CEN_EMB a écrit :
qu'est-il arrivé au personnel de l'ambassade allemande à Moscou (et de ses consulats rattachés) lors du déclenchement de l'opération "Barbarossa" le 22 juin 1941 ?
J'imagine mal le gouvernement allemand rappeler plus qu'une portion minoritaire de celui-ci, au risque d'attirer des soupçons évidents concernant une attaque prochaine, éventant ainsi le secret et la surprise stratégique qui va avec. Je vois tout aussi mal les Soviétiques respecter le personnel diplomatique après avoir été attaqué sournoisement.
Quelqu'un en sait-il plus ?
la question de savoir comment avaient été traités les deux corps diplomatiques au déclenchement de "Barbarossa", m'a également titillé l'esprit car, pour autant que j'en sache et comprenne, étant donné les circonstances et partie de "bluff sur leurs réelles intentions que se livraient Hitler et Staline en ces moments là, ça n'allait pas forcément de soi que ces personnels et ambassadeurs n'aient été totalement à l'abri, malgré leur supposée immunité diplomatique, de réactions quelque peu primaires (telles que détentions, séquestrations etc...) de la part des deux tyrans.
Il se trouve que je suis actuellement en train de lire le très volumineux et, ce qui me semble être, très documenté dernier ouvrage de Jean Lopez et Lasha Otkhmezur "Barbarossa, 1941 La guerre absolue", où autour du point des relations diplomatiques, au chapitre 4, on peut lire (page 167) que c'est probablement à la date du 25 novembre 1940, "lorsque Molotov remet à Schulenburg une note listant les conditions d'une adhésion de l'Union soviétique au pacte tripartite, (note que Hitler perçoit comme un quasi-chantage de la part de son pseudo-partenaire russe et qu'il laissera sans réponse) que le fil politique entre Moscou et Berlin est rompu mais que Staline va tout faire pour le renouer jusqu'à l'aube du 22 juin 1941."
Puis au chapître 9 (p.339): "le 18 Juin (1941) Merkoulov, le chef du NKGB, informait Staline que le personnel de l'ambassade allemande à Moscou était, en presque totalité, rentré dans son pays; les Italiens faisaient aussi leurs bagages....Vers 19 heures, le 21 juin, Staline (à la vue et connaissance de tous les signes classiques d'un conflit imminent) charge Molotov et Dekanozov (l'ambassadeur russe à Berlin) de rencontrer en urgence, l'un l'ambassadeur Schulenburg, l'autre Ribbentrop. Mais, à Berlin, les bureaux semblent vides. Ribbentrop fait dire par son secrétariat qu'il n'est pas joignable. Molotov téléphone cinq fois, dix fois à Berlin pour demander que Dekanozov soit reçu au moins par Weizsäcker, le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. En vain....A Moscou, à 20h30, Molotov rencontre l'ambassadeur allemand. Il l'assomme de questions et de protestations d'amitié. Que signifie le départ de vos diplomates et de leurs familles ? Pourquoi n'êtes vous pas satisfaits de nous ?...Schulenburg, très abattu, répond que Berlin ne l'informe de rien. Il promet de transmettre à Berlin. Le verbatim de la conversation entre les deux hommes est transcrit en urgence et envoyé à l'ambassade de Berlin. Valentin Berejkov, le premier secrétaire, le réceptionne à une heure du matin. toutes les 30 mns, il essaie de joindre un responsable de la Wilhemstrasse pour lui lire les mots d'apaisement de Molotov."
- p.342 et 343: "A 3h17, heure de Moscou, Joukov reçoit le premier message de guerre de l'amiral Oktiabrski, commandant de la Flotte de la mer Noire...Puis toutes les dix minutes, le téléphone ou le télex l'informe que les trois districts militaires au contact sont attaqués...Un peu avant 4 heures, Joukov reçoit de son ministre, Timochenko, l'ordre d'appeler Staline....à 4h30 toute la direction soviétique est réunie autour de son chef....A 5h30, Molotov est de retour dans le bureau de Staline, après avoir reçu le comte Schulenburg. Il confirme: c'est la guerre. Mais Staline lit et relit le texte remis par l'ambassadeur allemand: cela ne ressemble pas à une déclaration de guerre en bonne et due forme. et s'il demeurait un espace pour négocier ? Cette hypothèse est renforcée par le témoignage de Valentin Berejkov, le premier secrétaire de l'ambassade soviétique à Berlin. Selon lui, dans la nuit du 22 juin, Dekanozov aurait reçu ordre de rapporter aux allemands que "le Kremlin est prêt à entendre les possibles prétentions de l'Allemagne et, dans ce but, se déclare prêt à organiser un sommet germano-soviétique".
- p.375 et 376 : " La presse internationale apprend la nouvelle de l'invasion par ses correspondants à Berlin, réunis en conférence de presse par Ribbentrop, au matin du 22 juin. La population allemande est mise au courant par la radio à 5h30, première diffusion de l'appel d'Hitler lu par Goebbels...A Rome, Mussolini enrage de n'avoir été mis au courant de Barbarossa que quelques heures avant son déclenchement, même s'il sait, par d'autres chemins, à quoi s'en tenir depuis des semaines. La lettre qu'Hitler lui a fait porter dans la nuit lui laisse comprendre que l'allemand n'attend rien des forces italiennes... A 12h30, Ciano, ministre des Affaires étrangères italien, remet la déclaration de guerre à l'ambassadeur soviétique...A 4h du matin, Ribbentrop fait venir auprès de lui le général Oshima, l'ambassadeur japonais à Berlin. Il lui annonce l'ouverture des hostilités et exprime l'espoir que le Japon y participe."
- p.378 : "En ces premières heures de guerre, outre les deux militaires clés, Timochenko et Joukov, Staline réunit autour de lui ses féaux...Molotov, membre du politburo et ministre des Affaires étrangères, est présent, de même que Beria, chef de la police...Dimitrov et Manouïlski - les responsables du Komintern - arrivent à 8h40 et voient Staline durant deux heures...Dans son journal, Dimitrov prend au vol les mots de défiance tous azimuts du "patron": "les représentants diplomatiques doivent être transportés hors de Moscou, à Kazan par exemple. Ici, ils pourraient espionner"