.
Durant le voyage aller, Bligh avait appliqué le code de discipline en vigueur à l'époque, qui ne négligeait pas les châtiments corporels. Mais Bligh est maintenant considéré comme particulièrement peu cruel pour l'époque. De même on considère qu'il a fait preuve de trop de laxisme lors de l'escale de Tahiti et a trop permis à ses hommes de fraterniser avec les Tahitiennes et de s'installer.
Après le départ de Tahiti, les événements sont connus de tous, et ont été maintes fois racontés dans les romans et au cinéma: ce fut la mutinerie, menée par Fletcher Christian.
Christian abandonna Bligh et 18 hommes d'équipage sur une chaloupe étroite, trop petite pour eux, munie d'une voile et de rames, avec un compas et quelques vivres, en plein Océan Pacifique. C'était les condamner à une mort certaine.
Mais Bligh, au prix de risques énormes et de privations, au terme d'un périple resté légendaire dans les annales navales, parvint à ramener ses hommes, moins un tué par des indigènes sur une île inhospitalière. Cet exploit lui valut la reconnaissance de l'amirauté, en même temps que son acquitement devant la cour martiale chargé de le juger pour la perte de son bâtiment.
Parmi les nombreux films consacrés à Bligh, c'est celui de l'excellent Peter Weir 1984 qui lui est le moins caricatural. Anthony Hopkins campe avec brio le capitaine, sans excès, et même si le rôle de jeune premier est toujours celui de Christian, on comprend que Bligh était dans son rôle pour maintenir son équipage.
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