En fouillant sur le net, j'ai à la fois trouvé des éléments là-dessus, et également d'autres inverses, où l'administration française, croyant à un "mythe" berbère, aurait tenu les Berbères pour plus faciles à assimiler que les Arabes, et aurait concentré ses efforts envers eux.
Encore un imbroglio typique de l'histoire de l'Algérie coloniale, dont plus rien ne m'étonne. Le pire est que l'administration est parfaitement capable d'avoir fait les deux !
Voici ce que j'ai trouvé à l'appui de cette thèse.
Bernard Lugan, dans
Histoire des Berbères, indique :
Bernard Lugan a écrit :
En Algérie, après la révolte de 1871, la Kabylie fut considérée comme peu sûre et considérée comme un foyer rebelle et cela à la différence des régions arabes généralement demeurées dans la fidélité à la France. Durant la période française, le bloc berbère fut doublement entamé, à la fois par l'extension de l'"Ecole de la République" et par l'extension de la langue arabe. [citation de Hamadou, ci-dessous) L'émigration kabyle vers la France favorisa également cette déberbérisation.[...]
[La révolte de 1871] laissa un tel souvenir aux jacobins coloniaux qu'ils entreprirent de combattre l'identité kabyle comme leurs homologues métropolitains le faisaient avec les Bretons ou les Basques, politique qui profita à la langue arabe. Alors que, durant des siècles le bloc linguistique berbère avait maintenu ses positions face à l'arabe, en quelques décénnies de présence française, il recula, se rétracta et se fragmenta.
Il cite également un
article de l'écrivain et linguiste Mohand Akli Haddadou, de l'université de Tizi-Ouzou.
Mohand Akli Hammadou a écrit :
En fait, le processus de déstabilisation a commencé avec la colonisation française qui, au dix-neuvième siècle, a déstructuré les sociétés berbères traditionnelles et favorisé les déplacements de population. A titre d’exemple, des villes comme Blida et Boufarik, données au début du vingtième siècle encore comme entièrement berbérophones, ne le sont plus aujourd’hui ; en Kabylie, les frontières du berbère ont reculé dans la partie orientale et même dans la partie occidentale, où des villes comme Bouira et Dellys sont partiellement arabisées
Aujourd’hui, selon les estimations les plus crédibles, les berbérophones ne représentent plus en Algérie qu’un tiers de la population, dont trois quarts en Kabylie.
Donc, il semble que l'arabisation des Berbères, n'était peut-être pas une politique délibérée, mais une conséquence inattendue de la politique menée par la France.
De manière amusante, j'ai trouvé, au hasard des renvois, un
numéro du journal
Le Temps du 27 août 1912 qui commente le phénomène.
Le Temps a écrit :
[...]un certain nombre d'indigènes sont bilingues arabes et berbères. En présence de cette dualité d'origine et de langue, quelle a été notre attitude ? Il eût été de notre intérêt le plus évident qu'il fallait appliquer la vieille maxime qu'il faut diviser pour régner, et de nous appliquer à maintenir l'originalité des deux races. Les Berbères ayant besoin d'une langue plus répandue que la leur pour leurs affaires, nous aurions dû y substituer le français à l'arabe dans ce rôle. On sait que par une fâcheuse manie d'uniformisation, nous avons fait exactement le contraire ; nous avons travaillé de notre mieux à arabiser les Berbères en les soumettant à des magistrats arabes et en leur imposant l'arabe pour la correspondance officielle. Ce n'est que depuis peu qu'on s'aperçoit qu'on a fait fausse route.
On notera le cynisme du propos
Je ne vois pas en quoi, là dedans, il y a des preuves de l'arabisation des Kabyles. Et je pense que cette idée est fausse. Les Français n'avaient aucun intérêt à les arabiser (révolte des Mokrani ou pas), et les Kabyles ont toujours gardé une certaine distinction ethnique avec ou sans la présence des Français.