J'ai d'abord hėsité à commenter aussi haut dans le fil, mais en même temps les discussions ont tellement dévié du thème originel que je me suis dis qu'on ne m'envoudra pas trop de le faire ...
Pierma a écrit :
... Un djihad contre les mécréants ? Là je demande à voir. La motivation nationaliste, la volonté de liberté, de se débarrasser de l'autorité absolue du pouvoir français - dont on connaissait depuis les émeutes de Sétif l'effrayante capacité de répression, à supposer qu'on l'ignorât auparavant - et de l'arrogance de la population européenne à la fois convaincue de sa supériorité, et imposant à chaque arabe de "rester à sa place", tout cela me semble des motivations suffisantes (et c'est bien sûr là-dessus que portait le discours du FLN) sans aller chercher une volonté de "djihad" dans le FLN ou dans la population.
Je crois que c'est méconnaître un peu le fonctionnement d'une société musulmane de manière générale et du contexte interne à la société algérienne (musulmane) de l'époque en particuliet. Je précise d'abord que les élement que vous citez sont tous vrais et que vous évoquez la motivation nationaliste en début de liste avec raison aussi. Mais, à bien y regarder, de quoi était fait ce nationalisme algérien et sur quelles bases (élements d'identité, référents historiques, discours ... etc.) s'était-il formé ? Sachant que sa constitution (en termes pleins et au sens moderne, ou en tout cas conscient, du terme) remontait à peine aux deux ou trois génerations qui précèdent le déclenchement du conflit ? La réponse serait en grande partie "Islam", avec tout ce que cela implique pour l'époque qui nous intéresse.
Je comprend que la chose soit un peu difficile à saisir lorsqu'on est issu d'un univers où l'idėe nationale s'est constituée hors contexte religieux, voire même "contre" la religion dans une certaine mesure où à certains moments du processus, mais les choses sont différentes en contexte musulman et on pourra dire que le cas algérien constitue l'exemple le plus prėcoce et le plus abouti en la matière au Maghreb : là où le nationalisme tunisien et marocain pouvaient s'identifier politiquement dans un cadre étatique préexistant, le nationalisme algérien ne pouvait se rattacher directement qu'aux divers mouvements de rėsistence et de révoltes qui s'étaient opposés à la conquête coloniale de l'Algérie le long du siècle prėcėdent, et donc à une époque ou le référent religieux était pratiquement l'unique étendard qui pouvait être invoqué à la fois pour mobiliser et pour légitimer l'appel. Ce n'est donc pas pour rien que ceux que le côté français nommait communément
Fellagha en 1954-1962 s'appelaient et étaient appelés
Mujāhidīn (pl. de Mujāhid, "combattant du
Jihād") côté algérien, et que ceux d'entre eux qui tombaient étaient dis
Chuhadā ("Martyrs") et se voyaient honorés comme tels, conformément au statut qui est accordé à cette catėgorie dans le droit et la tradition musulmans. La chose n'était donc ni aussi secondaire ni aussi périphérique que vous semblez le percevoir.