Pédro a écrit :
refuser la stigmatisation d'une religion en France, au nom de principes hérité des Lumières, ferait donc mécaniquement de ces gens des islamogaucistes collaborateurs de l'Islam terroristes ?
Présenté comme cela, on serait tenté d’être d’accord avec vous. Mais il y a un problème avec cette affirmation.
Stigmatiser une religion, autrement dit selon le Larousse « blâmer avec dureté et publiquement » une religion, c’est possible et autorisé en France. Depuis que Voltaire a passé sa vie à stigmatiser la religion catholique, certains dont je suis considèrent même que c’est un progrès. Bien plus, les institutions qui nous garantissent la liberté d’expression en font un droit. On est bien sûr libre de refuser ce progrès et ce droit. Et même de le faire tout en se disant de gauche et en se réclamant des Lumières. Mais ce serait assez extraordinaire.
Cette affirmation fait en réalité l’amalgame entre critique (même dure et publique) d’une religion , qui est parfaitement légitime, et discrimination/insulte/racisme envers des personnes, qui est condamnable.
Or, ce même amalgame est également promu par les islamistes. C’est exactement l’objectif de l’invention du mot « islamophobie » : faire passer toute critique de l’islam pour une discrimination contre les musulmans ; pour interdire (aujourd’hui via les réseaux sociaux et les menaces de mort, demain par la loi) toute critique de l’islam.
Par conséquent, l’usage de ce terme participe à aider les militants islamistes à atteindre cet objectif. Son usage, tout comme la confusion entre la critique d’une religion et la discrimination contre ses pratiquants, sont donc des marques d’une parenté de pensée avec les militants islamistes. Parenté qui personnellement me choque, mais que bien sûr on peut tolérer, tant que l’on en reste à la pensée ou à la parole.
Par exemple, lorsqu’un syndicat demande des sanctions contre des professeurs (comme à Grenoble) pour propos islamophobes, il fait preuve d’une parenté de pensée avec les militants islamistes ; et il ne s’en tient pas à la pensée ou à la parole, il demande des sanctions. (S’il y a eu discrimination ou insulte, c’est autre chose, mais un certain flou semble régner sur ce qui est effectivement reproché à ces professeurs. Il semble que pour l’un d’eux, ce soit simplement la critique de la notion d’islamophobie). Et ce syndicat se réclame de la gauche.
Lorsque le patron de Mediapart a affirmé en 2017 que Charlie Hebdo déclarait la guerre aux musulmans, alors que Charlie Hebdo publie des caricatures qui critiquent (violemment) l’islam, il fait preuve d’une parenté de pensée avec les militants islamistes. Et ce patron, comme ses soutiens, se réclament de la gauche.
Je ne donne que deux exemples, mais on pourrait en trouver d’assez nombreux autres : depuis un sociologue (de gauche) inventeur bien connu du « catholicisme zombi » qui, quelques semaines après les meurtres de Charlie Hebdo, s’inquiétait moins de l’attentat que de l’origine des manifestants dont il devinait l’intention cachée de discriminer les musulmans ; jusqu’aux « manifestations contre l’islamophobie » auxquelles ont appelé des personnalités, partis et syndicats de gauche.
Pendant des décennies, la gauche a applaudi à peu près unanimement à la critique de la religion, « opium du peuple » mis à mal notamment dans Charlie Hebdo, tant qu’il s’agissait de catholicisme. Et aujourd’hui, sans cesser de considérer les « cathos » comme rétrogrades voire zombis, certains militants de gauche prennent fait et cause pour la défense de l’islam : il y a là une étrangeté.
Je suppose que c’est cette étrangeté et les corrélations que j’ai citées plus haut qui ont amené à créer le terme d’ « islamogauchisme ».
Comme je l’ai dit, tant que l’on s’en tient à la pensée, à la parole, ou à la manif, cela fait partie du débat. Le problème (je pense que c’est cela que Narduccio voulait mettre en avant), c’est que l’on sait bien que ces paroles ont des conséquences qui peuvent être sanglantes, via les réseaux sociaux. Lorsqu’on accuse quelqu’un d’islamophobie (comme l’ont été Mila ou Samuel Paty), on n’est plus dans le débat théorique : qu'on le veuille ou non, on profère une menace.