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Message Publié : 21 Nov 2018 22:17 
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Harrachi78 a écrit :
Je comprends votre souci, mais il n'est pas ėvident de dissocier certaines choses sans corrompre une certaine réalité qui les lient ...


Nous sommes d'accord. La question est bien de définir plus précisément ce qu'est cette "certaine réalité qui les lie".


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Message Publié : 22 Nov 2018 10:37 
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Il s'agit de tout un ensemble d'éléments qui se combinent dans un contexte particulier, ajouté bien entendu à l'élément linguistique dont on a parlé plus haut. J'ai toujours trouvé que ce petit extrait dėcrit plus ou moins bien la chose :

Citer :
The differences among Arabs in various regions are immediately obvious—they have different foods, manners of dress, housing, decorative arts, and architectural styles. The political diversity is also notable; governmental systems include monarchies, military governments, “socialist republics,” and now, the possibility of participatory democracies.

But despite the differences, the Arabs are more homogeneous than Westerners in their outlook on life. All Arabs share basic beliefs and values that cross national and class boundaries. Social attitudes have remained relatively constant because Arab society is conservative and demands conformity from its members. Arabs’ beliefs are influenced by Islam, even if they are not Muslims. Many family and social practices are cultural, some are pre-Islamic; child-rearing practices are nearly identical; and the family structure is essentially the same. Arabs have not been as mobile as people in the West, and they have a high regard for tradition. Here are some features shared by all Arab groups: the role of the family, class structure, religious and political behavior, standards of social morality, the presence of change, and the impact of economic development on people’s lives.


M. K. Nydel
Understanding Arabs

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Message Publié : 22 Nov 2018 12:32 
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Je préférais votre définition, plus haut, qui était: un "sentiment" d'une appartenance communautaire. Il suppose le désir d'appartenir à ce groupe, ce qui est proche proche de l'idée de Nation de Renan, ce qui induit l'existence d'une "nation arabe". C'est aussi ce que je disais quand je parlais de panarabisme, le sentiment que voulait créer Nasser. Je proposais comme vous de combiner les critères et lier cela à l'Islam et à la langue. En effet, si l'on retire l'un des critères, l'épithète "arabe" peut-il être conservé? Un musulman Bosniaque, Turc ou Iranien ne sont pas arabes. Ni forcément un Chrétien du Liban ou un copte d'Egypte, selon le sentiment des intéressés cité plus haut.

En comparaison, la définition de Margaret Nydel est, elle, très faible, car vague et floue. Dans ce paragraphe, elle énumère des concepts à peu près applicables à toute société ayant des traditions, de la Corse à l'Angleterre en passant par le Japon: respect des traditions et de la famille, structure de classes, etc. Sans spécifier ce qui constitue la particularité des "arabes" sur chacun de ces points, ni donner d'exemples. Cela vide la définition de tout corps. Le paragraphe de Nydel manque cruellement d'exemples et contre-exemples concrets de ce qui constituterait le plus petit dénominateur commun.

A minima, nous avons au moins proposé plusieurs critères étroits:
1. habitant de la péninsule arabique, donc entre Golfe Persique et Mer Rouge: Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Qatar, Koweit, Oman, Bahrein, Irak.
2. Arabophone (de langue maternelle ou paternelle arabe)
3. s'auto-définissant comme arabe, par opposition à d'autres identités (Européen, Copte, Perse, Turc, etc), avec un désir d'appartenir à une communauté dite "arabe"

Harrachi78 a écrit :
Il s'agit de tout un ensemble d'éléments qui se combinent dans un contexte particulier, ajouté bien entendu à l'élément linguistique dont on a parlé plus haut.


Nous nous rejoingnons: il faut combiner plusieurs éléments, mais vous ne dite pas lesquels à part la langue, ni dans quel contexte particulier. Est-ce un contexte géographique défini? Est-il homogène? Si "les arabes", ce ne sont ni "les Libanais", ni "les Egyptiens", qui sont-ils sinon a minima les originaires de la péninsule? Autre exemple sur ce site: des Kabyles qui se disent non Arabes , invalidant l'inclusion des Algériens dans leur globalité.

On en revient au fait que quand on l'applique pour désigner des peuples entiers hors de la péninsule, le terme revêt une dimension éminemment politique, qui relève d'une vision panarabe, qui n'est partagée que par une minorité politique contestée. Sans définition précise, dire "[tous] les Algériens sont des arabes" ou "les Libanais sont des arabes" est une posture plus politique que scientifique, ou relève de l'ignorance.

Pour revenir à Nydel:
- "Child-rearing practices are nearly identical"... C'est très étonnant comme phrase et on doit l'interroger. Lesquelles? A Beyrouth on n'élève pas ses enfants exactement comme à Sanaa, mais on est beaucoup plus proche du monde méditerranéen, de Marseille ou de la Grèce.
- "High regard for tradition": les Bretons, les Japonais et les Anglais aussi aiment les traditions. Quelles traditions exactement est la question.
- "Religious and political behavior": pour la religion c'est particulièrement faux dans tout le "Monde Arabe" ou Arabophone, dont les comportements religieux et politiques couvrent un éventail extrêmement large. De quel dénominateur commun de religieux et politique parle-t-elle? Si, comme elle le dit dans sa définition, on peut être arabe et non-musulman, alors elle ne peut pas dire dans cette même définition que le comportement religieux d'un copte est plus similaire à celui d'un Salafiste ou d'un chiite que d'un grec orthodoxe ou d'un Bahai. Ce serait absurde. Par contre, elle touche au point dont je parlais puisqu'elle dit que c'est aussi un comportement politique. CQFD.

Je n'ai pas son livre, peut-être entre-t-elle plus précisément dans ces critères. Je ne pense pas le trouver à la bibliothèque locale, donc si vous l'avez, vous pourrez nous en dire davantage.


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Message Publié : 22 Nov 2018 15:37 
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Citer :
Je préférais votre définition, plus haut, qui était: un "sentiment" d'une appartenance communautaire. Il suppose le désir d'appartenir à ce groupe, ce qui est proche proche de l'idée de Nation de Renan, ce qui induit l'existence d'une "nation arabe". C'est aussi ce que je disais quand je parlais de panarabisme, le sentiment que voulait créer Nasser.


Bon, je crois qu'on se perd de vue mutuellement à nouveau là ... :-) En fait, mon propos était justement qu'il n'était pas nėcessaire d'être en prėsence d'un schėmas "national" au sens stricte (disons rėnanien) pour que l'on puisse parler d'Arabes (ou d'autre chose le cas ėchéant). D'ailleurs, l'arabité "politique" n'a pas forcément été conçue comme une nation rénanienne pour tous ceux qui se sont reconnus dans le principe communautaire arabe. Chez-moi en Algérie par exemple, et dans le Maghreb de manière génerale, al-qawmiyya al-3arabiyya ("nationalisme arabe") n'a jamais eu ce sens baathiste originel, et même que le terme de "nationalisme" en lui-même étė adapté dans le langage politique sur la base d'un mot arabe quelque peu différent : wataniyya (watan = "patrie" au sens physique et terrien alors que qawm = "peuple" au sens de groupe humain d'appartenance. Les choses ne peuvent donc être aussi simples qu'on pourrait le souhaiter, d'où mes précédentes réserves.

Citer :
Je proposais comme vous de combiner les critères et lier cela à l'Islam et à la langue. En effet, si l'on retire l'un des critères, l'épithète "arabe" peut-il être conservé? Un musulman Bosniaque, Turc ou Iranien ne sont pas arabes. Ni forcément un Chrétien du Liban ou un copte d'Egypte, selon le sentiment des intéressés cité plus haut.

Sur ce point, j'avais déja exprimé mon accord, mais là encore sous réserve de clarification sur ce que peut être un libanais "non-arabe" car, hormis l'ėventuelle opinion personelle, il faudrait bien que des critères logiques et tenables soient dégagės pour qu'on puisse parler positivement d'une identité X au lieu de Y. D'autre part, si il est clair que l'Islam (au sens large et culturel) est un élément fort important dans l'ėquation identitaire arabe, je ne puis non plus souscrire sans réserve å la combinaison duale stricte que vous proposez puisque, simple exemple, les fondateurs et premiers théoriciens du nationalisme arabe (au sens expliqué plus haut de [i]qawmiyya[/i]) n'étaient ni musulmans, ni Saoudiens ni même arabiques ; c'étaient des syriens et des libanais chrétiens !

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Message Publié : 22 Nov 2018 17:14 
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Harrachi78 a écrit :
les fondateurs et premiers théoriciens du nationalisme arabe n'étaient ni musulmans, ni Saoudiens ni même arabiques ; c'étaient des syriens et des libanais chrétiens !


N'étant pas sûr de savoir de qui vous parlez, cela rend le propos allusif. Pouvez-vous mettre les noms de ces fondateurs, svp? Parmi les fondateurs, il y a des bédouins d'Arabie. Si vous parlez du parti Ba'ath, nous revenons à ce que je disais: quand eux parlent "des arabes", c'est une position non scientifique mais une position politique englobante, qui n'engage qu'eux, et dans un but politique précis.

Je dis qu'il est bien entendu possible à un individu non-musulman de se dire arabe, mais qu'il est difficile ou impossible d'appliquer le terme à toute une population ou tout un groupe sans combiner plusieurs critères qui forment un dénominateur commun. Comment formuler un plus petit dénominateur commun, sans risque de se tromper et d'inclure des individus qui ne s'identifient pas au groupe?


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Message Publié : 22 Nov 2018 18:04 
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Mes excuses ! J'ai prėsumé que vous étiez familier du sujet, ce pourquoi je ne me suis pas donné la peine de la prėcision ! Vous ne connaissez pas Michel Aflaq par exemple ?

Je profite de l'occasion pour commenter la seconde partie de votre prėcedent post car e n'en ai pas eu le temps plus tôt :

Citer :
Nous nous rejoingnons: il faut combiner plusieurs éléments, mais vous ne dite pas lesquels à part la langue, ni dans quel contexte particulier.

J'avais justement posté le petit texte plus haut pour résumer succintement les divers élements qui rentrent en considération, en sus de la langue et du cadre religieux-historique dont on avais déjà parlé. Le contexte particulier qui encadre le tout est cette dimension sentimentale et cette conscience d'appartenance qui fait qu'un groupe éthnique existe en tant que tel.

Citer :
Est-ce un contexte géographique défini?

A ma connaissance, l'éspace géographique où vivent des peuples Arabes est connu, autant par eux que par le monde qui les entoure. Aurais-je ma compris ce point ?

Citer :
Est-il homogène?

Que voulez-vous dire ? Cet espace est-il exclusivement peuplé d'Arabes ? Si c'est cela le sens de la question je crois que nous avons déja réglė ce point plus haut ?

Citer :
Si "les arabes", ce ne sont ni "les Libanais", ni "les Egyptiens", qui sont-ils sinon a minima les originaires de la péninsule?

Non, de nos jours il existe des Arabes libanais, des Arabes égyptiens, des Arabes algériens ... etc. Pris individuellement, tous ces Arabes modernes ne sont pas nėcessairement les déscendants directes de tribus d'Arabie, sachant d'ailleurs que, aux époques antė-islamiques déja, tous les habitants de la Péninsule arabique n'étaient pas des Arabes, et tous les Arabes n'habitaient pas exclusivement la Péninsule arabique.

Citer :
Autre exemple sur ce site: des Kabyles qui se disent non Arabes , invalidant l'inclusion des Algériens dans leur globalité.

Nous avons déja dis que tous les Algériens (ainsi que les Marocains) n'étaient pas forcėment Arabes. La nuance entre cet exemple et l'exemple libanais (qui fut à l'origine de mon objection initiale) est que la dėfinition positive de l'identité comme Berbère repose (audelà du bon vouloir qu'on ne discute pas) sur un facteur linguistique visible et s'appuie sur une traçabilité du fait social qui facilement vérifiable sur le pkan historique. Ce n'est pas le cas pour un libanais qui se dirait "phėnicien" en terme d'identité.

Citer :
On en revient au fait que quand on l'applique pour désigner des peuples entiers hors de la péninsule, le terme revêt une dimension éminemment politique, qui relève d'une vision panarabe ...

Je ne vois toujours pas où se situerait la problématique. Toutes les constructions nationales modernes sont de nature politique à la base.

Citer :
... qui n'est partagée que par une minorité politique contestée ...

Pourriez-vous prėciser la base de votre quantification ?

Citer :
Pour revenir à Nydel:

Bon, j'aurais pu m'exprimer sur chacun des points mais il se trouve que, comme déja expliqué, cette segmentation en elle-même qui biaise l'analyse dans un tel sujet : pris individuellement, chacun de ces élements de base peut bien entendu se retrouver, sous une forme ou sous une autre, en partage avec mille autre groupe humain de la planète et cela est valable pour tous. Ce qui fait le groupe, c'est le partage de tous ces éléments à la fois, en plus de l'élément linguistique évoqué au départ et de l'origine historique attestėe et ressentie comme tel. C'est cela le contexte particulier qui fait la chose.

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Message Publié : 23 Nov 2018 13:13 
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Peut-être voyez-vous une opposition là où il n'y en a pas. Il s'agissait simplement de porter l'attention sur le glissement du terme employé dans le titre du sujet de cette discussion d'un sens ethnique (voire "génétique"), donc très étroit, à un sens très large et mal défini, trop englobant, qui est, lui, un terme politique.

Harrachi78 a écrit :
J'ai prėsumé que vous étiez familier du sujet, ce pourquoi je ne me suis pas donné la peine de la prėcision ! Vous ne connaissez pas Michel Aflaq par exemple ?

C'est ce "par exemple" qui était nécessaire dans votre phrase précédente: "les fondateurs et premiers théoriciens du nationalisme arabe n'étaient ni musulmans, ni Saoudiens ni même arabiques".

Aflak n'est qu'un exemple. C'est le fondateur du parti Baath que j'ai mentionné, en 1943. Or, le nationalisme arabe a commencé bien avant 1943. On ne peut parler des fondateurs du nationalisme arabe sans parler de la révolte arabe de 1916, des bédouins d'Arabie, de la révolte irakienne de 1920, du Parti Indépendantiste Arabe en 1932, du Parti Nationaliste Arabe de 1938 en Irak (ou Iraq si vous préférez la translitération anglaise d'Aflaq), du roi Ghazi qui voulait (déjà!) annexer le Koweit... Il faudrait ouvrir un autre post consacré au nationalisme arabe.

Je crois que nous sommes d'accord. Peu importe que ces premiers fondateurs et théoriciens avant Aflaq aient bien été musulmans et originaires de la péninsule arabique. Je disais que si vous parlez du parti Baath (Aflak ou Aflaq), cela renforce simplement ce point: vouloir englober tous les peuples d'une région mal définie sous le même terme d'arabe est davantage une posture politique, que scientifique, ethnique ou culturelle, et encore moins "génétique". Aujourd'hui, cette posture politique n'est pas partagée par tous dans ces pays, et n'est pas opposable scientifiquement ou neutre politiquement comme le serait par exemple le terme "arabophone", qui me semble plus précis.

Citer :
A ma connaissance, l'espace géographique où vivent des peuples Arabes est connu

Justement, c'est un des points sur lesquels il n'y a pas consensus. D'abord parce qu'il y a des communautés arabes absolument partout. Ensuite parce que "peuples arabes" n'est toujours pas défini à ce moment de la discussion. Il faut le définir. Pour la discussion et clarifier mon propos j'ai proposé une tentative de liste de peuples et pays basée sur certains critères de définition. Vous pouvez proposer une autre liste.

La thèse du socle culturel "presque identique" ("nearly identical") dont parle Margaret Nydel est douteuse (pour employer un euphémisme):
Alger a-t-elle une culture plus proche de celle de Marseille ou de Sanaa au Yemen?
L'exemple plus haut montre que si des Kabyles qui ne se considèrent pas comme arabes, cela suffit pour inférer qu'on peut mettre en doute une unique et englobante "identité arabe" de l'Algérie, par rapport par exemple à l'identité Kabyle.

On pourrait aussi tenter d'opposer le poids de l'histoire et des conquêtes en disant: les Arabes ont conquis l'Afrique du Nord, donc l'Afrique du Nord est Arabe.
Mais les Turcs ont envahi l'Egypte: l'Egypte est-elle devenue "un pays turc", ou les Egyptiens un "peuple turc"? Les Arabes ont régné en Espagne (territoire recouvert par la "grande Andalousie") pendant huit siècles. L'Espagne est-elle "arabe"? On peut répondre par oui, ou par non, ou bien au moins choisir de suspendre son jugement et ne pas trancher. Il y a des éléments arabes forts dans la culture Algérienne, comme il y a des éléments kabyles, et il y a également des éléments arabes très forts dans la culture espagnole.

Citer :
de nos jours il existe des Arabes libanais, des Arabes égyptiens, des Arabes algériens

Je vous rejoins, c'est ce qui me fait penser que cela ne fait pas "des Libanais" en général un "peuple arabe", ni des Algériens, ni des Egyptiens. A minima, "les arabes", ce sont les habitants de la grande péninsule. Au-delà, visiblement il y a débat.


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Message Publié : 24 Nov 2018 9:15 
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Citer :
Aflak n'est qu'un exemple. C'est le fondateur du parti Baath que j'ai mentionné, en 1943. Or, le nationalisme arabe a commencé bien avant 1943. On ne peut parler des fondateurs du nationalisme arabe sans parler de la révolte arabe de 1916, des bédouins d'Arabie, de la révolte irakienne de 1920, du Parti Indépendantiste Arabe en 1932, du Parti Nationaliste Arabe de 1938 en Irak (ou Iraq si vous préférez la translitération anglaise d'Aflaq), du roi Ghazi qui voulait (déjà!) annexer le Koweit... Il faudrait ouvrir un autre post consacré au nationalisme arabe.

Justement, l'un des ėceuils qui semblent maintenir la non concordance totale de nos vues est que vous semblez confondre en une seule chose "nationalisme arabe" (qawmiyya 3arabiyya) et "identité arabe/arabité" (hawiyya 3arabiyya) alors qu'il s'agit de deux choses, qui se recoupent narurellement à certains niveaux, mais qui restent distinctes.

Si j'ai cité l'exemple de Michel Aflaq (le choix du "q" n'est pas par anglophilie mais parcequ'il rend mieux le phonème arabe concerné, le "k" étant équivalent à une toute autre lettre ... ;-) ), c'est parcequ'il est le père du bâathisme qui est l'expression finale, la plus aboutie et la plus extrême si on veux, du nationalisme arabe. Or, suivant les principes de définition que vous avez proposé plus haut (Islam ... etc.), un tel développement aurait du survenir en priorité chez des musulmans, d'Arabie et surtout saoudiens alors, qu'il n'en est rien. Mais on pourrait remonter plus haut si vous le souhaitez, sachant que Aflaq (né en 1910) était lui-même fils d'un grand militant du nationalisme arabe : à l'origine même du mouvement de renaissance culturelle et identitaire arabes à la fin du 19e siècle (Nahda, phase qui n'est pas encore "nationalisme" et on est bien avant Lawrance d'Arabie et la révolte arabe du Hedjaz), les pionniers du mouvement étaient encore des chrétiens lévantins comme Nassir Yazigi ou Boutros Boustani.

En un mot, tout en étant un ėlėment majeur dans l'ėquation identitaire arabe, l'Islam est (de par sa nature même) plutôt un facteur absorbant/relativisant de la dimension "nationaliste" de l'arabitė. Ca pourrait paraitre paradoxal, mais il n'en est rien en vérité dans la mesure où l'Islam se conçoit comme strate identitaire supérieure à toute autre et qu'il se dėfinit comme lieu d'allėgeance ultime. C'est pour cette raison que les premiers théoriciens du nationalisme arabe en tant que tel étaient surtout des arabes Chrétiens, d'abord parceque les Chrétiens d'Orient furent souvent la porte d'entrée des idées et conceptes européens (dont fait partie le nationalisme en tant que tel) et ensuite parceque cette mouture leur permettait d'exprimer pleinement leur arabité sans avoir besoin d'être musulmans ni en même temps de s'opposer à la partie islamique de l'hėritage.

Voilà pourquoi j'étais étonné dès le dėpart du rôle que vous avez attribué aux Saoudiens dans l'ėquation "arabiste" moderne, sachant que les fondements idéologiques de l'Etat saoudien sont clairement islamistes, donc forcément hostiles à toute forme de qawmiyya qui est vue comme une regression par rapport à l'idėe de Oumma musulmane universelle. Pour rappel, les Saoud et leurs partisans sont du Najd à l'époque des faits, et ils ne furent en rien concernės par la rėvolte arabe du Hedjaz, dont ils vont au contraire combattre les iniateurs et finir par les chasser de la Pėninsule !

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Message Publié : 24 Nov 2018 18:38 
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Bonjour,

Merci pour votre réponse d'hier, qui complète la mienne et nous fait réfléchir plus avant sur le concept d'identité.

Harrachi78 a écrit :
vous semblez confondre (...) "nationalisme arabe" et "identité arabe/arabité" alors qu'il s'agit de deux choses (...) distinctes


Les termes sont bien distincts, pour autant, on ne peut opposer arabité et Islam lorsqu'on évoque le parti baath, "expression la plus extrême du nationalisme arabe", puisque eux-mêmes les considéraient comme intimement liés.

Le nationalisme Arabe est une position idéologique, qui manifeste un désir d'unité, du Maroc à l'Irak et à la péninsule arabe. L'arabité est un attribut identitaire auto-proclamé, qui ne peut être attribué objectivement par un observateur externe. Il ne décrit que l'identité d'un individu qui s'est défini lui-même explicitement comme arabe. Toute autre tentative de généralisation se heurte à des écueils de définition.

Le fait de généraliser et d'appliquer une identité arabe sans au préalable prendre la précaution de restreindre le terme à la seule partie de la population qui répond à des critères définis (mêlant arabophonie, auto-identification déclarée, citoyenneté, ou tout autre autre critère objectif), est une position idéologique. Vous avez raison quand vous soulignez qu'on peut dire "il y a des Algériens arabes", mais on ne peut pas dire "les Algériens sont des arabes".

Harrachi78 a écrit :
[L'Islam est] un ėlėment majeur dans l'ėquation identitaire arabe


Votre expression "équation identitaire" est heureuse, mais vous donnez là un exemple d'un critère subjectif. On peut y adhérer ou non, mais c'est bien est une opinion politique, qui était d'ailleurs celle du parti Baath, et en premier de Michel Aflak, pourtant non musulman. Aflak avait insisté sur l'importance primordiale de l'Islam dans l'identité arabe, et sur l'arabité de l'Islam. Il y voyait une association irréductible. Pour lui, et pour le Baath, "l'arabisme est un corps dont l'âme est l'Islam".

Mais ce n'est pas un fait objectif, dans ce sens qu'il est des Arabes chrétiens pour qui l'Islam n'est pas du tout un élément constitutif de leur équation identitaire, ni majeur ni mineur, et qui se définissent pourtant comme arabes. La difficulté est d'établir quels sont les éléments majeurs de l'équation identitaire arabe.

Harrachi78 a écrit :
l'Islam se conçoit comme strate identitaire supérieure à toute autre et qu'il se dėfinit comme lieu d'allėgeance ultime.


Là encore, ceci est une opinion qui est discutable et dépend des écoles et des individus, et c'est un tout autre débat. Il faudrait définir "strate identitaire supérieure", et "allégeance", mais des recherches sociologiques et politiques sur les priorités identitaires et les priorités d'allégeances (aux lois, aux chefs, aux groupes), sont menées sur ce thème, qui contredisent la phrase. Nous devons parler des individus, sinon c'est une tautologie (l'Islam conçoit l'Islam comme strate identitaire supérieure, La République française conçoit la citoyenneté comme strate identitaire supérieure, etc). L'allégeance aux lois de l'Islam n'est pas uniformément une allégeance ultime par tous les Musulmans.

Harrachi78 a écrit :
les Chrétiens d'Orient furent souvent la porte d'entrée des idées et conceptes européens (dont fait partie le nationalisme en tant que tel)

Vous avez sans doute raison, le réseau des écoles jésuites et des universités missionnaires serait un bon exemple, mais également le cosmopolitisme des élites, les voyages universitaires et le multilinguisme.

Harrachi78 a écrit :
cette mouture leur permettait (...) de s'opposer à la partie islamique de l'hėritage.

N'était-ce pas surtout parce qu'ils voulaient au contraire rallier les musulmans à la cause, et notamment s'unir contre les puissances coloniales?

Harrachi78 a écrit :
clairement islamistes, donc forcément hostiles à toute forme de qawmiyya


Ce ne sont pas les mêmes camps politiques, mais doit-on voir une opposition systématique et historique entre Islam politique et panarabisme? Par exemple, l'arrivée au pouvoir de Nasser 'est aussi faite grâce aux Frères Musulmans. Ce n'est pas un hasard. S'il n'y a pas identité parfaite, les deux idéologies ont en commun d'être nées dans l'opposition aux puissances européennes, en ont combattu l'influence idéologique, politique et territoriale, et se veulent transnationales, ne reconnaissant pas les frontières séculaires.

Harrachi78 a écrit :
le choix du "q" n'est pas par anglophilie mais parcequ'il rend mieux le phonème arabe concerné, le "k" étant équivalent à une toute autre lettre ... ;-)

Je comprends votre aparté, étant aussi arabisant à un niveau encore modeste, mais Aflak, qui fut francophone, étudiant à la Sorbonne et a fini sa vie à Paris, avait choisi de signer ses écrits français "Aflak" (et textesici sur un site du parti baath ), car le Qaf glottal n'a pas d'équivalent en français: on écrit "coran" et non "Qur'An". On n'écrit pas non plus le "ain" de Aflak (عفلق), qui s'écrirait sinon 3aflaq. Je choisis donc "Aflak", comme l'intéressé. ;o)

Pour conclure, si on voulait définir l'arabité, on pourrait évoquer la définition intéressante de Maxime Rodinson (Les Arabes, 1979) qui évoquait trois éléments combinés pour définir l’appartenance à un peuple ou à une nation arabe , ceux qui :
1) "parlent une variante de la langue arabe et, en même temps, considèrent que c’est leur langue « naturelle », celle qu’ils doivent parler, ou bien, sans la parler, la considèrent comme telle" . Ceci est contestable, car même en Europe, des personnes peuvent se dire arabes et ne pas bien parler l'arabe.
2) "regardent comme leur patrimoine l’histoire et les traits culturels du peuple qui s’est appelé lui-même et que les autres ont appelés ‘arabe’, ces traits culturels englobant depuis le VIIe siècle l’adhésion massive à la religion musulmane, qui est loin d’être leur exclusivité;" . Eminemment contestable, on l'a vu.
3) "revendiquent l’identité arabe et ont une conscience d’arabité. ». C'est ce dernier point qui est le moins contestable.

Pour définir l'arabité, certains critères objectifs ne sont ni nécessaires ni suffisants, tout comme les critères rejetés par Renan pour définir une nation: ce n'est ni une langue, ni une religion, ni une ethnie, ni une histoire, ni un territoire. C'est sans doute, pour un individu donné, la reconnaissance d'une communauté de destin et une identité choisie, au même titre que "Phénicien"...


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Message Publié : 24 Nov 2018 20:36 
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Ca risque d'être long là. Je vais donc essayer de partager ma réponse sur plusieurs messages ... lol

Citer :
Le nationalisme Arabe est une position idéologique, qui manifeste un désir d'unité, du Maroc à l'Irak et à la péninsule arabe. L'arabité est un attribut identitaire auto-proclamé, qui ne peut être attribué objectivement par un observateur externe. Il ne décrit que l'identité d'un individu qui s'est défini lui-même explicitement comme arabe. Toute autre tentative de généralisation se heurte à des écueils de définition.

Comme déja expliqué, pas de problème sur le principe. Le seul souci est que le schémas dėcrit s'applique pratiquement à tous les groupes éthniques et nationaux existant sur terre et, du coup, il reviendrait à dire qu'il n'en existe aucun vraiment. Je comprends bien votre souci de précision, mais je crois qu'il y'a des choses où il n'est pas possible d'être plus prėcis dans la définition des contours sans tomber dans l'autre excès, celui d'un certain nėgationnisme.

Citer :
Le fait de généraliser et d'appliquer une identité arabe sans au préalable prendre la précaution de restreindre le terme à la seule partie de la population qui répond à des critères définis (mêlant arabophonie, auto-identification déclarée, citoyenneté, ou tout autre autre critère objectif) ...

Autant je pourrais souscrire à votre rėserve dans le cas de Berbères au Maghreb ou des Kurdes en Orient, autant j'ai du mal a localiser ces "Phėniciens" du Liban. A la limite, je pourrais encore le concevoir pour les Coptes en Egypte, mais pour le reste ...

Citer :
Votre expression "équation identitaire" est heureuse, mais vous donnez là un exemple d'un critère subjectif. On peut y adhérer ou non, mais c'est bien est une opinion politique, qui était d'ailleurs celle du parti Baath, et en premier de Michel Aflak, pourtant non musulman. Aflak avait insisté sur l'importance primordiale de l'Islam dans l'identité arabe, et sur l'arabité de l'Islam. Il y voyait une association irréductible. Pour lui, et pour le Baath, "l'arabisme est un corps dont l'âme est l'Islam".

Pour ce qui me conerne, je ne donne à ce point aucune dimension idéologique ni même un aspect affectif (bien que je sois arabe maghrébin et musulman). C'est un simple constat, observable actuellement et vérifiable sur le plan historique. Les choses ont quelque peu changé depuis 150 ans de par l'évolution qu'on a dėcrit, mais le fait reste encore bien tangible de nos jours et lnexemple d'Aflaq ne peut que confirmer. Un sujet à part, à discuter éventuellement dans un topic dėdié ! Je prėcise juste que "Islam" dans ce contexte prėcis n'est pas entendu au sens restreint de religion et dogmes, mais plus largement comme culture et comme somme d'influences héritées. Musulmans, Chrétiens ou Juif, tout le monde arabe baignait dans le même univers mental, partageait les même conceptes et parlait le même langage et la même langue, un peu à l'image de la Romanitas en son temps.

A suivre ...

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Message Publié : 24 Nov 2018 22:24 
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Ce ne sont pas les mêmes camps politiques, mais doit-on voir une opposition systématique et historique entre Islam politique et panarabisme? Par exemple, l'arrivée au pouvoir de Nasser 'est aussi faite grâce aux Frères Musulmans. Ce n'est pas un hasard. S'il n'y a pas identité parfaite, les deux idéologies ont en commun d'être nées dans l'opposition aux puissances européennes, en ont combattu l'influence idéologique, politique et territoriale, et se veulent transnationales, ne reconnaissant pas les frontières séculaires.

A l'origine, les deux mouvements sont parallèles et, il est vrai, ils se recoupent à certains nivaux. Tant que la situation était celle d'un monde arabe dominé et occupé, les deux mouvements ne se télescopaient pas vraiment car l'objectif était partagé, par définition. Mais, au fond, les deux optiques ne peuvent vraiment concorder. A la base, une vision islamiste n'est pas opposée à l'arabité en tant que telle (hawiyya) et vous avez donc raison à ce niveau, mais lorsque la chose commence à se former dans le moule nationaliste au sens moderne (qawmiyya) et donc occidental, ca pose problème dans la mesure où ca s'érige en nouveau référent de légitimité politique ce qui est, du point de vue du droit islamique ), contraire à l'idée d'unité et de souveraineté islamique (al-Oumma étant LA seule Nation proprement dite) le nationalisme est alors carrément vu comme une trahison envers l'Islam et comme une affiliation envers les mécréants (kuffār), un retour à la Jāhiliya. C'est à ce niveau que l'opposition se revèle conflict et c'est pourquoi les deux optiques ne peuvent vraiment coexister dans un même espace sans se rentrer dedans. Or, le modèle saoudien est dès l'origine une manifestation de cette optique "islamiste" dans sa forme la plus rigoriste et il ne peut donc être compté dans le mouvement arabiste et encore moins dans le nationalisme arabe ... pour des raisons objectives.

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Message Publié : 05 Déc 2018 20:21 
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Bonsoir Harrachi78,

Désolé de n'avoir pas répondu depuis plusieurs jours.

Harrachi78 a écrit :
les deux optiques ne peuvent vraiment coexister dans un même espace sans se rentrer dedans. Or, le modèle saoudien est dès l'origine une manifestation de cette optique "islamiste" dans sa forme la plus rigoriste et il ne peut donc être compté dans le mouvement arabiste et encore moins dans le nationalisme arabe ... pour des raisons objectives.


Vous avez raison. De même que vous lorsque vous parlez d'Islam au sens large, lorsque je parlais de panarabisme dans le premier post, il fallait l'entendre au sens large, étymologique, et non au sens étroit du seul parti Baath. C'est mon erreur car le mot panarabe est depuis associé à ce parti. Pour autant, je ne sache pas qu'il ait entièrement phagocyté le mot, et il faudrait qu'un historien du langage retrouve les premières itérations avant le Baath. L'idéologie, pour l'avez mentionné, était celle de la Nahda.

Au sens étymologique du préfixe pan- , panarabisme signifiait vouloir considérer le monde arabe comme englobant une totalité la plus grande possible (comme "pangermanisme" ou "panrusse"). On pourrait utiliser un autre terme, arabocentrisme (qui risque aussi plusieurs interprétations, une représentation du monde centrée sur les valeurs arabes, comme l'européocentrisme). Disons plus simplement un universalisme arabe. C'est à dire vouloir englober plusieurs groupes nationaux et ethniques dans leur totalité au sein d'un groupe plus large, celui de l'arabité.

Votre seul vrai désaccord semble être avec les Libanais qui se disent "Phéniciens" et non "Arabes". Il faudrait leur demander ce qu'ils entendent par là. Pour moi, qui ne suis ni Phénicien, ni Libanais, il suffit à cette discussion de savoir qu'ils ne se considèrent pas comme Arabes: c'est leur droit. Un droit que vous reconnaissez aux berbères d'Afrique du Nord. Pour être complet, il faudrait aussi demander aux Saoudiens s'ils considèrent les Marocains et Libanais comme des arabes à part entière. Cela apporterait peut-être une réponse intéressante à la question "y a-t-il un universalisme arabe saoudien?".

Harrachi78 a écrit :
Le seul souci est que le schémas dėcrit s'applique pratiquement à tous les groupes éthniques et nationaux existant sur terre et, du coup, il reviendrait à dire qu'il n'en existe aucun vraiment. (...) un certain nėgationnisme.


J'éviterais l'emploi de"négationisme", avec un seul "n", car en Histoire il est lourd de sens et renvoie à la négation de l'existence de crimes historiques (Rwanda, Arménie, IIIe Reich, Mandchourie, Srebrenica...). C'est un terme assez chargé pour éviter de l'utiliser pour autre chose, au risque de connoter et d'atteindre un point qui serait stérile à la discussion. Je crois qu'il ne s'applique ni de près ni de loin ici.

Il s'agit de définir un groupe, et le "schéma" s'applique bien à tous les groupes ethniques et nationaux: si on utilise un terme, il faut définir des critères. Au hasard, je prends des groupes commençant par H-A-R comme Harrachi :
H- Hashémites: descendants de la tribu des Quraychites. Nous sommes dans le registre tribal que j'évoquais en tout premier. Critère objectif. Les Arabes sont-ils une tribu, ou un ensemble de tribus? Si oui, c'est un critère objectif acceptable, mais fort restreint, et il faut alors préciser quelles tribus.
A - Américains: groupe national des citoyens des Etats-Unis. Détenteurs d'une nationalité, sans exception. Critère objectif. Les Arabes sont-ils un groupe national de citoyens? Si oui, définir de quel(s) pays.
R- Rohingya: groupe ethnique de langue indo-européenne et de religion musulmane vivant principalement dans le nord de l'État d'Arakan à l'ouest de la Birmanie. 3 critères objectifs combinés et clairement définis: la langue, la religion, le territoire. Ce sont aussi les 3 critères qu'on peut proposer pour "Arabes", mais il semble y avoir débat pour chacun des trois.

Citer :
je pourrais souscrire (...) dans le cas de Berbères au Maghreb ou des Kurdes en Orient


Vos amenez un nouvel exemple intéressant. Vous divisez l'Irak actuel entre un pays arabe et un pays kurde. De facto, c'est en effet le cas. Seul l'Irak du Sud peut être considéré comme Arabe, à l'exception de petites minorités.

Citer :
C'est un simple constat, observable actuellement et vérifiable sur le plan historique. Les choses ont quelque peu changé depuis 150 ans de par l'évolution qu'on a dėcrit, mais le fait reste encore bien tangible de nos jours (...). Musulmans, Chrétiens ou Juif, tout le monde arabe baignait dans le même univers mental, partageait les même conceptes et parlait le même langage et la même langue, un peu à l'image de la Romanitas en son temps.


Il est compliqué de répondre à ça car aucun des termes n'est spécifique. Si le "simple constat" est que "tout le monde arabe baignait dans le même univers mental", il reste à définir tous les termes: vous parlez du "Monde arabe", concept géographique, dont on a vu qu'il n'est pas "les arabes". "Univers mental" , quel est-il? Lois? Religion? Coutumes? Langue? Tous les quatre? Aucun? L'usage de l'imparfait : pourquoi vous arrêtez-vous à 150 ans en arrière? Comment définiriez-vous différemment les arabes au XXe siècle?

Tout ceci si nous posons que "Monde arabe" est un critère géographique qui va du Maroc au sud de Kirkouk en Irak, incluant la Péninsule arabique. La limite Nord de ce monde est la Méditerranée et Kirkouk en Irak, mais quid de la limite sud et des pays non méditerranéens tels le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Tchad largement francophone, le Soudan? Comme l'Irak, il faudrait partager certains territoires? Comment?

Mais nous parlions de la définition "des arabes", non du "Monde arabe", concepts différents. Le groupe "les arabes" englobe-t-il comme vous le suggérez "tous les Musulmans, Chrétiens ou Juifs" du "Monde Arabe"? J'ai montré que loin d'être un "simple constat", cette position est discutable et surtout contestée par les intéressés, puisque dans ce "Monde Arabe", en Egypte, en Algérie, il y a des Musulmans qui ne se considèrent pas comme Arabes.

"partageait les même conceptes" (sic). Cela non plus n'est pas un simple constat. Il faut le qualifier. Les Musulmans sunnites d'Alger diffèrent des Chiites irakiens dans leurs concepts, et il n'est pas incongru de dire qu'ils partagent aussi (davantage?) leur mode de vie et leur univers mental avec l'Europe méditerranéenne.

"Le même langage et la même langue, un peu à l'image de la Romanitas en son temps." Le parallèle est intéressant, et même crucial.

J'écarte Romanitas si par là vous entendez l'identité romaine sous l'Empire Romain, on ne peut pas dire des habitants de tout l'Empire qu'ils étaient des Romains. Rome ne les considérait pas comme tels, et cet Empire avait un centre rayonnant. Quel serait le centre rayonnant du Monde Arabe?

La romanitas n'était pas seulement définie par la langue, mais vous mettez judicieusement en exergue la langue. Si vous entendez le monde parlant latin, nous en revenons au concept d'arabophonie dont je disais d'emblée qu'il est plus précis. Il n'est pourtant pas parfait:
1. il divise les territoires, parmi les seuls berbérophones, ceux qui parlent Chleuh, Rifain, Tamazigh, Berbère standardisé, Kabyle, Chaoui, Tamasheq.
2. il ne rend pas compte de la diversité des langues dites arabes (ammeyya)
3. il n'inclut pas les non arabophones qui se désignent comme arabes

L'historien Michel de Certeau a mis en évidence comment la langue est un enjeu de pouvoir et de contrôle, notamment sous un gouvernement révolutionnaire (M. de Certeau, Une Politique de la langue : la Révolution française et les patois, Paris, Gallimard, 1975). L'arabisation a été une politique développée en Algérie au sortir de la colonisation, après la guerre d'indépendance. Avant, la langue arabe n'était pas enseignée dans les écoles primaires. Il le fut par volonté politique. Il ne devint langue officielle qu'en 1963, et ce fut une volonté politique de le généraliser, au détriment des langues berbères et du français. Pourtant, ni les unes ni l'autre ne se sont éteintes. L'Algérie a fini par reconnaîre le berbère comme langue officielle, qui est davantage parlé que l'Arabe Standard moderne, qui lui reste une langue littéraire, différente de l'arabe parlé. Le français est également parlé couramment, mais n'est pas une langue officielle. Le Maroc a suivi le même chemin.


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Message Publié : 06 Déc 2018 17:09 
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Bonsoir Harrachi78, Désolé de n'avoir pas répondu depuis plusieurs jours.

Il n'y pas de souci ... :P

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C'est mon erreur car le mot panarabe est depuis associé à ce parti. Pour autant, je ne sache pas qu'il ait entièrement phagocyté le mot, et il faudrait qu'un historien du langage retrouve les premières itérations avant le Baath. L'idéologie, pour l'avez mentionné, était celle de la Nahda.

En vérité, selon la perception actuelle que nous en avons là où je vis, le mot est devenu effectivement quasi synonyme de Bâathisme lorsqu'il est évoqué ou utilisé dans une perspective politique. Il y eut comme une diffirenciation progressive (plutôt imposée par la réalité du terrain que par une quelconque orientation consciente) entre l'arabité en tant qu'identité et l'idée nationaliste arabe. La Nahda par-contre a gardé plus sa dimension culturelle. C'est de ces glissements dans le sens que nous n'étions pas tout a fait alignés en usant de ces termes. C'est plus clair ainsi.

Citer :
Votre seul vrai désaccord semble être avec les Libanais qui se disent "Phéniciens" et non "Arabes". Il faudrait leur demander ce qu'ils entendent par là. Pour moi, qui ne suis ni Phénicien, ni Libanais, il suffit à cette discussion de savoir qu'ils ne se considèrent pas comme Arabes: c'est leur droit.

Comme déja expliqué, il ne s'agit pas tant de dénier à quiconque le droit de ne pas s'identifier à ce qu'il estime lui être étranger, mais de démontrer tout de même un minimum de liens avec l'éventuel choix de substitution. L'algérien que je suis pourrait donc non-arabe sans problème particulier, mais affirmer en complément que je suis Vandale ou Romain, c'est là ou commence le plus que discutable.

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Pour être complet, il faudrait aussi demander aux Saoudiens s'ils considèrent les Marocains et Libanais comme des arabes à part entière. Cela apporterait peut-être une réponse intéressante à la question "y a-t-il un universalisme arabe saoudien?".

Je ne sui pas d'accord. Les peuples Arabes modernes sont chacun héritier de la projection de groupes arabes au cours des siècles passés et je ne vois pas comment ni pourquoi il y aurait aval ou validation d'un saoudien ou autre dans ce domaine. Je suis un Arabe algérien et Maghrébin et cette arabité n'a pas besoin d'être "acceptée" par un autre arabe pour être.

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Message Publié : 06 Déc 2018 19:01 
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Je comprends. Et je souscris.


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Message Publié : 06 Déc 2018 23:15 
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Dalgonar a écrit :
Il est compliqué de répondre à ça car aucun des termes n'est spécifique. Si le "simple constat" est que "tout le monde arabe baignait dans le même univers mental", il reste à définir tous les termes: vous parlez du "Monde arabe", concept géographique, dont on a vu qu'il n'est pas "les arabes".

Toute tentative de définition stricte d'un groupe éthnique, ou même d'une nation, se heurte à cette difficulté. Ceci est clair, car les "limites" dans un tel domaine sont toujours floues dans un certain sens et c'est à ce niveau qu'intervient le critère de conscience et d'appartenance que nous avons évoqué plus haut. Toutefois, on ne nie pas l'existence de cette réalité éthnique au motif que ses contours sont difficiles à définir. C'est dans ce cadre là et dans ce sens primaire que j'ai évoqué le risque d'un "certain négationisme" si l'on poussait trop loin de ce côté. Qu'est-ce qu'un "hispanique" en Amėrique par exemple ? Quelqu'un qui dėscend directement d'un conquistador espagnol ? Pas forcément. C'est une question de langue, de culuture, d'héritage, d'origine ... etc. Tout cela en même temps. Lorsque nous parlons de "pays arabes" et de Monde arabe il va de soit qu'un aspect géographique entre en jeux, c'est l'espace occupé par des populations et par des peuples qui ont en partage cet héritage crée jadis par la dynamique d'expansion des Arabes à partir du 7e siècle et même avant et qui, par un processus d'évolution historique, s'inscrit de manière persistante et continue dans le présent. La géographie n'est pas néssairement une question de "frontières", ou du moins elle ne se limite pas a cela. D'autres groupes éthniques (des non-arabed donc) peuvent partager telle ou telle partie de cet espace global.

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"Univers mental" , quel est-il? Lois? Religion? Coutumes? Langue? Tous les quatre? Aucun? L'usage de l'imparfait : pourquoi vous arrêtez-vous à 150 ans en arrière? Comment définiriez-vous différemment les arabes au XXe siècle?

C'est à la fois tout cela et bien plus que cela. C'est un ensemble de normes, sociales, intellectuelle ... etc. de référents, qui encadrent globalement la mentalité, la façon de voir le monde, structurent les discours, les critères de légitimité politique, d'organisation sociale à tous les niveaux et à commencer par la famille. Le monde arabe (ou des Arabes si vous préférez) a toutes ces choses en partage des suites d'un processus historique connu et traçable. Dans une plus large mesure, tout cela est aussi partagé avec d'autres cercles qui constituent le Monde Musulman (Iranien, Turc) et c'est justement le critère linguistique et la conscience d'appartenance à l'élément arabe qui vient marquer la limite du cercle proprement arabe.

La limite des 150 ans marque un changement majeur dans ce monde. C'est l'irruption de conceptes nouveaux (Etat-nation ... etc.) qui sont né dans un univers étranger et qui, par la force des choses, ont modifié profondément le système de pensée qui prėsidait jusque-là dans ces contrées et parmi ces peuples, sans pour autant le transformer totalement et d'où la persistance de certaines spécificités comme la place de la religion ... etc.

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