Nous sommes actuellement le 28 Avr 2024 9:19

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 148 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1 ... 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10  Suivant
Auteur Message
Message Publié : 06 Sep 2022 17:55 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
Narduccio a écrit :
vous ne voyez pas tel ou tel mot "verbalisé", pourquoi ? Pensez-vous avoir affaire à des arriérés ? ... vous savez, ils avaient peut-être quelques connaissances en moins...

Je ne retrouve pas, dans votre post, ce que j'ai souligné et qui le sera postérieurement par certains représentants de cette même Révolution.
J'évoque ce que l'on pourra mieux appréhender à travers, par exemple, l'adjectif "mûr".

[ ... En théorie tout à fait favorables à cette égalité couchée par écrit dans la fameuse Déclaration, ils (les députés) craignent les conséquences d'une application trop rapide des principes peut-être trop exigeants pour un peuple jugé pas assez mûr. ...]

- « Robespierre, la probité révoltante » - C. Obligi -Belin

Est-ce moi qui n'ai pas bien compris les mots « principes trop exigeants » et en corrélation l'interrogation sur la maturité ?
Il semble qu'il existera des hommes -représentants ce peuple au même titre que ceux qui seront présents lors de l'ouverture des EG- qui s'interrogeront sur la capacité de certains à saisir des "principes trop exigeants".

Doit-on conclure que ces hommes estimaient le peuple comme "arriéré" ? Pourtant, il semble évident qu'il existe une interrogation. J'ai cette même interrogation quant à l'emploi de mots comme "monarchie constitutionnelle" et autres.
.

_________________
"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 09 Sep 2022 18:12 
Hors-ligne
Polybe
Polybe

Inscription : 14 Fév 2015 11:55
Message(s) : 89
Jean-Christian Petitfils décrit la situation pendant les premiers jours qui suivent l'ouverture des états-généraux :

Citer :
Le tiers discuta longuement s'il fallait ou non envoyer vers le clergé et la noblesse des commissaires afin de persuader les deux premiers ordres. Mais, dés le 11 mai, ayant vérifié les pouvoirs de ses membres, la noblesse se déclara « constituée », et, malgré diverses médiations, toutes les propositions de compromis échouèrent. Louis [XVI], affligé par l'âpreté des tensions et des disputes oiseuses, porta son mécontentement sur le second ordre :

«  Plus de déférence de la part de l'ordre de la noblesse aurait peut-être amené la conciliation que je désirais. »

Pendant ce temps, les irréductibles de la Cour étaient convaincus qu'il fallait renvoyer Necker et dissoudre les états [généraux]. De leur point de vue, le plus grand danger résidait dans une entente entre le roi et le Tiers, contre les deux ordres privilégiés.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 09 Sep 2022 19:17 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9062
Citer :
De leur point de vue, le plus grand danger résidait dans une entente entre le roi et le Tiers, contre les deux ordres privilégiés.

On en était loin, de cette entente, mais décidément les privilégiés se cramponnaient aux "avantages acquis".

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 10 Sep 2022 11:00 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
Pierma a écrit :
Citer :
De leur point de vue, le plus grand danger résidait dans une entente entre le roi et le Tiers, contre les deux ordres privilégiés.

On en était loin, de cette entente, mais décidément les privilégiés se cramponnaient aux "avantages acquis".

Comment une entente entre le Tiers et le souverain aurait été possible en France ?
Les rois ont l'habitude de devoir apaiser et/ou domestiquer une noblesse voire faire taire les voix discordantes au sein de la famille. La noblesse comme les princes de sang (ceci semble assez unique au royaume de France) sont remuants et il faut avoir en tête la configuration du royaume : dense, rural, ramassé. Ce qui est très différent chez les voisins et donne une gestion plus aisée des conflits internes.

Une alliance avec le Tiers ? Comment domestiquer le Tiers ? Comment « l'apaiser » si besoin est ? Lui donner des gages d'une « entente » qu'il va falloir tenir dans la durée : on ne leurre pas l'essentiel d'un royaume ainsi (il faut avoir la formule de Sieyès concernant le Tiers en tête) ?
La monarchie absolue ne peut qu'offrir son « absolutisme ». Ce qui demeure impensable. Quid de la succession : fils, frères sont-ils open à de telles nouveautés) ? Tout ne se joue pas avec une génération, il faut avoir la continuité en tête.

Le roi en voulant gagner par ce coup de force ne risque-t-il pas de tout perdre ?
Et la noblesse (on le verra) de s'en retrouver grandement perdante tout autant mais cependant avec toujours des cartes à jouer.
Le roi n'a que le choix entre apaiser la noblesse afin qu'elle lâche quelques privilèges (des sous pour la dette !) et essayer de jouer la carte du Tiers enfin faire la démonstration en comptant sur des EG qui ne vont pas déstabiliser le trône que l'on doit -au niveau de la noblesse- raison garder.
On peut comprendre la frilosité du roi devant le risque de se voir avancer de « nouveautés ». Quelles nouveautés si ce n'est qu'une approche différente du pouvoir/des pouvoirs bref ce qui est nommé aujourd'hui "classes".

La mode n'est plus aux coups de force. On a vu avec Louis XV et ses rétropédalages. Je trouve que Louis XVI -avec son rappel des parlements- se montre fort « libéral » et que ceci lui coûtera très cher. La question reste : avait-il le choix ?
Il se montre dans une continuité politique familiale en jouant l'Amérique contre l'Angleterre, ce fut l'erreur. Il ne faut pas voir -à mon avis- dans ce choix un quelconque soutien aux idéaux outre-Atlantique mais une opposition à l'Angleterre qui se montrera très rancunière (normal, c'est le jeu : chacun ses cartes).

Pouvait-on désormais faire -au royaume de France- sans les parlements ? Non. Avec ? Pas plus. Ce qui augure une sympathique fiche de route pour le souverain.

Nous lisons ceci avec une habitude de démocratie mais à ce moment cette vision n'existait pas.
Voyons de nos jours, en démocratie, les difficultés pour passer alliance avec des personnes étant vues comme « du même bord ». On ne peut demander à une royauté absolue d'arriver à un résultat là où une démocratie se montre dans la diffuculté de finaliser. Ajoutons les problèmes économiques : on voit...

Cette étrange vision de Petifils et autres : Louis XVI aurait laissé passé l'occasion d'une alliance avec le Tiers me laisse rêveuse. Qui dit « alliance avec » dit automatiquement « contre un parti ».
C'est pour moi une vision de personnes qui ne tiennent pas compte de l'époque tout comme envisager une monarchie constitutionnelle comme une évidence.
Ce qui fonctionne chez le voisin a des racines autres dans le temps. Prenons l'exemple de Léopold d'Autriche grand duc de Toscane et sa politique éclairée. Une fois aux manettes de l'Autriche (et du SERG) et bien, il va devoir s'adapter et cette adaptation s'inscrit étrangement dans l'abandon des idées "éclairées" d'un Joseph II. Certains états ne sont pas encore très "mûrs" pour ceci. Certaines réformes ont été trop rapides...
.

_________________
"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 10 Sep 2022 11:42 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 20 Juin 2003 22:56
Message(s) : 8183
Localisation : Provinces illyriennes
Un moment à marquer d'une pierre blanche : je pense globalement que le message de Rebecca pose la bonne question - au passage, à nouveau Milton n'apporte aucune précision (ouvrage, année de publication, pages, etc. ???) à cette citation (parcellaire ?).
Si l'hypothèse d'une alliance avec le Tiers aurait été envisagée par Louis XVI et son Conseil (ou bien simplement son Conseil ?) pour dompter des privilégiés qui l'avaient envoyé promener quelques mois plus tôt, cela aurait été en totale méconnaissance avec ce que la majorité des cahiers de doléances du Tiers-Etat contenait.
Jamais Louis XVI n'aurait accepté au mois de mai 1789 de partage son pouvoir de législateur avec une Assemblée élue.

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 10 Sep 2022 16:37 
Hors-ligne
Administrateur
Administrateur

Inscription : 15 Avr 2004 22:26
Message(s) : 15844
Localisation : Alsace, Zillisheim
Rebecca West a écrit :
Comment une entente entre le Tiers et le souverain aurait été possible en France ?


Pas à ce moment-là, mais d'autres souverains français, à d'autres époques s'étaient posés en "arbitres" entre leur bon peuple et les nobles. Donc, c'était du domaine du possible. Mais, Louis XVI comptait sur les États généraux pour mettre fin à une espèce de fronde parlementaire que certains ont nommés une révolution nobiliaire. Ressouder le royaume autour de lui. Mais, c'était au moins 50 ans trop tard. Là, les gens attendaient plus, et lui ne pouvait pas l'imaginer.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 10 Sep 2022 17:54 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
Milton a écrit :
Jean-Christian Petitfils décrit la situation ...
1- dissoudre les états [généraux].
2-De leur point de vue, le plus grand danger résidait dans une entente entre le roi et le Tiers, -

On ne peut dissoudre les EG : sous quel prétexte ? Comment dissoudre ? La troupe ? Cette occurrence/option est à écarter d'emblée.
On ne va pas renvoyer les représentants d'un peuple qui a trouvé -via les Cahiers de Doléances- une soupape à l'expression de son mécontentement ; c'est s'exposer à des révoltes et plus encore isoler le pouvoir monarchique et souligner une "volontaire" -surdité face à ses sujets.

Petitfils est loin d'être le seul à évoquer ce moment, cette occurrence vue comme « ratée » d'un pacte entre le Tiers et le souverain. Comprendre : si Louis XVI avait opté pour cette alliance, la monarchie eut été sauvée. J'ai lu ceci chez certains historiens (je n'ai qu'un livre de Petitfils et j'avais déjà l'option en tête avant que de la lire). Je n'arrive pas à comprendre pourquoi cette option.

Il faut revenir au mot « absolutisme ». C'est une forme de gouvernement que je vois comme « exceptionnel ».
C'est un choix de gouvernement fait pour des moments exceptionnels cumulant bien souvent crise intérieure et crise extérieure.
Ceci s'inscrit dans une urgence pour maintes raisons : impossibilité aussi due à des crises internes (X comme Y sont en rébellion ouverte avec le souverain ou sont eux-mêmes divisés, division qui fragilise l'ensemble du royaume : sa construction donc sa pérennité), constatation que ce fonctionnement renforce le "royal" dans sa grandeur face aux voisins, position d'hégémonie renforcée etc.

Sous Louis XV, cette forme de gouvernement n'a plus lieu d'être -ou si peu- que l'on se questionne sur sa validité, de la validité à la légitimité, il n'y a qu'un pas (pas entamé -pour la noblesse- avec la légitimation des enfants naturels de Louis XIV entre autres choses).

Avec Louis XVI, ce fonctionnement visant à un effort doublé du silence d'une majorité, n'a plus lieu d'être. Les problèmes sont endémiques, constatation en est faite. Sous Louis XV, la validité des conflits est discutée (ceci commence sous Louis XIV mais on se tait : Vauban et le Palatinat entre autres épisodes), les traités appréciés.
Le pacte absolutisme/grandeur du pays/hégémonie etc. auquel le peuple se trouvait associé est rompu.

Cette question d'un mode de gouvernement initié ou souhaité par un pouvoir et celui qui l'incarne s'est posé ailleurs et antérieurement (Autriche, SERG, Espagne, Deux-Siciles, Angleterre, Russie). Il y a été remédié de manière consensuelle ou de manière violente.

En France, la rupture était inéluctable dès consultation. Les EG sont le plateau sur lequel vont s'entasser non plus des "doléances" (je l'ai écris précédemment) mais des "exigences" non négociables. La dette ? Elle attendra.
Faire appel à la frange « soutenant » pour l'essentiel le système de « castes » (le Tiers) pour -au final- un arbitrage entre le souverain et ses privilégiés : politiquement, c'était risqué.
A partir du moment où cet essentiel se tourne vers d'autres soleils, le système s'effondre.

Louis XVI est resté dans son rôle. Certains ont souhaité garder leurs acquis aussi longtemps que ceci était possible. On note tout de même une réflexion, l'abandon de certains privilèges sont négociables. Le roi a-t-il voulu/souhaité plus ?
le Tiers a pointé au doigt timidement d'abord puis avec la force que donne l'évidence les dysfonctionnements : la fiscalité et obligatoirement on devait aborder le système de "castes" et le nec plus ultra « l'absolutisme ». L'accord, tacite jusque là, a bloqué : l'un des partenaires était totalement perdant.
Citer :
Pas à ce moment-là, mais d'autres souverains français, à d'autres époques s'étaient posés en "arbitres" entre leur bon peuple et les nobles. Mais, c'était au moins 50 ans trop tard.

Louis XVI ne pouvait pas ressouder le royaume puisque le "roi Louis XVI" -symbole via l'absolutisme- était le problème car garant/caution des privilèges. Il est l'huile essentielle aux rouages.

Je pense que ce système de fonctionnement s'est éteint avec Louis XIV ; ceci est une lecture a posteriori et en comparaison avec les souverains voisins, je le reconnais.
*

_________________
"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 10 Sep 2022 21:22 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9062
Je suis en train de relire Gilles Perrault, le Secret du Roi, dans son tome 3 "La revanche américaine".

Il y parle largement de ce qui se passe en France, et à propos de l'échec de Turgot, cite des écrits intéressants, dont j'apprécie la synthèse qu'il en fait, et qui tombent pile sur le débat en cours : "Louis XVI était-il incompatible avec le Tiers Etat ?"

C'est intéressant parce qu'il cite la plume de Louis XVI lui-même.

Turgot lui soumet un mémoire sur les municipalités, après avoir obtenu un lit de justice et donc l'enregistrement de sa réforme fiscale par le parlement de Paris. ("Cela signe sa victoire ? Non, cela signe sa fin.") Voici le plus important de la réponse du roi :
Citer :
"On voit encore que Mr Turgot est ennemi des ordres et de la hiérarchie de leurs assemblées, qui conservent en France les facultés et les honneurs des différents individus, et forment en France la hiérarchie de mes sujets, sans laquelle il ne peut y avoir nulle part de hiérarchie. Mr Turgot propose une hiérarchie de pouvoirs : cette hiérarchie est chimérique si une hiérarchie de naissance n'en est pas la base, comme dans toutes les monarchies anciennes ou modernes." Le roi conclut : "Les formes anciennes de la monarchie seraient abolies pour y substituer les réunions du peuple neuf. J'ignore si la France, administrée par les élus du peuple, par les plus riches [Turgot proposait un système censitaire] serait plus vertueuse qu'elle ne l'est, étant administrée par droit de naissance et par le choix des rois." [Les innovations proposées ne sont en somme que] "des entreprises dangereuses".


Gilles Perrault poursuit :
Michelet écrira de lui "il était l'antiquité même." C'est excessif. Mme Campan, première femme de chambre de Marie-Antoinette, donne une analyse plus nuancée : "Turgot, Malesherbes et Necker avaient jugé qu'un prince de ce caractère sacrifierait volontiers les prérogatives royales à la solide grandeur de son peuple. Son cœur le portait, à la vérité, vers des idées de réforme. mais ses principes, ses préjugés, ses craintes, les clameurs de gens pieux et des privilégiés l'intimidaient et lui faisaient abandonner des plans que son amour pour le peuple lui avait fait adopter."

Gilles Perrault conclut par son opinion personnelle : "Principes et préjugés pèsent sans doute plus lourd que les pressions extérieures, et la célèbre indécision ne fait ici qu'enrober de flou sa conviction intime. il ne peut pas suivre Turgot parce que les réformes de celui-ci conduisent à la subversion d'un ordre social qu'il a juré de maintenir au sacre de Reims."

(Je me fais la réflexion : quand on y pense, Louis XVI n'avait que le tort d'être le successeur de Louis XV. A son avènement, le Grand Frédéric avait dit : "Il faudrait au jeune roi de France de la force et du génie." Louis XV ne lui ayant transmis ni l'une ni l'autre, on était loin du compte : il n'a su écouter aucun de ses conseillers sensés.)

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 11 Sep 2022 0:22 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
Pierma a écrit :
"On voit encore que Mr Turgot est ennemi des ordres et de la hiérarchie ... Les formes anciennes de la monarchie seraient abolies pour y substituer les réunions du peuple neuf. J'ignore si la France, ... serait plus vertueuse qu'elle ne l'est, étant administrée par droit de naissance et par le choix des rois." [Les innovations proposées ne sont en somme que] "des entreprises dangereuses".

"Le choix des rois"... Les élections... Vaste problème pour Louis XVI. Les élections, source de chaos et d'une légitimité très discutable et fluctuante selon les partis.
Louis XVI n'est pas « une antiquité ». Je le vois comme une personne qui s'accroche à un ordre des choses rassurant. Les élections ? Il doit avoir en tête la position de son aïeul maternel : Auguste III de Pologne à qui, comme Provence, il ressemble physiquement.
On peut mieux comprendre le rapport de Louis XVI à un ordre immuable.
La chance du souverain ? Des ancêtres assurés d'une légitimité fondée sur le temps et non des élections. Pourquoi rendre un pouvoir -naturellement assuré- aléatoire ?

Voyez son cousin Charles IV dans une Espagne nouvellement bourbonienne. L'homme est totalement dépassé par sa fonction, entre son épouse et ses enfants qui ont la fibre conspiratrice, il n'arrive à rien. Louis XVI me fait assez songer à ce cousin sans le problème d'une légitimité à prouver.
Pourquoi se défaire d'un tel "apport" ?
*

_________________
"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 11 Sep 2022 8:09 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9062
Rebecca West a écrit :
On peut mieux comprendre le rapport de Louis XVI à un ordre immuable.
La chance du souverain ? Des ancêtres assurés d'une légitimité fondée sur le temps et non des élections. Pourquoi rendre un pouvoir -naturellement assuré- aléatoire ?

Mais parce que son pouvoir est tout sauf naturellement assuré. S'il regarde de près les révoltes et même les émeutes qui secouent son royaume, Louis XVI est en danger et devrait s'en rendre compte.

Déjà sous Louis XV la fronde des Parlements avait atteint un tel degré d'incandescence qu'il était clair que l'un des deux adversaires allait éliminer l'autre. Louis XV, alors que certains parlements déclaraient d'arrestation leur gouverneur, représentant du roi, laissait courir avec son apathie habituelle, mais il avait finalement réagi lorsque le parlement de Paris avait évoqué "le pouvoir... que vous tenez de la Nation..." C'était le mot de trop : Louis XV ne devait son pouvoir qu'à Dieu et il allait rudement rappeler ce principe de base de la monarchie absolue en imposant la réforme de Maupeou, qui est une mise au pas des parlements.

Le même phénomène se répète pour Louis XVI, sans même parler des émeutes dans le style de la "guerre des farines", émeutes populaires qui étaient monnaie courante : le roi ne tient plus son royaume.

Au moment ou Louis XVI décrit la pyramide sociale qui le rassure, elle n'est en fait plus assurée du tout et le royaume est en pleine anarchie. La journée des Tuiles à Grenoble va bientôt montrer qu'avec pourtant deux régiments restés fidèles et faisant face, on n'avait pas réussi à contenir l'émeute déclenchée par le renvoi du parlement. C'était d'ailleurs la première fois que le peuple s'en prenait avec tant de force aux troupes royales pour bloquer le renvoi du Parlement, alors qu'on avait pourtant vu et revu, et qu'on savait, que ces renvois n'étaient que provisoires et que les parlements étaient TOUJOURS rappelés, le pouvoir cédant sans même qu'il y ait violence populaire.

Si la monarchie n'était pas assurée de son pouvoir dans une petite ville de province, qu'en serait-il à Paris ? (Déjà à Grenoble il avait fallu protéger l'arsenal pour éviter le pillage des armes. L'avertissement était clair.)

Pour revenir à l'objet de ce fil, si Louis XVI avait lu les Cahiers de Doléance avec soin - et ils étaient très éloquents - peut-être aurait-il entendu la nécessité d'en passer par "les entreprises dangereuses" que lui avait proposé Turgot. A moins que Gilles Perrault ait raison quand il décrit l'incapacité du roi à sortir de ses préjugés absolus.

(C'est un peu ce que j'entends dans la réponse de Rebecca : ces préjugés lui sont rassurants. Alors que s'il avait une vision réaliste de la situation - réalisme que l'isolement de Versailles lui rend difficile - il serait rien moins que rassuré. Dans ces monarchies "anciennes ou actuelles" qu'il prend pour référence, il n'est pourtant pas sans exemple qu'on ait décapité un roi. Position inamovible et rassurante ? S'il savait un peu d'histoire il en serait moins certain...)

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 11 Sep 2022 9:09 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 20 Juin 2003 22:56
Message(s) : 8183
Localisation : Provinces illyriennes
Pierma a écrit :
Pour revenir à l'objet de ce fil, si Louis XVI avait lu les Cahiers de Doléance avec soin - et ils étaient très éloquents - peut-être aurait-il entendu la nécessité d'en passer par "les entreprises dangereuses" que lui avait proposé Turgot. A moins que Gilles Perrault ait raison quand il décrit l'incapacité du roi à sortir de ses préjugés absolus.

C'est tout de même l'image de Louis XVI qui est retenue actuellement : une irrésolution patente et pratiquement permanente, mêlée à une volonté de défendre une monarchie (la question du droit divin ne se pose même pas) absolue, combinées à un souci de ne pas faire verser le sang de son peuple inutilement.
Bref, un paradoxe avec ce que les années 1787 et 1788 avaient déjà pu faire comprendre aux observateurs avisés.

Cela dit, si quelqu'un a quelque chose sur la lecture/compréhension de Louis XVI du contenu des Cahiers de doléances, je crois que nous sommes plusieurs à être preneurs (je n'ai toujours rien trouvé à ce sujet...)

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 11 Sep 2022 12:11 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
Pierma a écrit :
Mais parce que son pouvoir est tout sauf naturellement assuré. S'il regarde de près les révoltes et même les émeutes qui secouent son royaume, Louis XVI est en danger et devrait s'en rendre compte.

Le royaume n'en est pas à sa première révolte frumentaire. Rien de nouveau.
Citer :
Déjà sous Louis XV la fronde des Parlements...

Le royaume France a connu la Fronde des princes et celle du peuple : rien de nouveau. Vous l'évoquez vous-même : Louis XV a su mater son monde.
Citer :
... le roi ne tient plus son royaume...

Vous écrivez ceci parce-que vous connaissez la suite. Louis XVI juge d'après les événements antérieurs à son règne soit presque 2 000 ans de tumultes, de hauts et bas. La royauté est toujours debout.
Le royaume n'est pas en pleine anarchie : il fait face à des problèmes. Un royaume qui a vécu une division aussi violente que celle initiée par les conflits religieux, division surmontée par la personne d'un roi, montre que la personne de celui-ci est consubstantielle à la vie de ce royaume.
Citer :
Pour revenir à l'objet de ce fil, si Louis XVI avait lu les Cahiers de Doléance avec soin

Vous en parlez comme d'un fonctionnaire appointé, ce qu'il n'est pas (et c'est là où G. Perrault se trompe en employant le mot "préjugé"). Ce qui est vu comme "préjugé" pour un républicain est "normalité" encore à l'ouverture des EG.

Etre ministre est s'adapter à la vision du souverain et résoudre les problèmes. On se contentera de faire remonter -de manière soft- ce à quoi le roi doit s'attendre : des nouveautés car là, il est évident que c'est insoluble sans de la "bonne volonté". Louis XVI attend donc une démonstration de bonne volonté des différentes parties (d'où une parole d'humeur concernant la noblesse puis plus tard une parole plus nette face au prince de sang Orléans), pas une remise en cause de sa place au sein d'un système.
En ceci, il est tout de même suivi par certains. Il suffit de songer à l'attentat essuyé par Louis XV : le roi ne souhaite pas que soit appliquée la peine prévue en cas de régicide. L'ordre ancien s'en fiche et s'applique ! On ne va pas remettre sur la table 2 000 ans d'histoire pour les états d'âme d'un Louis XV.

Revoir le système est un pas que même les représentants envoyés à Versailles, n'envisagent pas. En ceci, Louis XVI a une vision très « réaliste » des choses. La nouveauté est que le réalisme d'un Louis XVI n'est plus celui d'une majorité qui, en quelques jours, va prendre conscience -via ses représentants- de la force qu'il possède.
Chacun découvre la puissance de l'autre. C'est nouveau. Et comme tout ce qui est nouveau : il faut du temps.

Voyez les atermoiements du souverain. Outre son caractère indécis, il prend des avis dans l'urgence et la pression. Il revient sur ses décisions après réflexion et/ou estimation.
Le problème est qu'il cherche toujours à revenir à un statu quo ante mais peut-il faire autre chose ? Il est sensé être celui qui « accorde » voire impulse une dynamique d'ajustements, pas subir l'événementiel.

De nos jours ceci est incompréhensible. En ces temps : ceci est respecté de tous. 
Ce sont les événements qui vont initier une autre hiérarchie de valeurs et de possibilités puis ensuite se donner les moyens de cette impulsion nouvelle. Nous sommes déjà loin du 5 mai.
Rapportons-nous à aujourd'hui : est-ce une évidence que la constitution actuelle est/serait sclérosée ? Non, ceci fait débat. Qui peut dire combien de temps le débat va durer avant la compréhension que peut-être sommes-nous à la fin d'un cycle ? Pourtant, ce cycle est loin d'avoir un histoire millénaire, il devrait donc être très aisé d'y voir "clair". :-)
*

_________________
"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 11 Sep 2022 14:28 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 29 Jan 2007 8:51
Message(s) : 1400
Savoir si Louis XVI a lu les ou des cahiers de doléances, je pensais pouvoir trouver une réponse peut-être dans le fameux ouvrage de la Collection Archives Julliard, 1789, Les Français ont les paroles. cahiers des États généraux présentes par Pierre Goubert et Mlchel Denis, mais je n'ai rine trouvé.

Il est possible que Louis XVI qui n'est pas fonctionnaire comme l'a rappelé Rebecca ait lu certains cahiers des Etats de Provence puisqu'il est me semble t-il comte de Provence et d'une autre province également. Notre bonheur se trouverait peut-être dans une biographie de Louis XVII...

_________________
«Κρέσσον πάντα θαρσέοντα ἥμισυ τῶν δεινῶν πάσκειν μᾶλλον ἢ πᾶν χρῆμα προδειμαίνοντα μηδαμὰ μηδὲν ποιέειν»
Xerxès, in Hérodote,

L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
Émile Ollivier, l'Empire libéral.
Image


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 11 Sep 2022 14:35 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9062
Rebecca West a écrit :
Citer :
Pour revenir à l'objet de ce fil, si Louis XVI avait lu les Cahiers de Doléance avec soin

Vous en parlez comme d'un fonctionnaire appointé, ce qu'il n'est pas (et c'est là où G. Perrault se trompe en employant le mot "préjugé"). Ce qui est vu comme "préjugé" pour un républicain est "normalité" encore à l'ouverture des EG.

ça reste à voir : la contestation ouverte de la monarchie absolue par les parlements, qui réclament (et exercent chaque fois qu'ils le peuvent) des droits politiques, a commencé sous Louis XV, et avec Louis XVI ils ont gagné leur rappel et ne se privent pas d'en user. Ils FONT de la politique, ce qui entame pour le moins l'absolutisme irénique du roi.

Ce qui tient, c'est la fidélité à la personne du roi. Au delà...

Votre approche "buisness as usual" me fait un peu sourire. Déjà, si tout allait son bonhomme de chemin cahotant, on se demande bien pourquoi chacun de ses premiers ministres a proposé à Louis XVI des réformes qu'ils jugeaient indispensables : la réalité est que Louis XVI a hérité d'une situation politique très instable, aggravée par un problème colossal : la dette, impossible à ignorer.

Et puis il y a une montée des périls : j'ai parlé de la Journée des Tuiles, où deux régiments ont dû s'avouer impuissants devant l'émeute, ce qui se traduit par la convocation des Etats Généraux du Dauphiné, dont le premier geste est de voter paisiblement la grève générale de l'impôt. 8-|
On peut même se demander si la convocation des Etats Généraux a réellement été voulue par le roi : lui a-t-on laissé le choix ?

Et bien entendu je ne pense pas que la lecture des cahiers de doléance aurait réduit Louis XVI à "un rôle de fonctionnaire". Un monarque mieux éclairé, peut-être ? (Mais je n'insiste pas sur ce point parce qu'on ignore jusqu'ici ce qu'il a pu en lire. En même temps cette ignorance est parlante : il a négligé - en tout ou partie ? - des demandes où le peuple exprimait tous ses espoirs. Préjugé ? On dirait bien...)

Edit : avec les cahiers venus de la Provence, Oulligator parle bien sûr du futur Louis XVIII (Louis XVII est une faute de frappe) mais l'idée est intéressante : il y a tout de même bien quelqu'un qui y a jeté un oeil, à Versailles ! Le contraire serait ahurissant, dans une telle ruche... (Ne serait-ce, pour Provence, que pour chercher de quoi em...nuyer son frère ! :mrgreen: )

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 11 Sep 2022 16:51 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 29 Jan 2007 8:51
Message(s) : 1400
En fait, je voulais dire duc de Berry, je croyais avoir lu que le futur Louis XVI avait été comte de Provence et effectivement il s'agit bien plutôt de son frère le futur Louis XVIII. Donc, si Louis XVI a lu quelques cahiers peut-être pourrait-il s'agir de ceux issus du duché de Berry.... Et une biographie de Louis XVI (et pas Louis XVII comme je l'ai marqué par erreur de frappe ni Louis XVIII comme vous le suggériez Pierma) pourrait peut-être nous renseigner si tant est qu'on le sache.

_________________
«Κρέσσον πάντα θαρσέοντα ἥμισυ τῶν δεινῶν πάσκειν μᾶλλον ἢ πᾶν χρῆμα προδειμαίνοντα μηδαμὰ μηδὲν ποιέειν»
Xerxès, in Hérodote,

L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
Émile Ollivier, l'Empire libéral.
Image


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 148 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1 ... 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10  Suivant

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 32 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB