L. VLPIVS POLLEX a écrit :
Lord Foxhole a écrit :
On daignera sûrement excuser ma naïveté, mais j'avais toujours trouvé une certaine logique à voir le gouvernement français s'installer alors en " zone libre " plutôt qu'en zone occupée... Paris ou Bordeaux, à un certain niveau de sécurité, c'était quand même se mettre facilement à la portée des Allemands.
Il me semble que , question sécurité et ressources hôtelières ... Lourdes aurait pu mieux convenir, non ?
Vichy est déjà un peu isolée, mais alors Lourdes !
@Lord Foxhole : vous demandez ce que les Allemands avaient mis en place pour espionner Vichy ? C'est tout simple : Pierre Laval. (Et quelques autres traitres et collabos notoires.) De toute façon, sur le plan politique, Vichy a toujours été sous la surveillance attentive des nazis, voire d'Hitler lui-même pour les questions importantes, et totalement transparent.
En revanche, les Allemands n'ont pas réussi à prendre pied dans la ville même, et dans les services gouvernementaux, au moins jusqu'à l'invasion de la zone libre. Le 2e bureau "de Vichy", qui n'en faisait qu'à sa tête, a fait en zone libre une hécatombe d'espion allemands, et pénétré, là où il le jugeait utile, ces services gouvernementaux.
Ce 2e Bureau était tellement actif que Laval finira par exiger - sur ordre allemand ? - et obtenir sa "dissolution". Ce qui ne changeait pas grand chose : ses officiers étaient déjà camouflés et passés à la clandestinité.
Cela peut surprendre, mais dans ses arrière-cours, Vichy a été assez longtemps un lieu de résistance. Des réseaux de résistance y sont nés. Et certains services gouvernementaux ont constitué des "fromages" pour le 2e Bureau et ses réseaux clandestins.
Un des meilleurs exemples est le service des Prisonniers de Guerre et Déportés (on parle là des déportés du travail.) Il faut s'imaginer qu'au moment où se structurait l'armée de la libération en AFN, et alors même que la zone libre était occupée, Alger "passait commande", littéralement, de tel officier de chars expérimenté, par exemple, prisonnier dans un Oflag allemand. Ce service transmettait alors en Allemagne un kit d'évasion, avec tous les laisser-passer officiels allemands dûment imités et tamponnés, avant de convoyer l'heureux évadé tout au long d'une filière d'évasion. (les transports par avion clandestin ou sous-marin étant encombrés, la règle imposait le passage par les Pyrénées jusqu'au grade de colonel inclus, sauf exception.)
Le plus connu de ces évadés, avant le débarquement en AFN, fut le général Giraud, pris en charge au pied de son rocher de Königstein, puis accompagné paisiblement jusqu'en France, où il jugea utile d'aller se présenter à Vichy. (passons...) Laval très irrité exigea qu'il retourne se constituer prisonnier, ce qui était tout de même beaucoup lui demander.
François Mitterrand, par exemple, a été critiqué pour être resté dans ce service jusqu'en novembre 43, il me semble, mais vraiment les services français - qui l'avaient placé là - auraient eu tort de se priver d'une telle facilité. Sans parler des soldats et officiers libérés pour d'autres raisons (de santé, de famille, au titre de la "relève", ou encore parce que leur compétence technique était requise dans une usine travaillant pour l'Allemagne, etc...) qui étaient contactés dès leur retour pour entrer dans la résistance.
Les Allemands finiront par s'en apercevoir et exigeront de Pierre Laval le changement des cadres de ce service. La prise de fonction des nouveaux maîtres, sortis de la collaboration, donna lieu à une présentation dans un amphithéâtre - parisien, il me semble - où ils exposèrent leur nouvelle ligne, et furent interpellés et insultés comme traîtres par les cadres limogés - on croit rêver, n'est-ce pas ? La scène a été filmée, les actualités de la collaboration étant sur place pour l'évènement - des cadres qui s'empressèrent ensuite de déguerpir et de passer à la clandestinité totale. (Donc dans le
Mouvement de Résistance des Prisonniers de Guerre, dont François Mitterrand se disputa un moment la direction avec un neveu du général De Gaulle.)
Un autre service intéressant de Vichy est le Service National de Statistiques (futur INSEE) dirigé par le contrôleur
René Carmille, qui commença un recensement des Français - AFN comprise - à l'aide de "machines mécanographiques" utilisant des fiches perforées. Il créait ainsi un numéro d'identification unique, qui deviendra le numéro de Sécurité Sociale. Le but non officiel, au delà de statistiques très sérieuses, consistait à créer le fichier d'adresse nécessaire à une mobilisation massive d'une armée nouvelle, qui servira effectivement en AFN à la mobilisation des Pieds-Noirs. (trop visible en métropole, il fut repris par des collabos, et Carmille lui-même mourut à Dachau.)
Je cite pour mémoire le Service des travaux Ruraux, celui-là ayant servi de couverture organisée de longue date pour dissimuler les officiers du 2e Bureau passés à la clandestinité, avant même que les Allemands envahissent la zone libre.
Tout cela pour dire que si les Allemands disposaient de nombreux relais politiques à Vichy, en revanche la pénétration de leurs espions ne connut guère de succès, jusqu'à ce que le virage totalitaire de Vichy amène la Milice à y faire le ménage - autant qu'elle le pouvait - ce qui rendait l'espionnage allemand inutile.