Pédro a écrit :
Tout à fait cher CEN_EMB, à mesure que les fantassins s'organisent les armements qu'ils portent deviennent de plus en plus efficaces. La hallebarde devient vite emblématique dans les guerres entre les Suisses et la maison de Habsbourg où l'utilisation du terrain et de ces nouvelles armes permet l'écrasement d'une armée féodale bien équipée.
Par contre quand on est confronté à ce type d'armements, surtout pour les plus rustiques il est rare de trouver un seul nom pour les qualifier. La multitude des langues et des cultures au sein d'un même royaume rend la tâche compliquée et parfois on a même du mal à savoir de quoi parle précisément l'auteur. Il y a eu ainsi tout un débat historiographique sur la broigne, ou brogne... Pour savoir s'il s'agissait d'une cote de cuir clouté, couverte de plaques ou d'anneaux de fer, voire même d'une cote de mailles. Donc n'espérez pas une belles classification avec des noms bien standardisé, c'est bien plus bordélique que cela dans les faits.
La massue ou le gourdin, sous ses diverses formes (bois noueux comme celle d'Héraclès, cloutée…) reste, il me semble, l'arme la plus ignoble et vile dans la hiérarchie qui concerne particulièrement l'époque qui nous occupe. Notamment, dans les romans de chevalerie, l'on croise souvent un géant sauvage, proche de bêtes en divagation (tel Géryon et le troupeau qu'il garde), lui même armé d'une masse grossière. Dans
Ivain de Chrétien, par exemple, sous les traits d'un Maure hirsute. C'est le premier ennemi auquel se confronte le héros, marquant la transition entre l'univers de la Cour et le monde fantastique de l'aventure.
Cela même, alors que chez les celtes continentaux et insulaires, nombreux sont les mythes liés à une massue qui, alternativement, prend ou rend la vie à celui qui en est atteint (on retrouve cela dans le fond breton et certaines pratiques de cette région). Ici, elle est une arme rituelle, hautement symbolique. Puis, en même temps que le vilain, le Jacques ou le milicien bourgeois peut estourbir un noble d'un coup de cette arme du pauvre, elle est associée à la bassesse, à l'ignoble. Dans l'univers épique de la chevalerie, cette arme rejoint le groupe des personnages sauvages, à la frontière entre monde humain et fantastique. Personnages toujours bien présents dans le folklore des campagnes (histoire de géants, d'hommes "verts" ou, par exemple des figures comme Saint-Christophe, armé d'une massue, qui pourraient être de lointaines réminiscences d'Héraclès). Surtout, elle est clairement opposée à l'épée, arme noble par excellence. Odon de Bayeux participe à la mêlée d'Hastings, frappant d'un gourdin pour ne pas faire couler le sang. Ce fait est intéressant, puisque comme l'essentiel des ecclésiastiques promis à des postes importants, il est très apparenté à un lignage noble et ne dédaigne pas prouver sa valeur (chose commune à cette époque), mais il s'exclut tout de même de la chevalerie naissante en utilisant une arme qui n'est pas contendante. L'épée doit rester le privilège du bretteur d'élite, de celui qui embrasse intégralement la carrière des armes.
Je pensais aussi à une scène sanglante, chez Rabelais (Gargantua) : frère Jean défend bravement son monastère contre les gens de Picrochole qui veulent voler le raisin. il s'arme d'un bâton qui supportait un crucifix, proche d'une hampe de lance. L'arme est efficace - elle est en effet plaquées de fleurs de lys sur toute sa longueur (on a donc une sorte de canne plombée….). Sans pousser la carricature jusqu'à dire : la noblesse utile l'épée, à l'exclusion des deux autres corps mystique de la société médiévale, on peut remarquer une certaine récurrence de ce motif.
Finalement, l'usage de cet arme dans les tranchée confirme bien le peu d'estime qu'on lui confère. On a l'impression d'une régression à un stade bestial, où n'existe plus aucune notion d'honneur, ni de règles… Ajouter à cela qu'on l'associe encore souvent le gourdin à l'homme des cavernes (de même pour le casse-tête indien), et l'on comprend que la massue n'ai pas vraiment reçue de dénominations spécifiques en fonction des types (sauf, effectivement, des régionalismes).
Juste en passant, pour ceux qui seraient intéressés, je suis tombé sur ce site (on ne peut plus sérieux) le CRCB (Centre de Recherche sur la Canne et le bâton). Vous trouverez a peu près tout sur l'usage des cannes / bâtons / masses / massues, en tant qu'armes, mais aussi dans tous les autres domaines.
Il y a beaucoup d'informations d'ordre anecdotiques, néanmoins, ce site de micro-histoire est tout de même très intéressant et complet. jetez-y un coup d'œil, les articles ne sont pas très longs.
Voici la page d'accueil sur les armes :
http://www.crcb.org/category/attaque-defense-avec-canne-ou-batonsans coups de bambous, bien sûr