Ulsikaz a écrit :
Merci pour les éclaircissements. Très intéressant. Il me semble que pendant les deux conflits mondiaux, il y a une pression des autorités françaises pour engager des soldats maghrebins dans leur rang. A-t-on des articles à ce sujet ?
Pour le Maghreb, je ne sais pas.
Pour l'AOF en 1914-1918, en revanche, on a cette affaire :
" Van Vollenhoven prend ses fonctions à Dakar le 3 juin 1917. À travers un rapport de mission de l'inspecteur général Picanon, il découvre les ravages faits par les recrutements pour le front dans une population déjà très éprouvée par les épidémies et la misère, entraînant exodes et révoltes8. En juillet 1917 il émet un avis défavorable au principe d'un nouveau recrutement demandé par le ministre des Colonies, André Maginot : « Les opérations de recrutement qui ont eu lieu de 1914 à 1917 en AOF ont été excessives dans leurs résultats comme dans leurs méthodes... Aucun nouveau recrutement n'est possible tant que la Colonie ne sera pas complètement en mains et que la population n'aura pas repris une suffisante confiance en nous pour ne plus redouter les abus du récent passé9. »
Le 29 septembre 1917, auprès de René Besnard, successeur de Maginot à la tête du ministère des Colonies, il insiste avec plus de ferveur encore : « Je vous supplie, Monsieur le Ministre, de ne pas donner l'ordre de procéder à de nouveaux recrutements de troupes noires. Vous mettriez ce pays à feu et à sang. Vous le ruineriez complètement et ce, sans aucun résultat. Nous sommes allés non seulement au-delà de ce qui était sage, mais au-delà de ce qu'il était possible de demander à ce pays10. »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Joost_Van_Vollenhovenle mécanisme semble avoir été le suivant : juridiquement, l'armée recrute des engagés volontaires pour la durée de la guerre. Pratiquement l'administration fixe des quatoas indicatifs à chaque territoire et par capillarité à chaque village. Au chef de village de "susciter" des volontaires. Au vu des psychologies de l'époque, une "suggestion" du chef "proposant" à un certain nombre de s'engager pouvait s'apparenter à du recrutement forcé.
Il ne faut pas exclure cependant qu'une partie des "volontaires" ait aussi été attirée par les promesses des recruteurs, surtout au début de la guerre : voir du pays (l'Europe en l'occurrence, quel rêve pour un Africain !), gagner de l'argent, porter des armes (modernes en plus !), porter l'uniforme français, ... éventuellement, après la guerre, recevoir divers avantages moraux ou financiers !
Il est à noter qu'après les deux guerres mondiales, on a guère entendu les anciens combattants coloniaux se plaindre. Au contraire, ils ont souvent été considérés comme des relais actifs de l'influence française !