Jean-Mic a écrit :
Sous l'État Français (=Régime de Vichy), il y a eu la loi des
Sections spéciales de la Cour d'Appel, dont Costa-Gavras a tiré le film
Section spéciale(1975).
Promulguée en urgence après un attentat dans le métro parisien, antidatée ET rétroactive, signée avec un article laissé en blanc, elle a abouti :
1/ à la création d'un tribunal d'exception (=hors du cadre habituel de la loi),
2/ au jugement de six détenus (comme par hasard juifs ou communistes),
dont un avait déjà été jugé et condamné,
3/ à la condamnation à mort par guillotine (=peine du droit commun) de trois détenus, aux travaux forcés à perpétuité pour un quatrième, à la prison à vie pour les deux autres.
3/ à l'abandon des représailles (supposées aveugles ?) par les allemands.
Je pense qu'il s'agit là du récit de la mise en place et de la première session de la Section Spéciale de Paris. Sauf erreur, des juridictions identiques ont été mises en place et ont fonctionné ailleurs (dans toutes les préfectures de région ?) pendant l'Occupation.
Wiki suggère benoitement que les juges candidats pour siéger dans ces juridictions ne se bousculaient pas, "parce qu'elles avaient pour vocation de poursuivre les Juifs et l'extrême-gauche" (les communistes) alors que la question n'est pas là. Il a fallu tordre le bras et rappeler à leur fidélité à Pétain aux juges les plus rétrogrades qu'on ait pu trouver - et certains ne se sont pas gênés pour envoyer paître le ministre - parce que cette institution contredisait plusieurs principes séculaires du droit :
- tout accusé a le droit de connaître les motifs de son incrimination. (Il me semble que cet "oubli" n'était pas systématique, à voir.)
- "non bis in idem" : nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes motifs.
- "nullus crimen, nulla poena sine lege" Il n'y a ni crime, ni peine prononcée s'il n'existe pas de loi. (comprendre : de loi condamnant les faits au moment où ils sont commis, ce qui entraine la non-rétroactivité : on ne peut créer une loi pour punir des faits antérieurs.)
Je compte pour rien l'absence de possibilité d'appel, et l'absence de jury malgré la peine de mort encourue.
Les trois ouvriers communistes condamnés à mort à Paris avaient été condamnés à des peines "légères" (deux ans, tout de même) pour avoir distribués des tracts. Et oui, Pouzet, ils ont été guillotinés, et même très rapidement, le lendemain matin, je crois.
Les plus surpris ont été les Allemands. Dans cette affaire, s'agissant de venger le crime commis par le futur colonel Fabien contre un officier de la Kriegsmarine au métro Barbès, les autorités françaises se sont chargées de proposer elle-même la répression, et ont négocié avec les autorités d'occupation. Après des palabres sordides, la Kriegsmarine a bien voulu se contenter (de mémoire) de 7 exécutions. Je pense donc que cette session de la "Cour" n'a pas été suffisante. L'adjoint de Von Stülpnagel, commandant militaire en France, écrivait à Berlin :"De façon extraordinaire, il semble que les autorités françaises aient accepté de passer outre tous les principes du droit français pour donner satisfaction aux autorités militaires allemandes."
D'après Wiki :
Wiki a écrit :
Les sections spéciales prononcent au total 45 condamnations à mort dont 33 par contumace.[...] En province, les sections spéciales prononcent neuf condamnations à mort.
Je pense que si elles n'ont pas tué davantage, c'est d'abord parce que très vite, devant la multiplication des attentats de la résistance, les Allemands se sont mis à fusiller eux-mêmes cinquante ou 100 otages par soldat allemand.
Et puis on n'avait encore rien vu en termes de parodie de justice, puisque la Milice fera fonctionner des "Cours volantes de justice ", c'est à dire des groupes qui débarquaient dans une prison, regardaient les cas des résistants récemment enfermés, faisaient leur choix, et pratiquaient un semblant de jugement avant de les fusiller sur place.
(Les Anglo-saxons emploient la savoureuse expression de "kangaroo court" pour désigner ce genre de pratique, sans doute par allusion à la façon dont étaient condamnés les bagnards, envoyés en Australie, lorsqu'ils y violaient le règlement. L'idée étant, je pense, que les kangourous servaient de jury.)
Pouzet a écrit :
Il me semble qu'à la libération on a fait voter une loi qui a privé du droit de faire partie de l'assemblée nationale et du sénat, ceux qui avaient voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en 1940, ce qui, me semble t-il, correspond à une loi rétroactive ???? (à moins que je ne me trompe, éclairez ma lanterne !)
Oui, elle est rétroactive. Au moment où ils ont voté les pleins pouvoirs, aucune loi ne les prévenait du risque de perdre leur éligibilité en le faisant.
Je n'ose pas écrire qu'aucune loi ne le leur interdisait, parce que c'est le point juridique essentiel, que nous avons souligné, qui détermine que Vichy était illégal : en réalité la Constitution de la Troisième République leur interdisait de déléguer les pleins pouvoirs - et avant tout leur propre pouvoir constitutionnel - à une seule personne. Barbetorte a produit un argument voisin : l'interdiction de toucher à la forme républicaine du régime, mais c'est un peu la même chose, puisque ce sont les premiers - et derniers - actes constitutionnels publiés par Pétain qui ont remplacé la République par "l'Etat français."