Jadis a écrit :
Bonjour,
Je lis
ici que de Gaulle aurait modifié la composition du Comité national français en mars 1943.
Est-ce vrai ? Sait-son si les membres de ce "gouvernement en exil" qui étaient encore en France ont été inquiétés après cette nomination ?
Merci d'avance,
Jadis
Déjà, il y a une erreur de date manifeste : cette liste ne peut pas avoir été établie en mars 43. De Gaulle, après bien des tractations avec Giraud, ayant enfin obtenu des conditions de partage du pouvoir qui lui paraissent "équitables" (sachant que pour De Gaulle la seule légitimité "équitable" qui tienne est la sienne propre, Giraud ayant déjà donné trop de gages à Roosevelt) atterrit à Alger-Boufarik le 30 mai 1943. Il n'aura même pas eu les honneurs de Maison-Carrée, souligne Lacouture dans sa biographie, qui commence ce chapitre en disant que les six premiers mois de 1943 sont ceux de la "dévoration d'Henri Giraud" par De Gaulle.
Dans la page que tu mets en lien, il est écrit un peu plus bas "Olry pensait pourtant que le problème était réglé : nommé inspecteur général de la Défense nationale fin janvier, Giraud était promis à des activités inoffensives..." (il s'agit forcément de fin janvier 44).
On a donc cette liste d'un gouvernement en bonne et due forme. Ce qui est tout de même à souligner : De Gaulle ne proclamera le "gouvernement provisoire de la république française", GPRF donc, qu'à la veille du débarquement de Normandie : il s'agit alors de s'afficher comme gouvernement officiel, et, tout l'enjeu est là, d'aller installer ce gouvernement proclamé à Paris, contre vents et marées.
Cela dit De Gaulle n'a pas attendu si longtemps - ce serait mal le connaître - pour installer à Alger un gouvernement aux standards de la République, et une assemblée consultative, sous le label CFLN "Comité Français de Libération Nationale", qui n'auraient donc plus qu'à prendre le nom de "gouvernement" lorsque le moment serait venu. (je n'ai pas souvenir d'un "Comité National Français" -mais j'ai pu oublier - mais en tous cas, De Gaulle s'installant à Alger et gouvernant avec Giraud met fin à l'appellation "France Combattante", qui avait remplacé à Londres la "France Libre".)
Donc je ne sais pas dater ce gouvernement dont tu nous donnes la liste. Et encore moins dire s'il y a des changements avec le premier gouvernement créé à Alger par De Gaulle, à vue de nez à la mi-43.
C'est forcément après janvier 44, on l'a vu. Est-ce que cette liste ne serait pas plutôt de mars 44 ?
C'est étonnant, mais y figurent bel et bien, et au rang de "vice-président du Conseil", deux hommes qui sont alors, non pas en France, mais en Allemagne, au camp de Buchenwald : Georges Mandel et Léon Blum. (Ils y sont depuis l'invasion de la zone libre, fin novembre 42. Les Allemands sont allés les chercher au fort du Portalet, dans les Pyrénées, où Vichy les tenait enfermés.)
Ils y sont à peu près normalement traités, en tant que "Prominente", prisonniers importants, dans une baraque à l'écart du camp de concentration proprement dit. Mandel sera renvoyé en France le 4 juillet 44, remis à la Milice, qui se chargea de l'assassiner, suivant - peut-être ? - en cela des instructions nazies. En tous cas Laval n'ira pas chercher le responsable à Paris ou à Vichy, et s'adressera directement à Berlin pour que Blum ne subisse pas le même sort, lui sauvant ainsi probablement la vie.
A la date où il les fait figurer nommément dans son gouvernement, j'ignore ce que De Gaulle savait de leur sort. J'e pense qu'il les savait vivants, parce que Pierre Laval a autorisé la secrétaire de Léon Blum à le rejoindre à Buchenwald, où elle l'épousera en captivité. Ce qui laisse à penser que Blum avait le droit d'envoyer du courrier. (D'autre part leur "enlèvement" au Portalet avait forcément été détecté par le 2e Bureau français, mais j'ignore ce que celui-ci savait exactement.)
J'imagine donc que les faire figurer en si bonne place répondait pour De Gaulle à deux objectifs :
- marquer leur importance aux yeux des Allemands, ce qui pouvait leur être utile.
- signifier aux Alliés la nature démocratique de son gouvernement, ces deux noms étant les plus connus par ceux-ci comme anciens officiels de la 3e République. (Je sais que Blum avait réussi, par courrier, à faire connaître officiellement son approbation de la démarche de De Gaulle.) il y en a quelques autres dans la liste, comme Pierre Mendès-France ou Henri Queuille, mais ceux-ci étaient à Alger.
Voila pour les deux plus importants.
j'ai repéré aussi le nom de Maurice Violette, ancien et futur maire de Dreux, d'abord assigné à résidence par Vichy, puis passé à la clandestinité. celui-là était bien en France. Il figure dans le gouvernement en tant que "Sous-secrétaire d’État chargé de
la Population indigène accédant à la pleine citoyenneté pour faits de guerre" parce qu'il avait avant-guerre proposé une évolution du statut des indigènes, un thème important pour De Gaulle. (Etait-il déjà clandestin ? ça paraît logique...)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_ViolletteQuels sont les autres, dont tu penses qu'ils se trouvaient en France ?