@Jean Marc Labat -
merci pour votre perspective plus étayée. Je comprends les points que vous soulevez, mais je dirais qu'en fait cela soulève d'autres questions encore. Par exemple, je suis bien d'accord avec vous, intuitivement sur ce que vous dites sur les pays décolonisés "dont je ne suis pas certain qu'ils forment des nations tant les divergences entre les peuples qui les composent sont encore bien présentes". Toutefois, cela déjà donne une définition implicite de nation, qui ne pourrait admettre de divergence entre les peuples qui la composent (divergence restant à définir aussi, d'ailleurs).
Pour revenir au lien "sacrifice" et "nation", c'était vraiment la première chose qui m'est venue à l'esprit, comme illustration. Mais ce que je voulais dire, justement, en reprenant les éléments que vous avez ajoutés : "Faut-il croire que la nation a existé de 1872 à 1996, dates où le service était obligatoire", c'est que il faut admettre de formuler cela comme un énoncé tautologique. "Si nous définissons la nation comme l'organisation sociale telle qu'un service militaire institutionnalisé existe pour la servir, alors la France était une nation de 1872 à 1996". Certes, ça ne nous avance pas beaucoup, mais je trouve que cela a le mérite de précisément expliciter les hypothèses dans ce qu'on dit.
Enfin, je trouve qu'avec votre remarque vous mettez le doigt sur une autre question de définition : "il n'y a donc pas qu'une recette pour définir la nation et gardons nous d'appliquer le moule français pour la définir". Faudrait-il chercher une définition générale de ce qu'est une nation, ou bien admettre une déf particulière pour chaque pays. Pour moi en fait tout dépend de si l'on se place plutôt dans une perspective purement historique ou bien que je qualifierais de sociologie historique.
Il me semble qu'il est concevable de se donner une définition générale, et de l'appliquer dans le temps et l'espace, et voir ce que l'on obtient. Dans ce cas, comme cette définition nous est contemporaine, et donc teintée vraisemblablement de socio de sciences politiques moderne, elle est l'application d'un point de vue anachronique sur l'histoire. C'est ce que je qualifierais de socio historique. Ce n'est toutefois pas, il me semble, inutile dans une questionnement historique.
En opposition, et cela rejoindrait votre remarque ci-dessus, on peut aussi définir la nation comme ce que les gens auraient défini comme leur nation dans le passé, auquel cas ça dépend naturellement de chaque cas de figure. C'est alors un questionnement purement historique, que je rangerais dans l'histoire des mentalités je suppose. Toutefois, il y aurait toujours besoin de proprement définir comment on identifie ce qui, pour un politique, un historien ou un commentateur du passé, constituait la notion de nation. Natio en latin ne recouvre pas parfaitement la nation en français, par exemple. Dès lors, cela devient une question à mon sens plus scientifique, de lexicographie (certes, pas avec des x et des y, mais c'est pas mon propos).
Mais dans tous ces cas, il me semble difficile de progresser sans très soigneusement définir tous les concepts que l'on utilise.
@Elviktor A : "aucune n'est un énoncé scientifique" B : "Si, si, du moins du point de vue de la méthode historique" Avons-nous là vraiment un opposition ? Je pense que nous voilà en plein dans Marrou ou Febvre, et Aron aussi si je ne m'abuse. Pour citer Marrou, l'histoire c'est "la connaissance scientifiquement elaborée du passé". Connaissance ici au sens pas forcément scientifique, mais avec un effort, ou des méthodes, qui aspirent à une certaine scientificité. Pour moi, en gros, il faut être scientifique dans les "outils", mais admettre que c'est dans la tête de l'historien, sans mécanisme vraiment scientifique, qu'à partir de ces inputs, peut s'écrire l'histoire. Il me semblait important d'insister sur cette aspiration à rendre ces inputs plus scientifiques, dans la mesure où cela nous force à plus proprement définir nos hypothèses plus ou moins implicites.
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