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Message Publié : 23 Mai 2022 3:56 
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Je lis la description passionnante que Karolus fait de ces Haufen, ("bandes", faute de mieux) je me demande quel était leur objectif politique ?

Peut-on dire - de façon anachronique - qu'il ne leur manquait qu'un roi à renverser pour accoucher d'une révolution ?

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Message Publié : 23 Mai 2022 9:15 
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Pierma a écrit :
je me demande quel était leur objectif politique ?

A la lecture des Douze Articles (et d'autres manifestes "programmatiques") on voit que leur objectif politique était de [r]établir, dans le cadre général existant, une société plus juste pour l'homme commun et les communautés rurales.
Il ne s'agissait pas de détruire l'ordre social existant ; l'objectif était "révolutionnaire" au sens littéral du mot : faire revenir la communauté humaine aux principes qui étaient prévus à l'origine (dans l'évangile) ; l'objectif est d'obtenir la suppression des choses qui ne devraient pas être et l'instauration -ou le rétablissement- de celles qui devraient être :
- restitution des droits d'usage qui ont été confisqués par les seigneurs laïcs ou ecclésiastiques (droits de chasse, pêche, forestage...)
- justice et équité sociale : réaffectation de la dîme légale (légale = comme prévu par l'évangile c'est-à-dire pour l'entretien du prêtre (élu) et pour le culte, le surplus devant aller à la solidarité sociale au sein de la communauté), suppression des "petites dîmes" et des corvées "nouvelles" (n'ont pas été consenties mais ont été imposées abusivement) ; interdiction aux seigneurs d'imposer de nouvelles charges (seules les charges nécessaires et justement rémunérées dans un cadre contractuel sont légales) ; restitution des biens communaux "confisqués" par les seigneurs laïcs ou d'église ; suppression de la mainmorte...
- liberté : suppression du servage, Dieu ayant créé tous les hommes libres. Le "contrat social" enseigné par évangile repose sur l'obéissance (consentie) envers l'autorité élue ou instituée par Dieu ; pas d'aliénation
- "participation" et concertation (élection des prêtres, discussion pour asseoir sur une base contractuelle les charges et autres services nouveaux demandés par les seigneurs...)
- fin de l'arbitraire et du "fait du seigneur" dans le fonctionnement de l'institution judiciaire...

...etc

Pierma a écrit :
Peut-on dire - de façon anachronique - qu'il ne leur manquait qu'un roi à renverser pour accoucher d'une révolution ?

Je dirais que ce n'était pas le but. Maints articles et lettres proclament que les insurgés ne mettent pas en cause le principe d'obéissance du "Gemeiner Mann" (l'homme commun) à la "Obrigkeit" (l'autorité) lorsque celle-ci est instituée par Dieu ; mais encore faut-il que l'autorité se comporte de manière évangélique.

Que manquait-il pour accoucher d'une révolution ?
Je dirais qu'il manquait peut-être que le duc de Lorraine fût aussi faible que l'était le régent impérial (aux abois, c'est lui qui a appelé au secours le duc lorrain) ; et il manquait peut-être que les "partis" pro-insurrectionnels des villes prennent les commandes intra muros et s'engagent clairement et militairement avec leurs partenaires (économiques) ruraux. Dans ces conditions, l'insurrection n'aurait peut-être pas été matée dans le sang (du moins pas tout de suite) et aurait -peut-être- débouché sur une révolution.
Mais pour quelle sorte d'ordre nouveau ? Généralisation de ce qu'il y avait de pratiques "républicaines" chez les insurgés animés par l'esprit de communauté chrétien, et in fine établissement de la "société évangélique idéale" ? Ou au contraire un délire cauchemardesque comme celui que Marguerite Yourcenar place à Munster (roman "L'oeuvre au noir") ; ou bien l'insurrection "révolutionnaire" aurait elle finalement abouti à une réforme plus ou moins consentie, les autorités n'ayant pas d'autre choix que de répondre aux appels à négocier (que les insurgés n'oint cessé d'émettre) ?
Il faut noter que d'après la documentation, les insurgés alsaciens n'ont guère tué (en dehors des batailles). On a beaucoup détruit (dans les monastères et maisons religieuses, principalement), on a pillé, bu le vin et mangé le contenu des celliers ; emporté le reste ; détruit des récoltes sur pied ; molesté et chassé un moine ici ou là, arraché un voile à une nonne, mais c'est tout, pour autant qu'on sache. En somme, un peu comme à l'été 1789.


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Message Publié : 23 Mai 2022 9:20 
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Pierma a écrit :
Peut-on dire - de façon anachronique - qu'il ne leur manquait qu'un roi à renverser pour accoucher d'une révolution ?


Il faut lire leur programme, le Manifeste des Douze Articles :
Wikipedia a écrit :
1. Chaque commune devrait avoir le droit d’élire son pasteur et de le renvoyer s'il se comporte mal. Le pasteur devrait prêcher l'Évangile à haute voix et clairement, sans autre interprétation humaine, puisque les Écritures Saintes disent que nous ne pouvons venir à Dieu que par la vraie foi.

2. Les pasteurs devraient être payés sur la grande dîme. Tout excédent devrait être utilisé pour les pauvres du village et le paiement de l'impôt de guerre. La petite dîme doit être rejetée parce qu'elle a été forgée par les hommes, car le Seigneur Dieu a créé le bétail pour l'homme gratuitement.

3. Jusqu'à présent, l’usage a été que certains d’entre nous ont été mis en servitude, ce qui est contre toute miséricorde, vu que le Christ nous a tous rachetés en versant son sang précieux, le berger aussi bien que le plus haut placé, sans aucune exception. C'est pourquoi les Saintes Écritures énoncent que nous sommes tous libres, comme nous voulons l'être.

4. N’est-il pas contraire à la fraternité entre les hommes, n’est-il pas contraire à la Parole de Dieu que le pauvre homme n'ait pas le droit d'attraper du gibier, de la volaille et du poisson ? Car lorsque le Seigneur Dieu créa l'homme, il lui donna le pouvoir sur tous les animaux sur la terre, l'oiseau dans les airs et les poissons dans l'eau.

5. Les seigneurs se sont approprié les ressources des forêts. Si le pauvre homme a besoin de bois, il doit l'acheter le double de son prix. Par conséquent, tout le bois qui n'a pas été acheté devrait être restitué à la communauté, afin que chacun puisse subvenir à ses besoins en bois de construction et de chauffage.

6. Il faudrait revenir à une organisation plus juste des corvées, car elles augmentent de jour en jour ; il faudrait revenir à la manière dont nos parents ont servi, uniquement selon ce que recommande la parole de Dieu.

7. Les seigneurs ne devraient pas augmenter à leur guise les corvées des paysans au-delà du niveau fixé lors de la négociation initiale.

8. De nombreux métayers n’arrivent pas à payer les loyers des terres. Des personnes honorables et compétentes devraient s’occuper de ces problèmes et rétablir l'équité entre propriétaire et locataire, afin que le fermier ne fasse pas son travail en vain, parce que chaque journalier est digne de son salaire.

9. Concernant les peines prononcées par les tribunaux, de nouveaux règlements sont sans cesse adoptés dans l’application de la loi. On ne punit pas selon la nature de la chose, mais de manière arbitraire. Notre opinion est qu’on nous punisse à nouveau d’après le vieux châtiment écrit, adapté à la question traitée, et non de manière arbitraire.

10. Plusieurs se sont approprié des prairies et des champs appartenant à une communauté. Nous voulons les ramener entre nos mains communes.

11. L’impôt de mainmorte devrait être définitivement banni, plus jamais les veuves et les orphelins ne devraient être honteusement volés, ce qui est contraire à Dieu et à l'honneur.

12. Notre décision et opinion finale est la suivante : si un ou plusieurs des articles ci-dessus n'étaient pas conformes à la parole de Dieu, nous voulons le(s) retirer, si cela nous est expliqué sur la base des Écritures Saintes. Et si jamais nous devions autoriser un certain nombre d'articles maintenant, et qu'on constaterait par la suite qu'ils étaient erronés, alors ils devraient être rayés et caducs. Nous voulons ainsi nous prémunir par rapport à d’autres revendications, dans le cas où par les Écritures Saintes, elles se révèleraient opposées à Dieu, et si elles constituaient un fardeau pour le prochain.


C'est une vrai dictature évangélique, qu'ils voulaient mettre en place. Un communautarisme où la parole de Dieu, telle qu'elle est écrite dans les Écritures Saintes prévaut tout.

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Message Publié : 23 Mai 2022 11:17 
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Jean Froissart
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Karolvs a écrit :
Que manquait-il pour accoucher d'une révolution ? Je dirais qu'il manquait peut-être que le duc de Lorraine fût aussi faible que l'était le régent impérial...

Il est vrai qu'après l'édit du 26 décembre 1523, le ton d'Antoine Ier est donné. La chance de ne pas avoir d'université ni de ville trop grande -où des idées seraient non seulement brassées mais discutées- sera un atout. Après Saverne, la mesure est pleine et le duc secondé par son frère Claude de Guise (avec 7 000 hommes en renfort) met un peu d'ordre. L'évêché de Metz étant tenu par Jean de Lorraine, le terreau n'était décidément pas propice à une quelconque remise en question des droits quels qu'ils fussent.
C'est donc plus de 15 000 hommes commandés par Antoine de Lorraine et Claude de Guise qui s'opposent. Lipstein est incendié (5 à 6 000 paysans y trouvent la mort), le lendemain les "rustauds" tenant Saverne songent à capituler. Le duc et son frère donnent l'assaut, massacre des "rustauds" restés sur place. L'armée lorraine se dirige vers le Sud où se sont dirigés ceux qui avaient quitté Saverne. Ils sont rejoints à Scherwiller " … il n'en resta pas mille pour porter nouvelles en leur pays..." (Brantôme).
Félicitations du pape Clément VII. Législation contre les hérétiques renforcée (édit de 1539).
Quelques années plus tard, Charles Quint via Ferdinand règlera la question du statut de la Lorraine (traité de Nuremberg du 26 août 1542) : la Lorraine devient un état libre et non incorporable. Cette question avait été soulevée dès l'implication du duc lors de la "Bauernkrieg".
Ce qui ne fera pas l'affaire de la France, bientôt attachée à soutenir les princes protestants.
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"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
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Message Publié : 23 Mai 2022 12:06 
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Narduccio a écrit :
C'est une vrai dictature évangélique, qu'ils voulaient mettre en place. Un communautarisme où la parole de Dieu, telle qu'elle est écrite dans les Écritures Saintes prévaut tout.
En effet, on ne peut exclure a priori que la Guerre des Paysans alsaciens pouvait dérailler en dictature théocratique ; qu'il se serait trouvé un Savonarole ou un Jean de Leyde alsacien.

Les Douze Articles sont-ils l'expression d'une intention d'instaurer une dictature évangélique communautariste ?

Dictature ? Communautarisme ? Kézako donc que ces bêtes-là ? Ces mots, ces concepts même, n'existent pas pour le paysan alsacien de 1525.

Si j'étais le paysan alsacien de 1525, qui va à la messe chaque dimanche (c'est obligatoire), je reconnaîtrais en toute bonne foi dans ces 12 articles exactement ce qui est écrit dans les écritures saintes car, si le prêtre de l'église "officielle" nous traduit l'Ecriture seulement accommodée à la sauce de l'oppresseur, je connais la vraie Ecriture parce que des prêcheurs "non officiels" en font la lecture publique, dans une langue que je comprends.

De retour en l'an 2022, voici deux ou trois questions que je me pose :

- vous dites "un communautarisme où la parole de Dieu, telle qu'elle est écrite dans les Écritures Saintes prévaut tout". Je me demande quelle autre référence que leurs écritures saintes, qu'ils tenaient pour la Vérité, qui "faisaient foi" dans leur univers mental, ces gens des campagnes de 1525 pouvaient-ils avoir ? La République de Platon ? Le code de Justinien ? Un code de la laïcité ? Un code de la sécurité sociale et des mutuelles ?
Non, la seule référence, l'unique que l'on connaissait, c'était "la parole de Dieu" ; .
Il était normal pour ces gens que la parole de Dieu, telle qu'elle est écrite dans les Écritures Saintes prévale tout, puisque c'était la seule loi universelle, existant depuis 1000 ans, reconnue par tous ; c'était un principe que personne -absolument personne- ne discutait (sauf peut-être un ou deux sulfureux qui sont allés direct au bûcher).

- Est-ce que la dictature évangélique sous-jacente aux 12 articles de 1525 aurait été pire, ou meilleure, ou égale au système non moins "évangéliquement dictatorial" des trois ordres que 1% des chrétiens imposent à leurs 99 "frères" en Christ depuis déjà 1000 ans (fondé sur la même Parole du même Dieu ?)

- Est-ce qu'on ne peut pas considérer que les Douze articles n'expriment aucune intention dictatoriale, mais seulement une intention libératrice et d'équité, à obtenir par concession (si l'autorité voulait entendre les articles) ou à défaut, par les armes (la reconquête des droits perdus étant légitime puisque ces droits sont donnés par Dieu) ?

Une chose encore au sujet de la phrase "Un communautarisme où les Écritures Saintes prévalent tout" : un tel communautarisme, porté par des centaines de milliers de personnes sous les armes, ou en soutien logistique, ou sympathisants passifs ; des ruraux et des citadins ; de toutes conditions sociales...(on n'avait jamais vu un tel soulèvement), bref, un communautarisme auquel adhère presque tout le monde, est-il encore un communautarisme ?


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Message Publié : 23 Mai 2022 12:23 
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Jean Froissart
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Narduccio a écrit :
Il faut lire leur programme, le Manifeste des Douze Articles :

Ce programme n'a pas été forgé ex nihilo. Déjà des soulèvements populaires/paysans formant foyers et se donnant un programme étaient présents au sein de l'Empire et surtout des états patrimoniaux habsbourgeois tels le Tyrol et le Voralberg.
Il suffit de se reporter aux "64 articles de Méran" : partage des charges publiques, mesures contre l'auto-usure, auto-gouvernement, réformes évangéliques... Ceci servira de matrice au "manifeste".
La convocation d'un "Landtag" des ordres inférieurs servit de pare-feu mais tout autant d'encouragement : pour la première fois des mineurs étaient représentés. Ce "Langtag" partiel et de paysans (Bauernlandtag) était exceptionnel, obéissant à une situation exceptionnelle.
Ces 64 articles de Méran seront l'assise des 96 articles d'Innsbruck : égalité devant la loi, élections de juges qui deviendraient salariés (afin de ne plus vivre d'amendes), abolition des corporations, de certains privilèges de la noblesse, amélioration des droits de propriété des paysans, baisses des impôts et des charges.
Dans ces révoltes, le Tyrol sera un pivot non négligeable : la conscience paysanne semble plus développée qu'ailleurs : la représentation au Landtag, la liberté d'action sur la terre et dans la gestion des communautés avaient modelé une culture qui avait imprégné une paysannerie libre.
Là essentiellement seront les foyers de pensées qui essaimeront en "Alsace" sous une forme moins radicale grâce -en partie- à la réaction quasi immédiate et sans concession d'Antoine Ier.
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Message Publié : 23 Mai 2022 12:54 
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Localisation : Alsace, Colmar
Karolvs a écrit :
De retour en l'an 2022, voici deux ou trois questions que je me pose :

- vous dites "un communautarisme où la parole de Dieu, telle qu'elle est écrite dans les Écritures Saintes prévaut tout". Je me demande quelle autre référence que leurs écritures saintes, qu'ils tenaient pour la Vérité, qui "faisaient foi" dans leur univers mental, ces gens des campagnes de 1525 pouvaient-ils avoir ? La République de Platon ? Le code de Justinien ? Un code de la laïcité ? Un code de la sécurité sociale et des mutuelles ?
Non, la seule référence, l'unique que l'on connaissait, c'était "la parole de Dieu" ; .
Il était normal pour ces gens que la parole de Dieu, telle qu'elle est écrite dans les Écritures Saintes prévale tout, puisque c'était la seule loi universelle, existant depuis 1000 ans, reconnue par tous ; c'était un principe que personne -absolument personne- ne discutait (sauf peut-être un ou deux sulfureux qui sont allés direct au bûcher).

- Est-ce que la dictature évangélique sous-jacente aux 12 articles de 1525 aurait été pire, ou meilleure, ou égale au système non moins "évangéliquement dictatorial" des trois ordres que 1% des chrétiens imposent à leurs 99 "frères" en Christ depuis déjà 1000 ans (fondé sur la même Parole du même Dieu ?)

- Est-ce qu'on ne peut pas considérer que les Douze articles n'expriment aucune intention dictatoriale, mais seulement une intention libératrice et d'équité, à obtenir par concession (si l'autorité voulait entendre les articles) ou à défaut, par les armes (la reconquête des droits perdus étant légitime puisque ces droits sont donnés par Dieu) ?

Une chose encore au sujet de la phrase "Un communautarisme où les Écritures Saintes prévalent tout" : un tel communautarisme, porté par des centaines de milliers de personnes sous les armes, ou en soutien logistique, ou sympathisants passifs ; des ruraux et des citadins ; de toutes conditions sociales...(on n'avait jamais vu un tel soulèvement), bref, un communautarisme auquel adhère presque tout le monde, est-il encore un communautarisme ?


Globalement, je me pose les mêmes questions. Et effectivement, on ne peut pas savoir comment cela aurait évolué.

En fait, on sait deux choses. Il y a des communautés villageoises qui vont plus ou moins mettre en œuvre ces principes. La plupart vont trouver refuge au Nouveau Monde". Ce sont les mouvements amishs, et quelques autres "sectes" protestantes. Il y a aussi des intellectuels qui proposaient un retour "à la vraie foi". Eux, vont se partager en 2 groupes. D'un coté, ceux qui vont se fondre dans le protestantisme et ses courants. De l'autre, ceux qui privilégient la question sociale. J'ai lu des articles où des historiens relient ce dernier groupe au mouvements allant vers le communisme. Mais, il faudra plusieurs siècles de "maturation".

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Message Publié : 23 Mai 2022 13:02 
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Rebecca West a écrit :
[...] après l'édit du 26 décembre 1523, le ton d'Antoine Ier est donné. [...] Après Saverne, la mesure est pleine [...]
Il y en a même, à Nancy fin avril 1525, qui trouvent que la mesure a déjà débordé.
Il y a bien-sûr la "clique" des prélats, frères, neveux ou cousins du duc Antoine (le Cardinal de Lorraine, l'évêque de Metz...etc).qui ont beaucoup à perdre si les insurgés jettent à terre le système des "petites-dîmes" et autres "menus avantages" qui font leur (très grande) fortune.

Et si ça ne suffit pas, le "lobbying" de l'éminence grise fait le reste : le commissaire apostolique chargé d'endiguer la progression de l'hérésie luthérienne, Théodore de Saint-Chamond, est installé à demeure à la cour de Nancy en tant que chef de l'administration et principal conseiller du duc (Premier Ministre, dirait-on aujourd'hui), avec trois domaines "réservés" : les relations extérieures, les affaires de l'Eglise, et la gestion domaniale (notamment celle des mines d'argent :wink: ).
De plus, le brave Théodore est abbé général du riche ordre des Antonins ; il a la haute main sur la constellation de commanderies antonistes implantées d'un bout à l'autre de l'Europe chrétienne, avec quelques magnifiques "succursales" en Alsace (dont celle d'Issenheim, que les paysans ont pillée et dont ils ont chassé les moines). C'est dire que Monsieur l'abbé général et l'institution qu'il dirige, ont énormément à perdre.
Vu l'enjeu ?

L'autorité légale en Alsace (régence impériale à Ensisheim) étant débordée, sans moyens, incapable d'endiguer la vague, il lui est facile de persuader le duc d'aligner la force de frappe nécessaire.

Rebecca West a écrit :
Quelques années plus tard, Charles Quint via Ferdinand règlera la question du statut de la Lorraine (traité de Nuremberg du 26 août 1542) : la Lorraine devient un état libre et non incorporable. Cette question avait été soulevée dès l'implication du duc lors de la "Bauernkrieg".
Ce qui ne fera pas l'affaire de la France, bientôt attachée à soutenir les princes protestants.

...le catholique roi de France allié aux princes protestants (ligue de Smalkalde) contre le catholique Charles Quint, ce qui conduira Henri II à enfourcher son canasson en 1551 et à chevaucher direction Toul, Metz, Verdun, ... :wink:

A propos de l'expédition anti-Rustauds d'Antoine en 1525, j'ai lu quelque part (Bischoff ?) qu'elle était peut être provoquée, au départ, par une erreur d'appréciation de la réalité de l'événement : l'insurrection des paysans d'Alsace aurait été comprise comme un acte préparatoire d'une invasion commanditée par l'Empereur pour exploiter son succès obtenu à Pavie ; et qu'il aurait fallu les signaux d'alarme de la régence impériale de Basse-Alsace pour montrer à Antoine quelle était la vraie menace.


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 Sujet du message : Re: Re:
Message Publié : 23 Mai 2022 14:11 
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Jean Froissart
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Inscription : 13 Juin 2017 15:04
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Karolvs a écrit :
L'autorité légale en Alsace (régence impériale à Ensisheim) étant débordée, sans moyens, incapable d'endiguer la vague, il lui est facile de persuader le duc d'aligner la force de frappe nécessaire.

Vous avez raison d'autant que l'on sort d'échauffourées initiées par la bourgeoisie urbaine dans le Saint Empire. Des soulèvements contre les droits seigneuriaux ont été présents et réprimés par le pouvoir central, certaines villes perdant d'ailleurs leur statut d'immédiateté lors des répressions. A ceci s'ajoute une demande de soldats contre la pression d'une puissance extérieure (les Ottomans).
Citer :
A propos de l'expédition anti-Rustauds d'Antoine en 1525, j'ai lu quelque part (Bischoff ?) qu'elle était peut être provoquée, au départ, par une erreur d'appréciation de la réalité de l'événement : l'insurrection des paysans d'Alsace aurait été comprise comme un acte préparatoire d'une invasion commanditée par l'Empereur pour exploiter son succès obtenu à Pavie

J'ignorais ceci. Lors de la répression d'Antoine Ier, celui-ci revenait d'Italie où il avait combattu -à Pavie ce me semble- en tous les cas aux côtés de François Ier dans la continuité de la politique lorraine : on ménage le royaume et l'Empire. Ensuite, bien sûr, se créent des amitiés plus personnelles.
Pour l'Empire, à ce moment la menace est bel et bien la "Bauernkrieg".
Certains "réformés", ayant côtoyé Luther vont se radicaliser. Il y a porosité entre ces personnes et une frange paysanne.

Le duc de Lorraine est presqu'une exception dans le Saint Empire (au point que Charles Quint souhaitera l'optimiser comme "bouclier de la chrétienté").
Là où cette révolte avait commencé (Souabe) et là où des esprits plus radicaux/audacieux ont pris le relais des paysans, il a fallu lâcher du lest.
En 1526, Gaismair fait paraître un brulôt où le sujet est une utopique république paysanne : noblesse abolie, égalité, châteaux et murailles abaissés, gouvernement élu par le peuple comprenant trois théologiens (la parole de Dieu doit être le fondement de la loi), création d'universités, mines et commerces nationalisés, terres à ceux qui la travaillent, couvents transformés en hospices...
L'homme réussit à réunir une armée de 700 paysans pour porter secours aux révoltés de l'archevêché de Salzbourg en 1526. Pisté, il trouvera refuge à Venise.
Le lest lâché au sein du Tyrol -ce que ne connaitront pas les paysans alsaciens et lorrains- fut assez conséquent : programme en 52 points concernant la place du prince, abrogation des corporations, reconnaissance du droit de pêche des paysans, abaissement des obligations paysannes, redevances et corvées, amélioration des loirs successorales, limitation de la souveraineté temporelle de certains ecclésiastiques, institution d'un salaire fixe pour les juges.

A défaut d'une "révolution" ce fut une impulsion dans la modernisation de l'état (impulsion imposée par le "bas").
La majorité paysanne satisfaite, le conflit ouvert ou larvé n'avait plus lieu de continuer avec d'éventuelles reprises ici ou là.
Certains princes de l'Empire convaincus adoptèrent ces mesures : l'appel sur d'autres fronts pour d'autres batailles obligeait à une profonde révision pour une accalmie durable.

Faire un rapprochement avec certaines idéologies du XXe : je ne les connais pas assez profondément mais il me semble qu'elles s'appuient sur un temps "long", une "maturation" comme vous l'exprimez, alors qu'ici ces révoltes s'inscrivent dans des hauts et bas épidermiques (fixés par les nouveautés de la Réforme) mais déjà présents dès le XVe.
Maintenant, les thèses de Luther peuvent aussi être vues comme un éclat après une maturation.

:wink: Concernant les fameux évêchés, il est vrai qu'ils poseront problème et des deux côtés : il faudra attendre le coup de force de Louis XIV et un duc de Lorraine "sans duché" après l'épisode d'une Lorraine sans duc. :wink:
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Message Publié : 23 Mai 2022 20:03 
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Narduccio a écrit :

C'est une vrai dictature évangélique, qu'ils voulaient mettre en place. Un communautarisme où la parole de Dieu, telle qu'elle est écrite dans les Écritures Saintes prévaut tout.

Je ne le lis pas comme cela.

Je pense plutôt qu'ils essaient d'appuyer leurs revendications sur une base indiscutable. C'est une demande de justice et ils l'appuient sur ce qu'ils ont. Le servage n'est pas conforme à l'égalité devant Dieu proclamée par les évangiles, c'est donc une revendication raisonnable.

Dans le contexte religieux de l'époque, les nobles peuvent ne pas apprécier, mais sans base pour réfuter. (Mais les écraser par la force, oui, forcément... Ils ne vont pas lâcher leurs privilèges et leurs abus sans combattre.) :rool:

(Au passage, il ne s'agit pas stricto sensu de la "parole de Dieu", mais du message proclamé par Jésus. Je ne vois aucune référence à l'Ancien Testament.)

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Message Publié : 23 Mai 2022 22:28 
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Pierma a écrit :
Dans le contexte religieux de l'époque, les nobles peuvent ne pas apprécier, mais sans base pour réfuter. [...]
Martin Luther (et les théologiens catholiques romains aussi, à n'en pas douter) donnera aux nobles des motifs théologiques pour réfuter la légitimité évangélique que les paysans donnent à leur action. Dans "Contre les hordes pillardes et criminelles des paysans", il reproche aux paysans insurgés de commettre "trois horribles péchés contre Dieu et les hommes", qui les rendent dignes de "la mort du corps et de l'âme" :
- avoir rompu leur serment d'obéissance et de soumission à l'autorité temporelle, ce qui est une double transgression des évangiles ("rendez à César ce qui est à César" et "que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir, car il n'y a d'autorité que par Dieu")
- avoir déclenché une insurrection qui, non seulement, accumule les ruines, mais qui fait encore des veuves et des orphelins
- le plus grand de leurs crimes est précisément, selon Luther, de vouloir justifier leur entreprise en faisant appel à l'Évangile, ce qui est blasphématoire. Il voit dans l'insurrection une des manigances du diable qui se déchaîne à la veille du jugement dernier (Luther croit à l'imminence de la parousie).

Il serait intéressant de voir de plus près ce qu'en pensaient les fameux humanistes (Erasme, qui n'était pas loin, à Bâle ; Beatus de Sélestat...)


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Message Publié : 24 Mai 2022 10:19 
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Jean Froissart
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Karolvs a écrit :
Il serait intéressant de voir de plus près ce qu'en pensaient les fameux humanistes (Erasme, qui n'était pas loin, à Bâle...)

Les deux hommes ont déjà disputé à travers deux essais. Erasme avec son traité sur le libre arbitre (1524) et Luther (en réponse semble-t-il avec celui sur le serf arbitre en 1525).
J'ai trouvé ceci qui s'éloigne un peu de l'intitulé de votre sujet mais peut être intéressant :
https://www.cairn.info/revue-histoire-et-societes-rurales-2016-2-page-69.htm
et cela qui "place" un peu Erasme face aux convulsions de son temps :
https://www.persee.fr/doc/bude_1247-6862_1974_num_33_4_3516
Persée renvoie à des lectures qui devraient peut-être séduire dont "Guerre et paix dans la pensée d'Erasme".
"Erasme a-t-il par son influence sur les esprits contribué à empêcher certaines guerres ?".
Il semble que les plus détestables soient celles initiées par les "grands". Faut-il considérer que la Bauernkrieg fut initiée par les "grands" et leur manque de charité ? De compréhension ? Les excès offerts par leur situation et l'indifférence aux malheurs (mécontentements) est-il source de conflits condamnables ? Jusqu'où va le libre arbitre lorsque l'homme se sent ignoré de son voisin mais maître ?
Ce serait un autre et vaste sujet.
*

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"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
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Message Publié : 24 Mai 2022 18:04 
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Karolvs a écrit :
- avoir rompu leur serment d'obéissance et de soumission à l'autorité temporelle, ce qui est une double transgression des évangiles "rendez à César ce qui est à César" et "que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir, car il n'y a d'autorité que par Dieu")
- avoir déclenché une insurrection qui, non seulement, accumule les ruines, mais qui fait encore des veuves et des orphelins
- le plus grand de leurs crimes est précisément, selon Luther, de vouloir justifier leur entreprise en faisant appel à l'Évangile, ce qui est blasphématoire. Il voit dans l'insurrection une des manigances du diable qui se déchaîne à la veille du jugement dernier (Luther croit à l'imminence de la parousie).

Quelle misère de voir Luther, pionnier de la liberté religieuse et de l'interprétation des évangiles par les croyants eux-mêmes, invoquer les Evangiles de façon aussi misérable, et du côté du bâton.

Perso j'ai toujours pensé que Jésus, au delà d'un message universel destiné à durer (et il dure !) avait cherché à prévenir une révolte juive contre l'autorité romaine, qui se produira effectivement et sera noyée dans un bain de sang prévisible.

Je sors un peu de l'épure, et me demande si "rendez à César ce qui est à César" a bien cette connotation de soumission à l'autorité ? J'y entends plutôt l'injonction de ne pas tout mélanger, et en particulier de ne pas se lancer dans des "guerres de religion". (même si le mot a été forgé bien plus tard, l'idée pouvait courir parmi les Juifs - monothéistes - de l'époque.)

Désolé pour le détour, mais s'il y a un bon exégète parmi nos participants, ça m'intéresse. (Par MP si ça encombrerait trop le sujet.)

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Message Publié : 24 Mai 2022 20:25 
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Inscription : 13 Juin 2017 15:04
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Une piste de réflexion ;) :
[… la plupart … ne sont ni instruits ni familier avec ce qui concerne l'Evangile.

Nous sommes comme cet homme qui va chez son voisin, une hache à la main, pour solliciter quelque chose. … C'est ainsi que nous nous approchons de l'Ecriture … La pensée de Pierre est : chacun est prêtre … Dès lors, appelle la grâce de Dieu sur toi avec ferveur …
Vous devez être théodidactes, cad enseignés de Dieu et non des hommes … car qui sommes-nous, dit Paul (1 Corinthiens 4:1) sinon les administrateurs et les dispensateurs des choses cachées de Dieu ?
...]
H. Zwingli - "De la parole de Dieu" (1522)

*

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Message Publié : 10 Oct 2022 10:55 
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Jean Froissart
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Inscription : 13 Juin 2017 15:04
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Moment d'ennui ? La Bible est ton ami... :-)
Nulle révélation cependant : d'autres savent mieux y prétendre.
Pierma a écrit :
(Au passage, il ne s'agit pas stricto sensu de la "parole de Dieu", mais du message proclamé par Jésus. Je ne vois aucune référence à l'Ancien Testament.)

Les deux ne sont-ils pas consubstantiels ? :P
Si non, alors il faut relire la Bible de manière totalement différente.
Dans l'attente d'un messie certes mais non dans le constat que ce messie est Jésus. La parole de Jésus s'inscrit alors dans celles des autres prophètes : une attente (encore et toujours) et l'obéissance à la loi donnée à Moïse (seul prophète qui a -il me semble- vu/constaté (?) le dieu d'Israël autrement que par inspiration).
Citer :
Je sors un peu de l'épure, et me demande si "rendez à César ce qui est à César" a bien cette connotation de soumission à l'autorité ? J'y entends plutôt l'injonction de ne pas tout mélanger

Comme toutes les paroles attribuées, celles-ci sont à lire au degré qu'il vous sied.
Il faut associer Jésus soit à sa divinité (exprimé par l'église chrétienne) soit à un prophète (nous restons alors avec l'AT comme base de réflexion).

Pour le premier cas, l'église va pouvoir jouer sur les mots suivant les locuteurs (on ne transgresse pas les pouvoirs quels qu'ils soient : le discernement de l'homme n'a pas cette capacité, preuve en est, Jésus est mort sur la croix : voici le fruit de la réflexion humaine). Là est la base de toute exégèse, ceci met tout de même un méchant coup d'arrêt.

Pour le second, je n'y vois toujours pas de notion de soumission. Jésus n'est pas une personne soumise. Je n'ai pas en tête de prophète s'inscrivant dans une soumission mais plutôt initiant l'optimisation de l'exil (Jérémie, Zacharie) ; là encore vous placez exil où bon vous semble (exil géographique, exil intérieur, les deux). Jésus revient au verbe initial (la colère devant les marchands du temple en est une expression ----> voyez le sort fait à celui qui, au cours de l'exode, s'approchera un peu trop de la tente où est l'arche d'alliance : ceci n'est qu'un exemple matériel mais laisse songeur).
Les fondamentaux : on n'envie pas le bien d'autrui ; on ne tue pas (alors tuer pour se l'approprier : voyez le sort fait à David pour s'être approprié Bethsabée -Samuel et/ou Les Chroniques-).
Par extension matériel et spirituel ne font jamais bon ménage. Il faut s'y préparer et trouver un terrain médian : là est la place -entre autres- de l'église et de ses bergers : guider.

Concernant la violence, Jésus est clair (Jean, 18:36 // Matthieu 26:52).
Dans l'interpellation à Pierre, la limite donnée à une réponse violente initiée par un acte violent est donnée.
Dans la réponse à Pilate, les enjeux se placent ailleurs ; un ailleurs que Pilate ne peut appréhender (les lois romaines n'entendent pas les lois juives et par extension celles du divin). Jésus ne condamne nullement cet erreur de dimension, il explicite simplement sa position.
La nouveauté -très nouveau à toute époque d'où l'universalité du message- est que l'obéissance à la loi ne se fait pas en miroir avec le bâton mais via une courroie : l'amour.
Reste cependant un joker pour ceux qui ont oublié. Ce joker sera optimisé par tous les pouvoirs à venir sous toutes les latitudes : l'amour inconditionnel et le pardon qui est inhérent (Luc 15 : 11-32) et sera redonné par le mot un peu biaisé de miséricorde.
Ce mot est choisi par établir l'assise d'un nouveau pouvoir.
Tout a été essayé pour le mettre à mal : approches, idéologies nouvelles, scientisme etc. Il semblerait que le message soit toujours en place là où d'autres se sont évanouis. Sans doute parce-que l'homme est toujours en recherche d'une élection quelconque...

Pour en revenir au sujet, la révolte des paysans était pour partie en adéquation avec le verbe (revenir aux fondamentaux) et tout autant avec la parole de Jésus (on ne mélange pas les genres). Restait la miséricorde mais ceci fragilise les pouvoirs temporels.
Les paysans ont -pour Luther- empiété sur la partie César ; ils se trouvent dans l'envie du bien des autres ; ils sont dans la position de David : les laisser finaliser leur errance est les condamner ; on se replace dans la bonne vieille approche de Moïse (c'est l'avantage d'avoir l'AT et le NT comme bases de lecture des décisions et faits).

On peut aussi y voir le symbole d'une égalité dans les pouvoirs : il n'y a pas de hiérarchie, César a ce qui lui est dû ainsi que Dieu. C'est l'homme qui a choisi de mettre Dieu au-dessus de César. C'est l'homme qui a choisi -si tant est que l'on pousse le curseur- de s'aliéner avec un dieu ou -voyons les choses autrement- de se transcender via le divin.
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