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Message Publié : 10 Oct 2022 19:33 
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C'est là où tout le monde "sèche" en vérité, en l'absence d'éléments factuels.
Il y a une différence très sérieuse entre l'intention et les actes, qui sont, dans la discussion qui nous occupe, pratiquement nuls.
D'ailleurs l'auteur le pense également :
Citer :
un rêve qui fera long feu

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Message Publié : 10 Oct 2022 20:12 
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Polybe
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Rebecca West a écrit :
Milton a écrit :
La citation de Pierre Serna : « En 1788, le roi veut construire une alliance avec le peuple afin de faire plier les élites. »

Pourquoi pas. J'ai du mal avec la formulation : son peuple et faire alliance.

Louis XVI disait « mes peuples » (plusieurs provinces dans le royaume, donc plusieurs peuples). Pierre Serna utilise le mot peuple au singulier car c'est plus simple ainsi.


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Message Publié : 11 Oct 2022 14:01 
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Philippe de Commines
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Rebecca West a écrit :
Si le roi souhaitait construire quelque chose, il avait un plan.
Quel était les grands axes de ce plan ?
Comment jouer cette alliance sans risquer un conflit intérieur en sachant que Louis XVI ne souhaitait pas de conflit ?
Quels ministres étaient envisagés pour mener à bien cette alliance ?
Comment travailler sur une alliance avec le peuple sans que la noblesse, quel que soit son origine (épée, robe) ne voit rien venir et, par là, ne pas fossoyer l'entreprise ?
Sur quoi se base Serna pour arriver à cette conclusion ? On ne va pas reprendre les cahiers : Louis XVI manifestement ne les a pas lus ce qui augure étrangement d'une alliance. Ce n'est que ma vision. Pour passer une alliance, il faut au moins avoir une idée assez précise de ce que l'on est prêt à céder.
Que pouvait céder le roi -à ce moment- autre que ce qui avait été entendu auparavant et qui sera lâché ?
Qu'allait perdre la noblesse dans cette alliance de Louis XVI avec son peuple qu'elle n'était pas prête à laisser -avec un peu de difficulté et c'est normal dans de telles négociations- comme gage de bonne volonté ?
Dans cette alliance, qu'allait mettre Louis XVI sur la table qui dépasserait les demandes estimées comme autant d'ajustements "normaux" afin de poser une refonte des impôts ?
C'est là où je sèche.
.

Il me semble que le gouvernement royal n'avait strictement aucun plan !Après l'échec de Loménie de Brienne au printemps 1788, il fut décidé, faute d'argent et d'idées, de s'en remettre aux Etats Généraux pour résoudre la crise des finances royales.
Je me risque à une autre interprétation : On peut dire qu'il y a alors un véritable vide politique au sommet de l'Etat, qui ne sera pas comblé jusqu'à la chute de la monarchie. Le roi et ses ministres ont décidé de jeter l'éponge, passe la mains aux Etats Généraux, et ne songent même pas à "faire campagne", ni à proposer des candidats aux élections de mars-avril 1789. Le roi n'a pas de programme ! Il est dans une totale impuissance, un total attentisme.

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Message Publié : 11 Oct 2022 15:45 
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Localisation : Provinces illyriennes
Je vous rejoins totalement sur le mutisme affiché par Louis XVI et son Conseil pendant le printemps 1789.
Il me semble que nous serons toujours dans l'obscurité la plus totale concernant les volontés royales lors de cette période si particulière, dans laquelle un homme ou du moins un programme politique d'exception - répondant en fait aux profondes aspirations de la majorité de la population du royaume de France - semblait être attendu par de nombreux acteurs.
Louis XVI n'était visiblement pas la personne qu'il fallait pour affronter ces circonstances inédites.

Liber censualis a écrit :
Le roi et ses ministres ont décidé de jeter l'éponge, passe la mains aux Etats Généraux, et ne songent même pas à "faire campagne", ni à proposer des candidats aux élections de mars-avril 1789.

Par contre, là je pense que nous ne sommes pas loin de l'anachronisme.
Les Etats-Généraux ne peuvent être considérés en monarchie absolue comme une assemblée disposant de prérogatives législatives au sens contemporain ; les députés n'étant que les représentants de leurs ordres et des Etats du roi, présents uniquement par la volonté de ce dernier.
Ainsi, je ne perçois pas comment Louis XVI aurait pu présenter des "candidats" dans ce contexte.
Par contre, oui, il semble vraiment dépassé par les événements, qu'il ne parvient à maitriser, alors que ces députés sont encore pratiquement tous monarchistes - même s'ils souhaitent que cette monarchie se réforme de manière drastique.

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Message Publié : 11 Oct 2022 16:03 
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Philippe de Commines
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Duc de Raguse a écrit :
Par contre, là je pense que nous ne sommes pas loin de l'anachronisme.
Les Etats-Généraux ne peuvent être considérés en monarchie absolue comme une assemblée disposant de prérogatives législatives au sens contemporain ; les députés n'étant que les représentants de leurs ordres et des Etats du roi, présents uniquement par la volonté de ce dernier.
Ainsi, je ne perçois pas comment Louis XVI aurait pu présenter des "candidats" dans ce contexte.
Par contre, oui, il semble vraiment dépassé par les événements, qu'il ne parvient à maitriser, alors que ces députés sont encore pratiquement tous monarchistes - même s'ils souhaitent que cette monarchie se réforme de manière drastique.


Vous avez raison, je me suis mal fait comprendre. je voulais dire que dans le bouillonnement provoqué par la réunion des EG, le gouvernement aurait pu tenter de s'immiscer dans les débats, essayer d'influencer l'opinion. Mais rien ! Pas plus le roi que ses ministres. Ils ont laissé faire, laissé venir. Le roi n'était pas à la hauteur des évènements, mais Necker ou les autres ministres non plus, qui n'ont finalement eu aucune influence sur le roi. Louis XVI n'a pas eu son Richelieu, son Mazarin ou son Fleury pour gouverner à sa place. L'absolutisme Louis quatorzien ne lui séyait point (je fais là une réelle découverte ! :mrgreen: )

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Message Publié : 11 Oct 2022 16:41 
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Jean Froissart
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Duc de Raguse a écrit :
Les Etats-Généraux ne peuvent être considérés en monarchie absolue comme une assemblée disposant de prérogatives législatives au sens contemporain ; les députés n'étant que les représentants de leurs ordres et des Etats du roi, présents uniquement par la volonté de ce dernier.

Je n'avais pas compris le message de Liber Censualis ainsi. Je voyais plus un profond découragement devant l'inertie royale et puis l'option miroir : et bien, à Dieux va... Convoquons les EG.
Liber Censualis a écrit :
Le roi n'était pas à la hauteur des évènements, mais Necker ou les autres ministres non plus, qui n'ont finalement eu aucune influence sur le roi. Louis XVI n'a pas eu son Richelieu, son Mazarin ou son Fleury pour gouverner à sa place.

Il semble que le rapport au "service" de l'Etat ne soit plus désormais appréhendé de la même manière. On sent poindre -les écrits des Lumières ?- une sorte d'individualisme, de recherche de la réussite plus qu'une satisfaction trouvée dans la participation au renforcement de l'Etat.
Vous évoquez les ministres qui ont fait les Bourbon et j'en reviens à ma petite fixette : depuis le début, les Bourbon sont des inadaptés de la couronne. Une sorte d'accident. Une greffe qui n'a pas pris.
En tant que princes, il était déjà difficile d'en obtenir quelque chose de net ; aux manettes il ne fallait pas s'attendre à un changement énorme.

Louis XVI n'aurait pas même pu initier la politique du chien crevé au fil de l'eau et retourner la situation à son avantage, en se présentant comme un roi "novateur".
Il a les défauts de cette branche : une idée de la grandeur et des prérogatives qu'elle initie mais une incapacité à donner une impulsion et à s'atteler à un choix sur la durée. Maintenant, il est aussi le seul de cette branche à se voir entouré d'une famille aussi nombreuses (mêmes ambitions, même incapacité à les soutenir) dans un moment aussi délicat.
Un excellent ministre aurait été cabalé.
Mais là encore : pas de buzz...
.

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"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


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Message Publié : 11 Oct 2022 16:45 
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C'est en plus très paradoxal, puisque Louis XVI défendait l'esprit de ce régime monarchique vaille que vaille et avait - en même temps - laissé l'immobilisme s'installer.
Et puis comment comprendre ses capitulations successives devant la cour et les privilégiés, alors qu'il semblait penser exactement l'inverse de ce qu'il faisait (exemple la nécessaire réforme fiscale), sacrifiant au passage ses contrôleurs des Finances successifs (Turgot et Necker) ?
Bref, il n'a pas su saisir un instant qu'il ne comprenait pas.
Car si nous relisons les discours prononcés par le monarque et ses deux ministres le 5 mai, rien n'augurait le moindre changement dans le système politique monarchique français, encore moins dans la société française, où les ordres privilégiés avaient encore de beaux jours devant eux.

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Message Publié : 11 Oct 2022 18:17 
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Philippe de Commines
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Duc de Raguse a écrit :
C'est en plus très paradoxal, puisque Louis XVI défendait l'esprit de ce régime monarchique vaille que vaille et avait - en même temps - laissé l'immobilisme s'installer.
Et puis comment comprendre ses capitulations successives devant la cour et les privilégiés, alors qu'il semblait penser exactement l'inverse de ce qu'il faisait (exemple la nécessaire réforme fiscale), sacrifiant au passage ses contrôleurs des Finances successifs (Turgot et Necker) ?
Bref, il n'a pas su saisir un instant qu'il ne comprenait pas.
Car si nous relisons les discours prononcés par le monarque et ses deux ministres le 5 mai, rien n'augurait le moindre changement dans le système politique monarchique français, encore moins dans la société française, où les ordres privilégiés avaient encore de beaux jours devant eux.


Selon JC Petitfils, le roi et Calonne ont tenté une sorte de "connivence" avec le tiers contre les notables qui refusent la révolution fiscale que veut mettre en place le ministre soutenu par le roi :

Citer :
Le 1er avril 1787, jour des Rameaux, le texte servant de préface aux quatorze mémoires de Calonne, établi par l'avocat Pierre Jean Gerbier, mais revu et corrigé par le roi en personne, est diffusé. On y explique que la fiscalisation des deux ordres privilégiés permettrait au peuple de gagner un allégement de près de 30 millions de livres. « Des privilèges seront sacrifiés , dit le texte ; oui, la justice le veut, le besoin l'exige. Vaudrait-il mieux surcharger encore les non-privilégiés, le peuple ? Il y aura de grandes réclamations... On s'y est attendu. Peut-on vouloir le bien général sans froisser quelques intérêts particuliers ? Réforme-t-on sans qu'il y ait des plaintes ? »

Cet appel à l'opinion publique veut renouer l'alliance de la royauté et du tiers état contre les baronnies et les féodalités. Les Notables s'inquiètent. Ils comprennent que c'est tout l'édifice de la monarchie, appuyé sur la noblesse et la société d'ordres, qui risque d'être sapé. Ils voient que Louis XVI paraît déterminé à aller de l'avant.

Malheureusement, l'appel tombe à plat. La Bourse baisse, les financiers prennent peur. Pour le roi, le silence de l'opinion est un choc. Entre le haut clergé entièrement constitué de nobles, la vieille aristocratie d'épée, la noblesse de robe ou celle de finance, la bourgeoisie industrieuse - qui aspire à s'intégrer à la noblesse -, s'est constitué une sorte de « front patriotique » hostile au pouvoir royal.


Louis XVI était sûrement disposé à réformer mais il était surtout velléitaire et sensible aux pressions de son entourage proche (la reine, ses frères et leurs coterie ) ...

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Message Publié : 11 Oct 2022 19:26 
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C'est effectivement cela, car il s'agirait là d'une énième tentative, suivant les premières opérées depuis 1774, de faire plier les privilégiés. A chaque fois il se serait "couché" devant les Grands. (Au passage en monarchie absolue cela ne peut être le cas : le roi est au-dessus d'eux et ne peut en avoir peur).
Louis XVI n'est jamais allé au bout lors des précédentes, pourquoi l'aurait-il fait au printemps 1789 ?
D'autant plus que lors des premières journées de mai, il fait et dit exactement l'inverse.
J'en arrive à me demander sur ce que nous savons véritablement de ses idées, de ce qu'il pensait vraiment. Car il a peu parlé et peu écrit.
Si on lit la lettre laissée derrière lui au moment de Varennes, il y explique fort bien que tout ce qu'il avait consenti depuis l'été 1789 n'avait été que "sacrifice" pour lui.

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Message Publié : 11 Oct 2022 21:46 
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Duc de Raguse a écrit :

Ainsi, je ne perçois pas comment Louis XVI aurait pu présenter des "candidats" dans ce contexte.


D'après Petitfils toujours :
Citer :
Contrairement à Marie de Médicis lors des états de 1614, le roi n'intervient pas dans la bataille des candidats.


Il y aurait donc eut un précédent !

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Message Publié : 11 Oct 2022 22:51 
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Très étrange, car je ne perçois pas très bien, ni comment, ni pourquoi... existe-t-il une précision supplémentaire ?

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Message Publié : 11 Oct 2022 23:28 
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Duc de Raguse a écrit :
Très étrange, car je ne perçois pas très bien, ni comment, ni pourquoi... existe-t-il une précision supplémentaire ?

Non rien de plus. Je vais chercher.

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Message Publié : 12 Oct 2022 8:18 
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Liber censualis a écrit :
Louis XVI était sûrement disposé à réformer mais il était surtout velléitaire et sensible aux pressions de son entourage proche (la reine, ses frères et leurs coterie ) ...


Je me permet d'avoir des doutes. On a souvent salué le travail réformateur des députés de la Révolution, puis de l'Empire. Or, plusieurs historiens ont montré que pour l'essentiel, ces réformes trainaient dans les dossiers des ministères royaux depuis 40 à 50 ans. S'il y avait une réelle volonté réformatrice, il y avait de la matière. Mais ces réformes étaient enterrées car elles soulevaient des blocages de la part de ceux qui avaient peur de perdre un peu de leur pouvoir. En fait, cela était peut-être un peu plus ancien, il semble me rappeller qu'un certain marquis, connu sous le nom de Vauban avait déjà proposé une partie de ces réformes sous Louis XIV et que cela lui avait valu d'être exilé sur ses terres, malgré les services rendus...

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Message Publié : 12 Oct 2022 8:35 
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Localisation : Provinces illyriennes
J'ai trouvé quelques remarques sur des travaux de Mousnier et Hayden concernant ces Etats-Généraux de 1614, pensés par la Régente pour asseoir l'autorité d'un jeune Louis XIII, tout juste majeur : https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1976_num_23_1_2350
Effectivement, le pouvoir royal d'alors, par le truchement de Marie de Médicis, participa bien aux élections en tentant d'en influencer - de manière modérée, mais certaine - le cours, afin d'empêcher que cette assemblée ne soit finalement qu'une émanation des "Grands", plus particulièrement des Condé.
En effet, le pouvoir royal est alors très critiqué par les grands féodaux (ce qui est somme toute classique en période de régence) et celui-ci tente alors une contre-offensive à leur encontre en usant des Etats-Généraux, pour lutter contre leur vision du gouvernement monarchique, bien trop "médiévale" pour celui-ci.
Dans le même ordre, il s'agit pour le pouvoir royal de contrer les velléités huguenotes au particularisme, tout en affirmant une nouvelle fois la spécificité gallicane du clergé de France envers Rome.
Ces Etats-Généraux voient donc les idéaux monarchiques triompher - et l'absolutisme franchir une nouvelle étape (avec un Tiers-Etat fort complaisant à l'encontre du roi), même si une paume de discorde - la fin de la "paulette" ou de la vénalité des offices - sera cassée par le Parlement ensuite.
Voici le passage qui dresse explicitement le contexte du moment et les manoeuvres royales pour obtenir une assemblée "convenable" de son point de vue, ensuite les conséquences de ces Etats-Généraux :
Roger Chartier a écrit :
Pour les Condéens, qui réclament la réunion des États Généraux, l'accroissement du rôle de la noblesse dans le gouvernement et la remise à plus tard des mariages espagnols, tout le mal vient de ceux qui veulent continuer la politique de la Ligue sous le couvert de la fidélité à la Régente ; pour les loyalistes, au contraire, la révolte des princes sent son huguenot, et derrière les excessives et injustes prétentions aristocratiques se profilent les ambitions réformées.
Après le traité de Sainte-Ménehould du 15 mai, par lequel la Régente accepte de convoquer les États, la lutte, qui un moment a failli prendre un tour militaire, se déplace sur les élections. J. M. Hayden, reprenant les thèmes de son article de 1964, met en évidence tous les moyens employés par le pouvoir pour influencer ou contrôler les opérations électorales. La gamme en est étendue, depuis les lettres adressées aux principaux officiers du royaume 16 jusqu'au voyage de la Régente et du petit Roi dans toute la vallée de la Loire entre juillet et septembre ou l'envoi de représentants dans les provinces durant l'été 1614 (220 missions qui ont coûté 93.700 livres, selon J. M. Hayden). Quelquefois, l'intervention dans le processus électoral se fait plus directe, même si en apparence les formes sont plus ou moins respectées. Cette politique a porté ses fruits : les États voulus par Condé ne seront pas des États « condéens ». Les amis du prince ne sont qu'une poignée dans l'assemblée, de même les réformés (neuf dans le second ordre, une douzaine dans le tiers). Les régions les plus dangereuses (celles à forte population huguenote ou celles qui avaient donné appui aux princes au début de 1614) ont retenu le plus l'attention du pouvoir qui a réussi à y faire élire de gros bataillons d'officiers fidèles.


[...]
Pour lui, au-delà des conflits circonstanciels, les ordres en 1614 étaient d'accord sur beaucoup de choses : l'hostilité à Condé et à toute rébellion, le désir ardent d'une réforme de l'Église, la protection des droits légitimes de la noblesse, la modération des impôts, l'abolition de la vénalité des offices. Ce programme aboutit, au moins au niveau des cahiers généraux, au voeu d'une oeuvre unificatrice qui gomme le plus possible les diversités et les particularismes de l'ancienne France. Cette poussée de modernité affirmée par les notables a longtemps été sous-estimée, elle traduit pourtant une prise de conscience précoce des dangers que font courir à l'État cet « agrégat de peuples désunis ». En comparant les cahiers des ordres avec ceux des États Généraux du xvie siècle, J. M. Hayden montre que presque aucune des revendications avancées en 1614 n'est nouvelle mais que, par leur étendue et leur cohérence, les propositions faites alors à la monarchie constituaient un véritable projet de réformation du royaume.

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Message Publié : 12 Oct 2022 8:46 
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Narduccio a écrit :
Liber censualis a écrit :
Louis XVI était sûrement disposé à réformer mais il était surtout velléitaire et sensible aux pressions de son entourage proche (la reine, ses frères et leurs coterie ) ...


Je me permet d'avoir des doutes. On a souvent salué le travail réformateur des députés de la Révolution, puis de l'Empire. Or, plusieurs historiens ont montré que pour l'essentiel, ces réformes trainaient dans les dossiers des ministères royaux depuis 40 à 50 ans. S'il y avait une réelle volonté réformatrice, il y avait de la matière. Mais ces réformes étaient enterrées car elles soulevaient des blocages de la part de ceux qui avaient peur de perdre un peu de leur pouvoir. En fait, cela était peut-être un peu plus ancien, il semble me rappeller qu'un certain marquis, connu sous le nom de Vauban avait déjà proposé une partie de ces réformes sous Louis XIV et que cela lui avait valu d'être exilé sur ses terres, malgré les services rendus...


Absolument, je n'ai pas dit le contraire. Turgot ou Calonne, et même Loménie de Brienne avaient des idées de réformes qui seront mises en place bien après leur ministère. Le roi était, d'après ce que j'ai lu, très enthousiaste quand ces projets lui étaient soumis. Mais l'opposition et les pressions qu'il rencontrait faisaient disparaitre toute volonté et autorité chez lui. Et apparemment le faisaient entrer en dépression (Petitfils).

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