J'ai trouvé quelques remarques sur des travaux de Mousnier et Hayden concernant ces Etats-Généraux de 1614, pensés par la Régente pour asseoir l'autorité d'un jeune Louis XIII, tout juste majeur :
https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1976_num_23_1_2350Effectivement, le pouvoir royal d'alors, par le truchement de Marie de Médicis, participa bien aux élections en tentant d'en influencer - de manière modérée, mais certaine - le cours, afin d'empêcher que cette assemblée ne soit finalement qu'une émanation des "Grands", plus particulièrement des Condé.
En effet, le pouvoir royal est alors très critiqué par les grands féodaux (ce qui est somme toute classique en période de régence) et celui-ci tente alors une contre-offensive à leur encontre en usant des Etats-Généraux, pour lutter contre leur vision du gouvernement monarchique, bien trop "médiévale" pour celui-ci.
Dans le même ordre, il s'agit pour le pouvoir royal de contrer les velléités huguenotes au particularisme, tout en affirmant une nouvelle fois la spécificité gallicane du clergé de France envers Rome.
Ces Etats-Généraux voient donc les idéaux monarchiques triompher - et l'absolutisme franchir une nouvelle étape (avec un Tiers-Etat fort complaisant à l'encontre du roi), même si une paume de discorde - la fin de la "paulette" ou de la vénalité des offices - sera cassée par le Parlement ensuite.
Voici le passage qui dresse explicitement le contexte du moment et les manoeuvres royales pour obtenir une assemblée "convenable" de son point de vue, ensuite les conséquences de ces Etats-Généraux :
Roger Chartier a écrit :
Pour les Condéens, qui réclament la réunion des États Généraux, l'accroissement du rôle de la noblesse dans le gouvernement et la remise à plus tard des mariages espagnols, tout le mal vient de ceux qui veulent continuer la politique de la Ligue sous le couvert de la fidélité à la Régente ; pour les loyalistes, au contraire, la révolte des princes sent son huguenot, et derrière les excessives et injustes prétentions aristocratiques se profilent les ambitions réformées.
Après le traité de Sainte-Ménehould du 15 mai, par lequel la Régente accepte de convoquer les États, la lutte, qui un moment a failli prendre un tour militaire, se déplace sur les élections. J. M. Hayden, reprenant les thèmes de son article de 1964, met en évidence tous les moyens employés par le pouvoir pour influencer ou contrôler les opérations électorales. La gamme en est étendue, depuis les lettres adressées aux principaux officiers du royaume 16 jusqu'au voyage de la Régente et du petit Roi dans toute la vallée de la Loire entre juillet et septembre ou l'envoi de représentants dans les provinces durant l'été 1614 (220 missions qui ont coûté 93.700 livres, selon J. M. Hayden). Quelquefois, l'intervention dans le processus électoral se fait plus directe, même si en apparence les formes sont plus ou moins respectées. Cette politique a porté ses fruits : les États voulus par Condé ne seront pas des États « condéens ». Les amis du prince ne sont qu'une poignée dans l'assemblée, de même les réformés (neuf dans le second ordre, une douzaine dans le tiers). Les régions les plus dangereuses (celles à forte population huguenote ou celles qui avaient donné appui aux princes au début de 1614) ont retenu le plus l'attention du pouvoir qui a réussi à y faire élire de gros bataillons d'officiers fidèles.
[...]
Pour lui, au-delà des conflits circonstanciels, les ordres en 1614 étaient d'accord sur beaucoup de choses : l'hostilité à Condé et à toute rébellion, le désir ardent d'une réforme de l'Église, la protection des droits légitimes de la noblesse, la modération des impôts, l'abolition de la vénalité des offices. Ce programme aboutit, au moins au niveau des cahiers généraux, au voeu d'une oeuvre unificatrice qui gomme le plus possible les diversités et les particularismes de l'ancienne France. Cette poussée de modernité affirmée par les notables a longtemps été sous-estimée, elle traduit pourtant une prise de conscience précoce des dangers que font courir à l'État cet « agrégat de peuples désunis ». En comparant les cahiers des ordres avec ceux des États Généraux du xvie siècle, J. M. Hayden montre que presque aucune des revendications avancées en 1614 n'est nouvelle mais que, par leur étendue et leur cohérence, les propositions faites alors à la monarchie constituaient un véritable projet de réformation du royaume.