Jean-Marc Labat a écrit :
Bah, la décadence hante chaque génération depuis...l'homme de Cro-Magnon ?
Pas toutes les époques ; il existe des temps où souffle un esprit de renaissance comme c'est le cas lors de l'avènement d'Auguste par exemple. Au contraire d'autres périodes se signalent vraiment par leur crainte de la décadence. La fin du XIXe siècle est éloquente à ce sujet, jusque dans ses expressions littéraires. C'est assez fascinant de les analyser.
Citer :
Les peuples conquérants ont peur du déclin - comme Scipion pleurant sur les ruines de Carthage et comme les grands patrons qui ont peur de la faillite
Symétriquement les peuples décadents ont pu conserver la nostalgie du passé (et encore ...) mais ne craignent pas l'avenir ...
Qu'est-ce qu'un peuple "décadent"? Si ce n'est un peuple qui postule sa décadence. A chercher les indices de décadence on finit par les trouver, comme on n'a cessé dans trouver dans les derniers siècles de Rome. Qu'il y existe une profonde nostalgie du passé c'est certain, cependant de quel manière cela s'exprime? Si on pense à des orgies infinies, à des manières affectées jusqu'au ridicule, à de la faiblesse de coeur ou je ne sais quoi d'autre, on vogue en plein cliché que bien des sources peuvent aisément démonter. Si l'on raisonne avec Ibn Khaldoun il y a peut être quelque chose de plus intéressant à comprendre. La perte d'assabiya, de cohésion sociale, au sein des groupes humains à mesure que s'étendent les Empires est sans doute un élément expliquant leur "déclin", mot incorrect et tellement vague qu'il ne dit finalement pas grand chose de plus que des platitudes.
Un autre élément m'est apparu dans la lecture du bouquin de Ward-Perkins sur la Chute de Rome ; celui de la complexification progressive des sociétés dont chaque organe se spécialise de plus en plus, le rendant inopérant hors de son fragile assemblage. En clair un proto-Etat archaïque comme la Rome du IIe siècle avant peut encaisser des dommages terribles sans rompre parce que ses parties constituantes peuvent survivre indépendamment, au IVe siècle, dans un Etat qui se rapproche des standards modernes, c'est beaucoup moins le cas...