CEN_EdG a écrit :
Je parlais strictement de l'armée française du XIVe siècle, donc pas de relativisme chez moi. Et oui, elle est retombée dans l'enfance de l'art par rapport à ce que pouvait faire une légion romaine sur un champ de bataille. Cela tient à un affaiblissement de la fonction commandement et à une incapacité à générer une armée permanente dans la durée, capable de concaténer et de théoriser des enseignements tactiques sur le long terme, et d'apporter ainsi des évolutions hors conflits.
Elle est dans une logique de stagnation depuis le XIIIe siècle et est incapable de s'opposer aux innovations techniques et tactiques apportées par ses concurrentes. Ce qui ne lui ôte en aucune manière son courage ni ne nie les qualités individuelles de ses combattants. C'est juste que collectivement, elle n'est plus performante parce qu'elle s'avère incapable de manoeuvrer sur le champ de bataille et d'évoluer en dehors.
D'un point de vue tactique je suis d'accord mais finalement passer à coté des nouveauté du siècle n'est pas un problème qui n'arrive qu'aux armées de sociétés "archaïques" ; il suffit de voir la situation de l'armée française en 1870 ou en 1940 pour s'en convaincre. Contrecarrer des tactiques nouvelles, les anticiper est une chose très complexe et malgré l'exceptionnel outil militaire romain les volées sont nombreuse face à un nouvel adversaire et de nouvelles pratiques. Il faut parfois des dizaines d'années d'adaptation et de corrections pour que les Romains parviennent à répondre efficacement à de nouveaux défis tactiques. Finalement le blocage tactique français des XIVe et XVe siècle est surtout dû à la place grandissante d'une aristocratie jalouse de son statut et craignant de perdre la main.
Je n'aime vraiment pas cette idée "d'enfance de l'art" ; elle sous entend que la pratique des combattants était médiocre et non avenue. C'est oublier qu'elle a dominé les champs de bataille entre le XIe et le XIIIe siècle et que sa sclérose n'est que très progressive.
Pour ce qui est des innovations technique par contre justement, le chevalier s'adapte en permanence ; l'armure se complète et rend le combattant très difficile à blesser par les moyens disponibles. De même son armement se diversifie et voit se multiplier les armes contondantes capables justement de blesser rudement les ennemis ainsi protégés.
Au delà, la guerre demeure une sorte de rapport de convenance ; rares sont les moments où une armée ou un tacticien brise le rapport d'équilibre qui s'établit de fait par habitude. Ce qui rend le cas de la chevalerie exemplaire c'est qu'il se double d'un bouleversement social difficile à digérer pour une caste guerrière jusque là dominante. Mais bon, je ne pense pas qu'il s'agisse du seul cas de conservatisme en matière militaire de l'Histoire...
CEN_EdG a écrit :
Elle est loin d'être la seule dans ce cas dans l'histoire européenne. On peut trouver des cas différents ailleurs, j'imagine, grâce à une ritualisation très poussée qui permet une meilleure transmission des savoirs, mais il n'y a guère d'évolution de rupture sans forte intensité des conflits (vecteurs d'enseignements) et sans armée permanente ou assimilée.
Il y a davantage de confrontations et de guerres dans ces sociétés que dans les Etats organisés, conflit pouvant mener à des anéantissement assez effrayant de populations. Voyez Les guerres préhistoriques de Lawrence H.Keeley.
CEN_EdG a écrit :
Il est vrai toutefois que l'Allemagne nazie est spécialiste des agressions sans déclaration de guerre (au Danemark et à la Norvège, au Luxembourg, à la Belgique et aux Pays-Bas, à la Yougoslavie et à la Grèce, à l'URSS) pour des raisons opérationnelles (surprise stratégique) corollaire de son nouvel "art de la guerre" (Gefechtsarten). Mais l'irrespect de cette norme internationale sera vertement reproché à certains de ses hiérarques militaires dans un fameux procès après-guerre - ce qui souligne bien qu'il y a une norme et la volonté de la faire respecter.
La guerre se justifie toujours après coup, le
jus bellum romain en est tissé. Mais les formes de la guerre, naguère ritualisées par la religion ont trouvé à l'époque historique le secours du droit pour lui donner ses formes. Et de fait des exemples historiques sont nombreux ; lancer un javelot dans le territoire ennemi à Rome, pratique qui sera ensuite adaptée et normalisée à l'époque historique.