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Message Publié : 15 Juin 2022 7:00 
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Philippe de Commines
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Il y a 53 ans, Georges Pompidou devenait le deuxième président de la Ve République en recueillant 58% des suffrages au second tour de l'élection présidentielle de 1969.
De 1962 à 1968, il occupe la fonction de Premier ministre sous la présidence de Charles de Gaulle.
Désavoué lors du référendum du 27 avril 1969, le Général quitte ses fonctions. Une élection présidentielle anticipée est alors programmée.
A droite de l'échiquier politique, l'ex-chef du gouvernement fait figure de candidat idéal à la succession de « l'homme du 18 juin ».
Georges Pompidou, représentant le parti gaulliste de l'Union pour la défense de la République (UDR), profite alors de l'éparpillement de la gauche et remporte la présidentielle face à Alain Poher, candidat du Centre Démocrate (CD).

Un ancien de la banque Rothschild lui aussi, son parcours n'est d'ailleurs pas sans rappeler (toute proportion gardée) celui d'un certain président actuel...

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Message Publié : 15 Juin 2022 7:37 
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Le deuxième tour de cette élection fut marqué par une faible participation du corps électoral, à savoir 68,85%.
Effectivement, la gauche n'arrive pas à se qualifier pour le 2nd tour de cette élection, essentiellement car l'"homme fort" du moment, à savoir François Mitterrand, s'était totalement disqualifié au mois de mai 1968, mais également en raison d'une SFIO moribonde.
Pompidou fut le seul président de la Vème République à décéder en cours de mandat.
Il est souvent perçu comme un homme qui a poursuivi la politique de De Gaulle - essentiellement au niveau des projets économiques et industriels (nucléaire, transports, nucléaire, armement, etc.) -, à l'exception de la politique européenne (il accepte l'entrée du R.-U. dans la CEE, refusée par De Gaulle depuis des années) et de l'indépendance budgétaire de la France, puisque la loi "Pompidou-Giscard" restreint le recours à l'emprunt de l'Etat auprès de la Banque de France.
Il n'a pas modifié les institutions.
On considère parfois sa présidence comme quelque peu pantouflarde, marquant la fin des "Trente Glorieuses", juste avant la crise.

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Message Publié : 15 Juin 2022 8:19 
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Selon Michel Winock, "Sur le terrain institutionnel, la continuité avec la politique du Général est encore plus claire. Rien n'était sûr en 1969. La Constitution de la Ve République semblait avoir été taillée sur mesure pour de Gaulle. Pompidou, au début de son mandat, laisse supposer un changement en appelant à Matignon Jacques Chaban-Delmas. De fait, pendant un certain temps, le pouvoir, l'initiative, le verbe même paraissent s'être déplacés de l'Élysée à Matignon. Chaban, entouré par des conseillers de première force, comme Simon Nora et Jacques Delors, énonce devant une Assemblée muette et un pays séduit le programme de sa « nouvelle société ». Illusion passagère ! Pompidou ne brusque pas les choses, car Chaban est un gaulliste de la première heure, et sa popularité a des retombées positives sur l'image même du Président.

Mais en juillet 1972, il remercie son Premier ministre qui, peu de temps auparavant, avait cru devoir demander la confiance de l'Assemblée comme un président du Conseil de la IV" République. Il le remplace par Pierre Messmer, ancien de la France libre, régulièrement ministre des Armées sous de Gaulle. Pompidou et Messmer sont en parfait accord sur la Constitution : le pouvoir est et doit rester à l'Élysée. C'est le président de la République qui conduit la politique générale de la France ; le Premier ministre, lui, la met en œuvre."

En 1964, pris à partie par François Mitterrand sur les articles de la Constitution qui décident des pouvoirs respectifs du président de la République et du Premier ministre. La réponse de Pompidou ne se contente pas d'être technique, elle est virulente : « Vous restez fidèle à la conception de la IV République qui faisait du pouvoir exécutif une simple délégation de pouvoir, par les groupes de l'Assemblée, à un rassemblement hétérogène baptisé gouvernement. Vous restez fidèle à une voie que pourtant les désastres, parfois les déshonneurs, ont jalonnée. Et cependant les avertissements n'avaient pas manqué. [...] Mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Sur les rives paisibles de l'opposition, comme les émigrés de l'Ancien Régime sur les rivages de l'Angleterre, vous attendez impatiemment l'heure de rentrer dans l'État, n'ayant rien appris ni rien oublié. Mais l'avenir n'est pas à vous, il n'est pas aux fantômes. »

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Message Publié : 15 Juin 2022 10:08 
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Effectivement, il est dans la droite lignée de De Gaulle d'un point de vue institutionnel.
La "nouvelle société" de Chaban... Je me demande toujours si cette politique a davantage "désappointé" Pompidou que les "barons" de l'UDR.

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Message Publié : 15 Juin 2022 11:48 
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Duc de Raguse a écrit :
La "nouvelle société" de Chaban... Je me demande toujours si cette politique a davantage "désappointé" Pompidou que les "barons" de l'UDR.

Jean Lacouture dit que Pompidou ne comprenait pas trop où Chaban voulait en venir... :mrgreen:

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Message Publié : 15 Juin 2022 12:24 
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Duc de Raguse a écrit :
Effectivement, il est dans la droite lignée de De Gaulle d'un point de vue institutionnel.
La "nouvelle société" de Chaban... Je me demande toujours si cette politique a davantage "désappointé" Pompidou que les "barons" de l'UDR.

A priori c'est moins le fond que la forme qui l'indisposait. Georges Pompidou a immédiatement considéré que la démarche de Chaban-Delmas remettait en cause les institutions de la Cinquième République. Il estimait que l'orientation devait être donnée par le président de la République. Abandonner au Premier ministre la définition de la politique à suivre, c'était, à terme rapproché, un retour aux institutions de la Quatrième République, le pouvoir se trouvant à Matignon et non plus à l'Elysée.

Chaban, gaulliste historique, s'est comporté en Président du Conseil de la IVe république...

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Message Publié : 16 Juin 2022 7:02 
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Et pourtant, au regard des actes de Pompidou on ne peut pas dire qu'il ait utilisé la fonction présidentielle comme un De Gaulle ou un Mitterrand.
Ne serait-ce pas plutôt pas les orientations politiques (la fameuse "nouvelle société" - c'est du Johnson ? :mrgreen: ) d'un Chaban, très difficile à classer mais souvent présenté comme un "gaulliste social", pratiquant une politique d'ouverture avant l'heure, qui lui ont valu sa "démission" ?

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Message Publié : 17 Juin 2022 10:25 
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Duc de Raguse a écrit :
Et pourtant, au regard des actes de Pompidou on ne peut pas dire qu'il ait utilisé la fonction présidentielle comme un De Gaulle ou un Mitterrand.
Ne serait-ce pas plutôt pas les orientations politiques (la fameuse "nouvelle société" - c'est du Johnson ? :mrgreen: ) d'un Chaban, très difficile à classer mais souvent présenté comme un "gaulliste social", pratiquant une politique d'ouverture avant l'heure, qui lui ont valu sa "démission" ?


"On était plus ou moins persuadé jusqu'à présent que la rupture avait été provoquée par le manque de goût de Georges Pompidou pour la « nouvelle société ». Il semble bien que les choses aient été très différentes. Certes, le président de la République n'aimait pas la formule, qu'il trouvait bien emphatique et probablement un peu ridicule. En revanche, le contenu ne le choquait pas. Le conflit était d'une autre nature. Le projet de « nouvelle société» avait été établi par Jacques Chaban-Delmas et ses conseillers pratiquement sans consulter, ni même informer, la présidence. De nombreux témoignages ont montré cette volonté de Georges Pompidou de ne pas laisser mettre en cause les institutions de la Cinquième République. Par exemple, Joseph Comiti, qui était alors ministre, rapporte cette remarque du Président à son Premier ministre : « II faut savoir qui commande ici ! ». Tous les témoins s'accordent à reconnaître que les rapports entre le président de la République et le Premier ministre s'étaient progressivement améliorés, et qu'ils étaient nettement meilleurs au moment où Pompidou se sépara de Chaban-Delmas. L'explication de la rupture ne serait plus là d'ordre institutionnel, mais d'ordre circonstanciel. Le président de la République considérait que l'autorité du Premier ministre était entamée (ne serait-ce que par ses démêlés fiscaux) et qu'il n'était pas sûr qu'il soit en mesure de gagner les élections de 1973 qui s'annonçaient délicates. " Becker Jean-Jacques, Berstein Serge. Georges Pompidou reconnu. In: Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°2, avril 1984. pp.113-118

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Message Publié : 17 Juin 2022 12:15 
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C'est donc un faisceau de facteurs, dans un contexte particulier, qui expliquent la mise à l'écart de Chaban.
D'autres auteurs avancent également l'influence énorme qu'auraient eu Juillet et Garaud sur Pompidou afin qu'il se sépare de Chaban.

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Message Publié : 17 Juin 2022 12:29 
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Philippe de Commines
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Duc de Raguse a écrit :
D'autres auteurs avancent également l'influence énorme qu'auraient eu Juillet et Garaud sur Pompidou afin qu'il se sépare de Chaban.


Absolument, ils ne supportaient pas que Chaban empiète sur les "prérogatives" présidentielles. Ils étaient les "gardiens du Temple" constitutionnel en quelque sorte (selon l'interprétation qu'ils en faisaient bien sûr)

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Message Publié : 17 Juin 2022 13:09 
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Et surtout pour faire monter des "jeunes loups", comme un certain Jacques Chirac, bien plus enclin à demeurer dans un politique d'orthodoxie gaulliste (du moins à cette date et celle qu'ils imaginent) qu'un Chaban.

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Message Publié : 18 Juin 2022 9:50 
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Que l'auteur de la discussion veuille bien me pardonner, mais je ne peux m'empêcher de poursuivre cette petite digression sur Chaban-Delmas et son éviction de 1972 - qui anticipe l'abandon de sa candidature en 1974 par certaines éminences grises de l'UDR et de certains "jeunes" élus de l'UDR - car ce point m'a véritablement questionné.

Visiblement, deux aspects de sa personne et de sa manière de gouverner dérangeaient grandement le duo Juillet-Garaud, principaux conseillers du président Pompidou.
L'historien Jérôme Pozzi revient sur ces différends à l'occasion de la candidature à la présidence de le la République annoncée par Chaban à la mort de Pompidou en 1974 et le fait que Chaban soit lâché par une partie de l'UDR :
Citer :
"Pourtant, depuis l’annonce de cette candidature, un trio composé de Jacques Chirac, Marie-France Garaud et Pierre Juillet s’agite en coulisses pour pousser Messmer à être le candidat de la famille gaulliste. Cette entreprise repose sur un certain nombre de considérations, à commencer par un antichabanisme exacerbé des deux anciens conseillers de Pompidou, et ce depuis l’époque où il était Premier ministre. La « nouvelle société » était alors perçue comme une expression à la « portée incertaine et au contenu malléable », émanant des deux principaux collaborateurs de Chaban-Delmas, à savoir Jacques Delors et Simon Nora. Celle-ci était donc marquée par le sceau de l’« a-gaullisme », ne serait-ce que par l’itinéraire politique de ses deux parrains. Dans ces conditions, Marie-France Garaud et Pierre Juillet gardent en mémoire le passage de Chaban-Delmas à Matignon comme une période de flottement et de tension latente entre l’Elysée et Matignon, au cours de laquelle ils n’avaient cessé de l’attaquer, notamment par l’intermédiaire de René Tomasini, alors secrétaire général de l’UDR, afin de le ramener à une stricte orthodoxie gaulliste".

L'essence même de cette politique de "nouvelle société" - que beaucoup de témoins ont parfois jugée comme un simple "coup de com", plus qu'autre chose - pose un grand problème aux deux conseillers spéciaux de Pompidou : elle se fonde sur l'ouverture en direction des chrétiens et sociaux-démocrates.
Chaban, alors premier ministre, se fait attaquer sévèrement par l'entourage direct du président de la République.
Il est pourtant difficile de savoir dans quelle mesure Pompidou a jugé cette politique et si les influences du duo ont été déterminantes dans sa décision de le remercier ou non.

Citer :
"En outre, ce rejet de la candidature du « duc d’Aquitaine » repose sur une différence fondamentale dans la lecture et la pratique des institutions de la Ve République. Celles-ci sont considérées par nos duettistes comme trop parlementaires, et l’accession éventuelle de Chaban-Delmas à l’Elysée constituerait une véritable rupture vis-à-vis du legs institutionnel gaullien. En d’autres termes, l’ancien résistant et Compagnon de la Libération Chaban, trop influencé par sa participation à la vie parlementaire sous la IVe République, est accusé de ne pas être assez gaulliste et de vouloir sans cesse composer avec le Parlement.
D’autre part, l’ère des barons est pour eux révolue ; il est temps que la génération issue du sérail de Georges Pompidou, dont Chirac est le fer de lance, accède aux plus hautes responsabilités de l’État, comme au sein de l’UDR d’ailleurs. En effet, ils sont persuadés que l’accession de Chaban-Delmas à la tête de l’État signifierait pour eux une retraite politique anticipée et un retour des barons du gaullisme sur le devant de la scène politique."

L'Appel des 43 et le mouvement gaulliste : manœuvre politique, relève générationnelle et fronde des « godillots » p.110

Comme vous l'expliquiez bien plus haut, Liber censualis, la pratique de gouverner de Chaban ressemblait bien à une volonté de restaurer des pratiques parlementaires éteintes, héritières de la IIIème et de la IVème République.
Là encore, le duo Juillet-Garaud se pose en gardien du "temple gaulliste" (du moins, tel qu'il le comprend, puisque De Gaulle est mort depuis deux ans).
Enfin, pour eux Chaban serait l'homme du passé, tout comme d'autres "barons", qu'il est temps de remplacer par une nouvelle génération, plus jeune, qui n'a pas connu l'expérience de la guerre et/ou de la résistance.

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Message Publié : 18 Juin 2022 11:27 
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Liber censualis a écrit :
A droite de l'échiquier politique, l'ex-chef du gouvernement fait figure de candidat idéal à la succession de « l'homme du 18 juin ».

En fait, Georges Pompidou fait office de candidat idéal pour une partie seulement de la droite gaulliste. L'hypothèse d'une candidature de René Capitant, garde des Sceaux du Général, a ainsi été évoquée et travaillée par les gaullistes de gauche et les (nombreux) adversaires de Pompidou. Il sera finalement débranché par Chaban et Debré, épisode cocasse racontée dans le livre de Pierre Manenti, Histoire du gaullisme social (2021), avant d'entrer dans une opposition féroce après l'élection présidentielle.

Pierma a écrit :
Jean Lacouture dit que Pompidou ne comprenait pas trop où Chaban voulait en venir...

C'est même pire que ça, pour Pompidou, la Nouvelle société de Chaban est un "fantasme d'adolescents ou de romantiques". Il y a bien sûr de l'incompréhension mais aussi, pour ma part je pense même surtout, de l'agacement car le nouveau président a refusé de porter ce thème pendant la campagne présidentielle de 1969. On a trop vite fait de réduire Pompidou à un conservateur opposé aux projets de réforme sociétale de Chaban, mais en mai 1968, c'est Pompidou qui lâche du lest et cherche à débloquer la situation, quand le général de Gaulle voudrait une posture plus ferme.

Duc de Raguse a écrit :
D'autres auteurs avancent également l'influence énorme qu'auraient eu Juillet et Garaud sur Pompidou afin qu'il se sépare de Chaban.

Oui, elle a indubitablement joué. Par ailleurs, un élément insuffisamment mis en avant dans l'étude du départ de Chaban est la succession à la tête de l'UDR. En 1972, Tomasini, le secrétaire général de l'UDR, est impliqué dans plusieurs scandales, souffrant et jugé peu diplomate par l'Elysée. Juillet et Garaud recommandent donc de trouver un nouvel homme et Préaumont est chargé de l'intérim (catastrophique)...

Chaban, notamment épaulé par Chalandon et Tomasini, propose de reprendre les rênes du parti avec l'idée que l'UDR est le pivot central de la majorité et n'a pas à partager le pouvoir politique avec Giscard et les centristes. Chirac, Juillet et Garaud s'inquiètent que Chaban ne profite de ce poste de chef du parti pour contester le pouvoir de Pompidou.

Pompidou finit par trancher en disant qu'il n'y aura pas de secrétaire général élu par les militants et que l'unique chef de la majorité présidentielle, c'est lui. Après la démission de Chaban, sa candidature au secrétariat général du parti est balayé d'un revers de main et Peyrefitte en devient le nouveau maître, formant un tandem avec Messmer à Matignon.

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Message Publié : 18 Juin 2022 13:49 
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Duc de Raguse a écrit :
Comme vous l'expliquiez bien plus haut, Liber censualis, la pratique de gouverner de Chaban ressemblait bien à une volonté de restaurer des pratiques parlementaires éteintes, héritières de la IIIème et de la IVème République.
Là encore, le duo Juillet-Garaud se pose en gardien du "temple gaulliste" (du moins, tel qu'il le comprend, puisque De Gaulle est mort depuis deux ans).


Le fait est que pour les "barons" ou les "diaboliques" conseillers de Pompidou, Chaban ne peut se départir de son passé radical valoisien ( ancien ministre de Mendès), et est qui plus est conseillé par un autre mendesiste Simon Nora et un syndicaliste Jacques Delors...
Quand en juillet 1972, le Premier ministre pose la question de confiance devant l'Assemblée nationale,cette attitude trop "Président du Conseil de la IV e République" a sonné la fin de la parenthèse Chaban...

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Message Publié : 18 Juin 2022 14:13 
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Liber censualis a écrit :
Le fait est que pour les "barons" ou les "diaboliques" conseillers de Pompidou, Chaban ne peut se départir de son passé radical valoisien ( ancien ministre de Mendès), et est qui plus est conseillé par un autre mendesiste Simon Nora et un syndicaliste Jacques Delors...

Mais Chaban est lui-même un de ces "barons" (avec Debré, Foccart, Frey et Guichard). Il n'y a pas vraiment de rôle des barons dans sa chute en 1972. Il pensait d'ailleurs que Guichard, un autre des barons, lui succéderait et trouvait cela bien normal après que Debré et lui aient occupé ce poste. L'hypothèse Guichard était partagée par de nombreuses personnalités politiques de l'époque et, d'après les souvenirs de Catherine Nay, elle ne s'est pas concrétisée qu'en raison de la maîtresse de Guichard...

Debré, toujours amer d'avoir été congédié en 1962 (dix ans plus tôt !), se plaint certes du climat des affaires et du manque de solidarité gouvernementale, mais pas jusqu'à porter le coup à son ami et collègue Chaban. En 1971, à Pierre Juillet, lui très "anti-Chaban" et conseiller politique de Pompidou, qui lui demande de prendre la parole pour dire que la pratique politique du Premier ministre relève plutôt de la IVème République, il répond qu'il préfète rester muet. On ne ferraille pas entre gentilhommes.

Quant à Frey, remercié du Ministère des Relations avec le Parlement en 1971, il a dû laisser la place à Jacques Chirac, jeune protége de Juillet et Pompidou. Il n'est pas non plus complice de la cabale contre Chaban.

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