Nebuchadnezar a écrit :
En règle générale, j'ai l'impression que pouvoir frapper le peuple qui soutient les mouvements de guérilla est un bon point pour vaincre.
Votre avis là-dessus ?
Quelle guérilla vaincue par ce moyen (hors de l'extermination des Indiens d'Amérique) vous amène à dire cela ?
En règle générale, c'est l'inverse. Plus on s'en prend à la population, plus elle soutient les rebelles. C'est une loi du genre, et c'est logique : la répression aveugle contre la population place immédiatement les rebelles dans le camp de la justice contre l'oppresseur.
Combien de rébellions qui ont commencé modestement, par quelques attentats, pour enclencher un cycle répression - recrutement - affrontements - répression, etc...
Typiquement, c'est sur cet enchaînement que comptaient les chefs de la Résistance communiste : alors que De Gaulle, conscient que la partie était trop inégale et impressionné par les listes d'otages fusillés, avait fini par donner depuis le micro de Londres la consigne de "ne pas tuer d'Allemands" - sauf ordre explicite - les communistes argumentaient que pour un résistant fusillé ils en recrutaient dix. (On est là dans des savoir-faire communistes éprouvés, mais en même temps ils estimaient former des combattants aguerris, et ricanaient non sans raison sur le "Jourjisme", qui verrait un beau matin, au jour J, donc, des résistants sortir de chez eux tout armés, comme des soldats de plombs rangés sur des étagères, et devenir dans l'instant des guerriers impitoyable. - ce débat ne se limitait pas à la position du PCF, il traversait toute la résistance, pour être honnête.)
On a beaucoup parlé de l'Algérie, mais c'est un exemple emblématique : les chefs historiques, "les fils de la Toussaint", ont démarré avec rien. Très peu de monde, peu d'armes et pas un sou. Des attentats avec peu de morts ou de dégâts, mais synchronisés dans toutes les régions, ce qui a affolé le pouvoir. D'entrée la mise en route des unités militaires (le colonel Ducourneau dans les Aurès, par exemple) pour faire du ratissage à la fois très dérangeant - le mot est faible - pour les populations et sans aucun effet militaire, leur a donné une audience très supérieure à leurs capacités réelles. Et la plaisanterie des "ratissages" organisés à grands frais a duré plus d'un an, pour la plus grande prospérité du FLN, jusqu'à l'engagement des colonels expérimentés, ayant combattu en indochine. (On a même engagé, au début, une division mécanisée - celle de Beaufre, sauf erreur - disposant de moyens lourds invincibles... mais pratiquement incapable de sortir des routes !)
Edit : pour faire écho à ce que dit Faget, de fait le FLN s'est battu avec une férocité impitoyable pour acquérir et tenir sa base arrière, qui très longtemps n'a pas été l'Egypte, mais sa Fédération de France, dont les militants clandestins prélevaient "l'impôt révolutionnaire" sur les immigrés, une source de financement indépendant irremplaçable.
Pour que le cycle attentats-répression fonctionne au démarrage, encore faut-il que la situation initiale puisse effectivement être considérée comme oppressive. Si "l'oppresseur" est plutôt bien considéré par la population, ce cycle peut fonctionner un moment à la marge, mais la rébellion est condamnée d'avance et va droit dans le mur. Là, les exemples abondent : La RAF - la "bande à Baader" - en Allemagne (1), les Brigades Rouges en Italie, l'OAS rêvant de renverser De Gaulle, les indépendantistes de l'ETA face à la démocratie espagnole, etc...)
Evidemment, il reste la "solution" (j'allais dire "finale") qui consiste à exterminer le peuple pour supprimer la rébellion, mais au cours de l'histoire ça reste une exception.
(1) Des anciens meneurs de Mai 68 ont rencontré Baader et certains de ses amis avant qu'il ne fasse parler de lui, et ont jugé sa démarche intellectuellement très pauvre, voire folle - sans réussir à le dissuader. Lancer une lutte armée ultra-minoritaire, pour que le pouvoir bascule dans le fascisme et que le peuple se soulève, ils appelaient ça "du substitualisme" je crois : agir à la place du peuple, faute que celui-ci souhaite la révolution. De fait, la "Rote Armee Fraktion" n'a pas fait long feu, et même pire, le pouvoir de RFA a pu édicter des lois liberticides - sans basculer pour autant dans le fascisme - et mener une répression féroce entachée d'actes illégaux, sans que le peuple, en très grande majorité, ne s'émeuve plus que ça. Même le "suicide" simultané des 4 chefs du mouvement, en prison, le même jour, n'a pas jeté des foules dans la rue : la dernière chose que souhaitaient les Allemands de l'ouest, c'était une révolution communiste. Et sous le label "Armée Rouge" en plus ! Ces gens-là n'avaient pas le sens commun.