oliviert a écrit :
Donc, les guerres n'expliquent pas la relative faiblesse de la croissance démographique française sous Louis XIV.
En décès directement imputables certainement, mises à part les régions frontières du nord et de l'est (Alsace en particulier), mais le poids de la fiscalité induite et surtout les réquisitions de grains pour les besoins d'une armée hypertrophiée pendant les conflits, notamment en 1693-1694, ont incontestablement aggravé les disettes récurrentes sous le règne de Louis XIV, et donc participé à la mortalité globale.
Et ce sont sans conteste ces crises de subsistance, avec en toile de fond la misère physiologique des plus pauvres et les flambées épidémiques (plus tellement la peste, vue pour la dernière fois dans le nord en 1668 sous Louis XIV, mais la typhoïde et la dysenterie) qui sont les plus déterminantes pour expliquer la stagnation démographique, voire le recul si l'on considère seulement la période 1685-1715, puisqu'il est possible qu'on ait atteint un maximum de 21-22 millions d'habitants à la fin des années 1680, très bonnes sur le plan agricole et sans conflit d'envergure. Crises de subsistance plus en raison de la cherté des grains d'ailleurs que de leur absence: "
La mercuriale secrète la mortalité" disait Georges Livet. Il est exceptionnel que les riches soient impactés.
Du fait des rendements généralement faibles, et donc de l'absence de réserves, on marche en effet sur la corde raide en permanence au XVIIe siècle, la moindre mauvaise année générant une mortalité accrue, mais quelques crises se distinguent par leur gravité:
- La "crise de l'avènement" (1661-1663), occasion d'une célèbre apostrophe de Bossuet au roi, qui opère d'emblée une ponction évaluée à 1 à 1.5 million d'habitants au début du règne.
- Une grave crise de subsistance dans l'est (Alsace, Franche-Comté aggravée par la guerre en 1674-1675.
- Et surtout la crise de 1693-1694, mieux connue grâce aux registres paroissiaux plus nombreux, avec un triplement de la mortalité habituelle: - 10 à 15 % de la population en deux ans, soit 2 à 2.5 millions de décès, 2.8 millions selon Marcel Lachiver (
Les années de misère, Fayard 1991) soit 1.3 millions de plus que la mortalité normale de deux années.
Par exemple à Rouen, où la crise est bien étudiée par Jean-Pierre Bardet (
Mourir à Rouen au temps de Boisguilbert in Boisguilbert parmi nous, Actes du colloque international de Roeun, 1975), où une épidémie précède la cherté des grains ce qui explique que les riches sont autant frappés que les pauvres, 13000 personnes décèdent en deux ans sur 70 000 habitants, au lieu de 2500 en année normale. Pour la paroisse de Saint-Maclou, très populaire, c'est + 91 % de décès en 1693, + 117 % en 1694.
- Et dans les dernières années du règne, le célèbre hiver de 1709.
N'oublions pas non plus le déficit démographique lié à l'émigration huguenote: environ 300 000 personnes à partir des années 1670 et surtout après 1685, et le déficit de naissances provoqué par ces crises, qui bien que non quantifiable, et malgré les reprises post-crises, obère le dynamisme démographique à moyen terme.