C'est tout de même admirable cette tentative de réécriture de l'Histoire et de déformation des propos tenus par les uns et les autres...
Milton a écrit :
Dire que les rédacteurs des cahiers de doléance n'ont exprimé aucune hostilité envers le roi est une litote
Personne ici n'a écrit que le contenu des cahiers de doléances était dirigé contre la personne de Louis XVI, mais bien contre le système politique qu'il voulait maintenir, à savoir la monarchie absolue.
Ainsi la plupart des cahiers de doléance réclament la fin de ce système politique et la gestion de l'imposition publique aux représentants de la Nation - ce qui ne pourrait être le roi.
Jacques Godechot a écrit :
"Les élections et la rédaction des cahiers eurent lieu dans la liberté la plus totale. Dans les cahiers de paroisse, et surtout les "cahiers généraux", la bourgeoisie put, grâce à son influence, faire inscrire ses revendications essentielles : vote d'une constitution, suppression des privilèges, parfois libéralisme économique. [... ] Mais dans les quarante mille cahiers rédigés par les assemblées primaires, on trouve des plaintes unanimes des paysans contre le régime féodal."
Jacques Godechot, Les Révolutions (1770-1799), p. 142
Louis XVI n'a jamais accepté cela que sous le coup du "sacrifice" des journées de juillet et d'octobre 1789 - sa lettre laissée lors de sa fuite à Varennes le prouve (je vous conseille de la lire) - et s'attaquer au pouvoir royal, dont il était le garant, tout comme de la société féodale (nommée ensuite d'Ancien régime), de la sorte était impensable pour lui.
Ceci dit, nous sommes loin de l'affirmation fantaisiste de Cobalt, nous faisant croire que tous les députés applaudissaient le roi à l'occasion de l'ouverture des Etats-Généraux. Michelet, archives sous la main, nous livre un autre récit :
Jules Michelet a écrit :
" Un témoin oculaire, Madame de Staël, fille de Necker, qui était venue là pour voir applaudir son père, nous dit qu'il le fut en effet, et que Mirabeau venant prendre place, on entendit quelques murmures... [...]
L'assemblée essuya trois discours, celui du Roi, celui du garde des sceaux, et celui de Necker, tous sur le même texte tous indignes de la circonstance. Le roi se retrouvait enfin en présence de la nation, et il n’avait pas une parole paternelle à dire, pas un mot du cœur pour le cœur. L’exorde, c’était une gronderie gauche, timide, sournoise, sur l’esprit d’innovation. Il exprimait sa sensibilité… pour les deux ordres supérieurs, « qui se montraient disposés à renoncer à leurs privilèges pécuniaires ». La préoccupation d’argent dominait les trois discours ; peu ou rien sur la question de droit, celle qui remplissait, élevait toutes les âmes, le droit de l’égalité. Le roi et ses deux ministres, dans un pathos maladroit où l’enflure alterne avec la bassesse, semblent convaincus qu’il s’agit uniquement d’impôt, d’argent, de subsistances, de la question du ventre. Ils croient que si les privilégiés accordent au Tiers, en aumône, l’égalité de l’impôt, tout va s’arranger de soi-même
Necker parla trois heures de finances et de morale : « Rien, dit-il, sans la morale publique, sans la morale particulière. » Son discours n’en était pas moins l’immorale énumération des moyens qu’avait le roi pour se passer d’États généraux, continuer l’arbitraire. Les États, dès lors, étaient un pur don, une faveur octroyée et révocable. [...]
Il avouait imprudemment que le roi était inquiet… Il exprimait le désir que les deux ordres supérieurs, restant seuls et libres, accomplissent leurs sacrifices, sauf à se réunir au Tiers pour discuter plus tard les questions d’intérêt commun. Dangereuse insinuation ! Le ministre, une fois libre de puiser l’impôt à ces riches sources de la grande propriété, n’eût guère insisté pour obtenir la réunion des ordres. Les privilégiés auraient gardé leur fausse majorité : deux ordres ligués contre un auraient empêché les réformes. Qu’importe ! la banqueroute étant évitée, la disette ayant cessé, l’opinion s’étant rendormie, la question de droit, de garantie, était ajournée, l’inégalité et l’arbitraire raffermis, Necker régnait, ou plutôt la cour, qui, une fois quitte du péril, eût renvoyé à Genève le banquier sentimental."
Jules Michelet, Histoire de la Révolution française, livre 1, tome 2, pp. 92-94
Quant à la volonté du roi de changer le fonctionnement des Etats-Généraux afin que l'on tombe dans la folie de faire voter cette assemblée par tête et non par ordre, Michelet rappelle avec justesse que tous les actes du monarque avant l'ouverture officielle des Etats-Généraux prouvent
justement le contraire (et ensuite également), n'hésitant pas à blesser les députer du Tiers dans sa geste absolutiste :
Jules Michelet a écrit :
Dès le 3 mai, la veille de la messe du Saint-Esprit, les députés étant présentés à Versailles, à ce moment de cordialité, de facile émotion, le roi glaça les députés, qui presque tous arrivaient favorablement disposés pour lui. Au lieu de les recevoir mêlés par provinces, il les fît entrer par ordres ; le Clergé, la Noblesse d’abord… puis, après une pause, le Tiers.
On aurait voulu imputer ces petites insolences aux officiers, aux valets ; mais Louis XVI ne montra que trop qu’il tenait lui-même au vieux cérémonial. À la séance du 5, le roi s’étant couvert, et la Noblesse après lui, le Tiers voulut en faire autant, mais le roi, pour l’empêcher de prendre ainsi l’égalité avec la noblesse, aima mieux se découvrir.
Jules Michelet, Histoire de la Révolution française, livre 1, tome 2, p. 91
Milton a écrit :
Le discours du roi est « interrompu à plusieurs reprises par de chaleureuses acclamations » pour paraphraser Jean-Christian Petitfils (2005)
De la noblesse et d'une majorité du clergé oui, mais certainement pas du Tiers-Etat.
Or c'est de lui dont nous parlons depuis le début de cette discussion.
Evitez donc de ne pas appliquer vous même ce que vous reprochez à Cobalt et commencez par citer vos sources précisément et pas que trois mots sortis de leur contexte, histoire de noyer le poisson.
Nous trouvons également chez Jessenne la confirmation de la marque de défiance du Tiers-Etat à l'encontre du pouvoir royal ce 5 mai 1789 :
Jean-Pierre Jessenne a écrit :
"Le 5, la séance inaugurale se déroule dans la salle des Menus-Plaisirs (un ancien hangar de stockage du matériel pour les fêtes de la cour aménagé en vue de l'Assemblée des notables), salle immense où l'on entend mal, où le public peut être présent dans les galeries latérales. La lenteur du protocole impatiente beaucoup d'élus et, après de multiples querelles de préséances, le Tiers manifeste son refus de la sujétion en ne s'agenouillant pas à l'entrée du roi. Plus grave, le discours royal déçoit et, du propos presque inaudible du garde des sceaux, on retient surtout la conclusion en forme de mise en garde contre les "innovations exagérées". [...]
Le lendemain, comme si la délibération séparée allait de soi, chaque ordre doit se réunir pour vérifier les mandats des députés. Noblesse et clergé s'assemblent dans des salles attenantes, le Tiers reste dans la grande salle, faute de local suffisant. La force des choses ne va pas tarder à prendre une signification politique révolutionnaire."
Jean-Pierre Jessenne, Révolution et Empire (1783-1815), p. 72
Je peux poursuivre avec des citations de Furet, Soboul ou Martin, qui, forcément ne disent et n'écrivent pas autre chose...(lisez-les, cela ne pourra que vous faire le plus grand bien)
On peut passer à autre chose et éviter que vos petits jeux polémiques stériles ne se poursuivent éternellement tout en pourrissant le fil de discussion ?