Dalgonar a écrit :
Merci de ces références, Pierma. Cependant, il reste des points peu clairs pour moi.
Roosevelt à Anfa soutient les deux, et apporte son soutien aux deux. Les américains équipent aussi Leclerc.
Non, l'aide américaine est promise à Giraud. De Gaulle a bien dû l'apprendre pendant la conférence, mais Giraud ne manquera pas, plus tard, de se vanter de ce succès face à De Gaulle, à Alger, au cours de leurs premières réunions. Lequel balaiera cette "victoire" d'un revers de main : alors qu'on parle de la façon dont doit se structurer le CFLN, ce n'est pas le sujet.
Toutefois, il faut noter qu'après avoir mis Giraud sur la touche, dans un poste honorifique (j'ai oublié lequel : inspecteur de la défense nationale ?) celui-ci se vexe et démissionne. Chose étonnante, De Gaulle lui envoie Catroux et d'autres intermédiaires, lui demandant de revenir sur sa décision : je pense que c'est parce qu'on est alors en plein réarmement, et que De Gaulle ne veut prendre aucun risque avec les Américains. Quelques mois plus tard il le laissera démissionner sans inquiétude.
Sur Leclerc, je réponds plus bas.
Citer :
Pierma a écrit :
à la conférence d'Anfa, (...) le principe d'une direction commune est donc acquis
Donc dès janvier 1943, on peut dire que Giraud n'a plus toutes les cartes: il doit partager. Son "règne" ne dure donc que deux mois après le débarquement allié, de novembre 42 à janvier 43, c-à-d. la conférence de Casablanca tenue à l'hôtel Anfa, à partir de quoi il se fait peu à peu supplanter par De Gaulle et les siens. Est-ce bien cela?
Non, le timing est différent. A Anfa est validé le principe d'établir une direction commune, mais cela reste à définir et à faire.
(Et en attendant on se bagarre en coulisse sur des broutilles, comme cette histoire des marins "déserteurs" du Richelieu, en février, il y a aussi des défections, en Tunisie, en direction de la division Leclerc, et d'autres incidents du même genre.)
Il y a donc échange de messages entre Londres et Alger, puis De Gaulle enverra deux négociateurs discuter en direct à Alger, avant échange des derniers messages pour accord.
Si on ne parle pas encore du CFLN, sauf a titre de projet, le débat porte sur la composition du "tour de table" qui servira d'organe de décision au départ : combien de conseillers choisis par Giraud, combien par De Gaulle, on discute sur les noms. (De Gaulle refuse absolument la présence des hiérarques vichystes : Noguès, Boisson, Peyrouton, dont il exigera d'ailleurs la démission de leur poste dès les premières réunions. Ceux-ci n'insisteront pas et, avertis, démissionneront d'eux-mêmes.)
L'accord n'est obtenu qu'à la fin du mois de mai, et De Gaulle s'envole pour Alger le 30 mai 43.
(La campagne de Tunisie se termine le 13 mai. D'où la relégation de Leclerc en queue de peloton du défilé des unités françaises à Tunis - Giraud n'en rate pas une - ce qui n'empêchera pas qu'il soit le plus acclamé : son épopée est connue.)
La première semaine est consacrée à définir la composition du CFLN (Liste des "commissariats" et de leurs titulaires) après quoi ce "tour de table" devient une sorte de conseil de direction du CFLN, mais dont la composition évoluera peu à peu, pour devenir un "conseil des ministres" réunissant les principaux commissaires. Jusqu'en novembre 43, tous les décrets du CFLN sont co-signés par les deux co-présidents.
Le point clé qui pose problème est la volonté de Giraud d'être à la fois co-président et commandant en chef de l'armée, alors que pour De Gaulle le commandant en chef doit être sous l'autorité du "commissaire à la défense nationale". (De Gaulle considère tout simplement le CFLN comme un gouvernement, auquel il ne manque que le nom, et qui doit en suivre les règles.) Le clash aura lieu à propos de la libération de la Corse, commencée en septembre, une opération que Giraud organise en douce sans informer personne au sein du CFLN. En novembre les commissaires l'éjectent de la co-présidence.
(A vérifier : les détails de ces péripéties, et des manoeuvres politiques menées par De Gaulle, pour rester seul maître à bord :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Giraud_(militaire)#Le_d%C3%A9barquement_en_Corse)
Concernant l'équipement de l'armée : Juin est envoyé à la fin de l'année, avec 4 divisions d'infanterie nouvellement équipées, à la tête du corps expéditionnaire en Italie. (au passage, un des premiers gestes de De Gaulle à Alger fut d'envoyer une lettre amicale à Juin - ils avaient fait Saint-Cyr ensemble, les deux hommes se tutoyaient et Juin était considéré comme le meilleur tacticien de l'armée française - lettre où il lui faisait part de sa satisfaction à le savoir à la tête des opérations en Tunisie, lui renouvelait son amitié et sa confiance. Gros succès dans l'armée d'Afrique : De Gaulle ne cherchait pas à régler des comptes, au contraire. La lettre fuita dans les journaux d'AFN.)
Leclerc commence à recevoir ses équipements en août, puis passe au Maroc pour compléter et entraîner sa division, cela jusqu'en avril 44 où il embarque pour l'Angleterre. (A priori les 3 divisions blindées, les plus sophistiquées, seront celles qui demanderont le plus de préparation.)
Donc Roosevelt n'équipe pas spécialement Leclerc : il équipe toute "l'armée française de la libération", fusion des forces effectuée sous autorité du CFLN ou siège Giraud.
C'est seulement en avril 44 que Giraud démissionne de son dernier poste (inspecteur de l'armée) et prend sa retraite.
Citer :
Pendant cette "cohabitation" De Gaulle-Giraud, quelles sont les noms des divisions et des officiers des forces commandées par Giraud ou du moins fidèles à Giraud dans l'Armée d'Afrique, et quels sont leurs faits d'armes connus entre nov 42 et juin 1943? On connaît ceux des gaullistes (Koenig à Bir Hakeim, la prise de Bizerte, Leclerc et sa colonne...), mais quid des autres ?
Je ne sais pas répondre en détail, si ce n'est que ces divisions sont bien commandées sur le terrain par Juin, mais qu'elles prennent cher : les Américains y connaissent leurs premiers engagements, pas fameux, avec quelques déroutes, et les divisions de l'Armée d'Afrique sont encore équipées au standard de 1940, pour simplifier, face à des Allemands dont l'armement a progressé.