Karolvs a écrit :
L'autorité légale en Alsace (régence impériale à Ensisheim) étant débordée, sans moyens, incapable d'endiguer la vague, il lui est facile de persuader le duc d'aligner la force de frappe nécessaire.
Vous avez raison d'autant que l'on sort d'échauffourées initiées par la bourgeoisie urbaine dans le Saint Empire. Des soulèvements contre les droits seigneuriaux ont été présents et réprimés par le pouvoir central, certaines villes perdant d'ailleurs leur statut d'immédiateté lors des répressions. A ceci s'ajoute une demande de soldats contre la pression d'une puissance extérieure (les Ottomans).
Citer :
A propos de l'expédition anti-Rustauds d'Antoine en 1525, j'ai lu quelque part (Bischoff ?) qu'elle était peut être provoquée, au départ, par une erreur d'appréciation de la réalité de l'événement : l'insurrection des paysans d'Alsace aurait été comprise comme un acte préparatoire d'une invasion commanditée par l'Empereur pour exploiter son succès obtenu à Pavie
J'ignorais ceci. Lors de la répression d'Antoine Ier, celui-ci revenait d'Italie où il avait combattu -à Pavie ce me semble- en tous les cas aux côtés de François Ier dans la continuité de la politique lorraine : on ménage le royaume et l'Empire. Ensuite, bien sûr, se créent des amitiés plus personnelles.
Pour l'Empire, à ce moment la menace est bel et bien la "
Bauernkrieg".
Certains "réformés", ayant côtoyé Luther vont se radicaliser. Il y a porosité entre ces personnes et une frange paysanne.
Le duc de Lorraine est presqu'une exception dans le Saint Empire (au point que Charles Quint souhaitera l'optimiser comme "
bouclier de la chrétienté").
Là où cette révolte avait commencé (Souabe) et là où des esprits plus radicaux/audacieux ont pris le relais des paysans, il a fallu lâcher du lest.
En 1526, Gaismair fait paraître un brulôt où le sujet est une utopique république paysanne : noblesse abolie, égalité, châteaux et murailles abaissés, gouvernement élu par le peuple comprenant trois théologiens (la parole de Dieu doit être le fondement de la loi), création d'universités, mines et commerces nationalisés, terres à ceux qui la travaillent, couvents transformés en hospices...
L'homme réussit à réunir une armée de 700 paysans pour porter secours aux révoltés de l'archevêché de Salzbourg en 1526. Pisté, il trouvera refuge à Venise.
Le lest lâché au sein du Tyrol -ce que ne connaitront pas les paysans alsaciens et lorrains- fut assez conséquent : programme en 52 points concernant la place du prince, abrogation des corporations, reconnaissance du droit de pêche des paysans, abaissement des obligations paysannes, redevances et corvées, amélioration des loirs successorales, limitation de la souveraineté temporelle de certains ecclésiastiques, institution d'un salaire fixe pour les juges.
A défaut d'une "révolution" ce fut une impulsion dans la modernisation de l'état (impulsion imposée par le "bas").
La majorité paysanne satisfaite, le conflit ouvert ou larvé n'avait plus lieu de continuer avec d'éventuelles reprises ici ou là.
Certains princes de l'Empire convaincus adoptèrent ces mesures : l'appel sur d'autres fronts pour d'autres batailles obligeait à une profonde révision pour une accalmie durable.
Faire un rapprochement avec certaines idéologies du XXe : je ne les connais pas assez profondément mais il me semble qu'elles s'appuient sur un temps "
long", une "
maturation" comme vous l'exprimez, alors qu'ici ces révoltes s'inscrivent dans des hauts et bas épidermiques (fixés par les nouveautés de la Réforme) mais déjà présents dès le XVe.
Maintenant, les thèses de Luther peuvent aussi être vues comme un éclat après une maturation.

Concernant les fameux évêchés, il est vrai qu'ils poseront problème et des deux côtés : il faudra attendre le coup de force de Louis XIV et un duc de Lorraine "sans duché" après l'épisode d'une Lorraine sans duc.
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