Lord Foxhole a écrit :
Effectivement, je confirme : dans le film, il s'agit de paras américains, avançant le long d'un muret, durant la nuit... Ils sont sensés avoir croisé une patrouille allemande avançant en sens inverse, de l'autre côté du muret.
Personnellement, j'avoue que cette scène m'a toujours semblé assez incroyable... D'autant plus que le dernier Américain, finalement, se rend compte de la situation, au moment où les deux groupes sont en train de s'éloigner.
C'est tiré d'une expérience vécue.
mais je doute que les deux groupes ne se soient pas aperçus. Plus probablement ils ont réalisé trop tard qu'ils étaient face à face, et on préféré... passer leur chemin.
Mais à mon avis ce genre de situations n'est pas totalement exceptionnel : les soldats ne sont pas suicidaires.
Plus amusant, Georges Blond raconte une scène relevée à Verdun : en septembre, alors que les Français commencent à empierrer des chemins, à faire venir du matériel dans "ce charnier boueux", etc... pour la contre-attaque générale, il se met à pleuvoir à verse, et à Verdun le terrain argileux n'absorbe pas l'eau, ce qui explique l'état du champ de bataille. Un colonel visitant ses premières lignes tombe en arrêt : de part et d'autres Français et Allemands ont quitté leurs tranchées, remplies d'un mètre d'eau, une trêve tacite s'étant installée, et assis sur leurs parapets, se regardent sans hostilité, "l'eau du ciel tombant sur tout cela avec une indifférence cosmique."
Dans le même genre, on a des films d'archives, tournés fin 1914 ou peut-être encore plus tard, où l'on voit, sur une plaine plate comme la main, Français et Allemands peut-être à deux cent mètres l'un de l'autre, pioches et pelles à la main, ayant posé fusils et vareuses, en train de creuser les tranchées qui vont leur servir d'abris. Quelques sentinelles en armes, peut-être, je ne m'en souviens plus, mais la scène est saisissante : on s'installe face à face, sans y trouver motif à se fusiller.
Citer :
Pierma a écrit :
Guy Sajer, combattant allemand sur le front russe, raconte une rencontre de ce genre. En Prusse orientale, fin 44, de mémoire. Avec un groupe de quelques soldats, il contourne une maison... et se trouve nez à nez avec des fantassins russes en train de faire la même chose.
Les hommes se regardent dans le blanc des yeux, sans bouger, puis lentement, sans geste menaçant, se mettent à reculer les uns et les autres, et cherchent le premier couvert disponible. Pas un coup de feu, pas un blessé.
Rappelons que " Guy Sajer " est le pseudonyme de
Guy Mouminoux (né en 1927), et qui est bien connu dans le monde de la bande dessinée. Sous le pseudonyme de Dimitri, il est l'auteur de la série
Le Goulag...
Mais l'histoire qu'il raconte dans
Le Soldat oublié est réellement la sienne ( dans un ancien numéro de
Guerre et Histoire, on peut d'ailleurs trouver une interview du bonhomme).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Goulaghttps://www.bedetheque.com/serie-1553-BD-Goulag.htmlAvant d'apprendre que Guy Sajer et Dimitri étaient la même personne, j'ai adoré la série de BD "le goulag", qui comprend une vingtaine de volumes tous plus délirants les uns que les autres.
Le camarade Eugène Crampon, de Nogent sur Seine, qui atterrit au goulag suite à une méprise au cours d'un voyage touristique organisé par le Parti, et qui prend les choses avec le détachement et la débrouillardise d'un titi parisien en vacances, c'est à crever de rire.
Tel l'épisode où il s'évade en empruntant les tuyaux du gazoduc sibérien en construction, "qui lui rappellent le métro."
Il faut aimer l'humour loufoque, bien sûr, mais dans le genre ça vaut "le génie des alpages".
Du coup j'ai un peu de mal a faire la transition avec "le soldat oublié", un récit écrit avec un rare talent d'évocation, et qui a deux mérites essentiels :
- d'une part de tracer la descente aux enfers progressive de la Wehrmacht (Il rejoint la Rollbahn à la mi-42, puis la division d'élite Grossdeutschland début 43, au moment où les Allemands reprennent Karkhov, et se battra jusque dans les poches de la Baltique début 45) machine de guerre encore très puissante et motorisée, qui se transforme peu à peu en une bande de clochards dépenaillés et affamés, sans d'ailleurs jamais manquer de munitions. La description des combats et de la situation dans la poche de Memel (au nord de Königsberg) qui se rétrécit de jour en jour, est dantesque.
- d'autre part de montrer comment fonctionne l'armée allemande, et en particulier la solidité des groupes d'amis, le commandement favorisant le groupement par affinités, qui donne à l'ensemble une solidité et une cohésion étonnantes, malgré des pertes incessantes.
Une écriture très particulière :" Un obus tomba sur la pièce de Pak [canon antichar] qui voltigea en l'air dans une gerbe de terre, puis tout retomba sur terre avec la fatalité de la pesanteur, même les hommes qui avaient mérité le ciel."
Je le soupçonne d'avoir occulté des exactions auxquelles il certainement participé - il y a quelques épisodes de guerre contre les partisans - mais l'ensemble respire l'authenticité, en particulier sur la façon dont les "landser" traversent des situations impossibles.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Soldat_oubli%C3%A9