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Message Publié : 24 Août 2022 7:36 
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Philippe de Commines
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Le 24 août 1572, l'épisode le plus sanglant des guerres des religions embrasait les rues de Paris. Le massacre de la Saint-Barthélemy fut attribué à Charles IX et sa mère Catherine de Médicis. Pourtant, aucune trace écrite ne subsiste permettant de dire qui a donné l'ordre d'exécuter les chefs huguenots présents à Paris à l'occasion du mariage de Marguerite de Valois et d'Henri de Navarre, en août 1572.
Les interprétations n'ont cessé de se contredire, faute de sources directes.

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Message Publié : 24 Août 2022 8:17 
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Pierre de L'Estoile
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L'opération militaire a été revendiquée par le pouvoir royal lui-même. On en garde des traces écrites directes dans de nombreuses lettres.

Il y a plusieurs nouveaux de contradiction :

- les premières lettres écrites montrent le pouvoir royal rejetant la faute sur les partis ; qu'ils soient catholiques ou protestants (le pouvoir les mets tous dans le même panier). Cette première contradiction montre que dans les premières heures, le pouvoir royal est en panique et qu'il n'a pas encore de position très précise sur ce qu'il faut penser et laisser dire. La mise en accusation du parti protestant et la revendication du massacre viendront après.

- le pouvoir royal se montre impitoyable contre les chefs militaires, mais se montre clément envers les sujets protestants qu'il protège. La contradiction vient de certains agents du gouvernement qui ont laissé plané le doute sur cette séparation entre le politique et le religieux. Exemple, avec le duc de Montpensier, prince du sang, et proche de la famille royale, qui laisse clairement entendre dans son gouvernement de Bretagne que le roi veut l’exécution des protestants.

- officiellement, le pouvoir royal protège les protestants (la liberté de conscience est garantie) mais réduit considérablement leurs droits (suppression de la liberté de culte). Les protestants qui ont subi un préjudice matériel peuvent obtenir justice mais le chantage à la conversion est manifestement encouragé. Il y a beaucoup d'hypocrisie, peut-être contrainte par une vague politique qui oblige les catholiques modérés à se taire et à fermer les yeux.


Dernière édition par Châtillon le 24 Août 2022 8:25, édité 4 fois.

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Message Publié : 24 Août 2022 8:19 
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Massacre qui intervient quelques jours après le mariage du roi de Navarre (futur Henri IV) et Marguerite de Valois, soeur de Charles IX, le 18 août 1572. Mariage souhaité dans un but de fonder dans la postérité la concorde retrouvée entre protestants et catholiques à l'intérieur du royaume de France. Politique soutenue par Catherine de Médicis.
Alors, piège pour inviter les chefs protestants à Paris et mieux les éliminer ?
Le fait de se débarrasser de Coligny - qui prenait trop d'influence sur Charles IX, essentiellement dans sa volonté de le pousser à faire guerre à l'Espagne - a d'une certaine façon "dérapé" dans la mise à mort des autres protestants présents à Paris ?
Ce qui est certain, c'est qu'après ces heures tragiques le pouvoir royal ne le condamne pas et l'assume donc d'une certaine façon.

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Message Publié : 24 Août 2022 8:47 
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Philippe de Commines
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Un relatif consensus pourtant s'est instauré, distinguant deux massacres : l'un « politique », ordonné lors d'un Conseil royal qui eut lieu dans la nuit du 23 au 24 août, et visant les chefs protestants présents dans la capitale ; l'autre « populaire », imprévu, et que rien ni personne n'a pu arrêter. Il est vrai que tous les contemporains insistent sur le caractère inattendu d'une « fureur incroyable » brusquement surgie d'un peuple ivre de sang, encouragé par ses églises sonnant les cloches à toute volée : des gens impossibles à contrôler « qui n'avaient pas leur esprit en leur puissance », selon Pierre Charpentier, un des témoins de ces « matines sanglantes » qui firent peut-être 2 000 victimes à Paris et 5 000 à 10 000 dans toute la France.

L'historien Jean-Louis Bourgeon, in « Un texte capital sur la Saint-Barthélemy : le "Discours à la royne mère du roi" (20 août 1573) », Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français, tome 160, 2014, pp. 709-732.", propose un document peu connu . Il s'agit d'une lettre confidentielle destinée à « la royne mère », Catherine de Médicis, mère du souverain Charles IX, écrite le 20 août 1573 - un an, donc après l'événement - par Louis de Gonzague, duc de Nevers. Ce dernier est un familier et conseiller de Catherine ; c'est aussi un grand serviteur de l'État royal, fidèle, tour à tour, à Henri II, Charles IX, Henri III puis Henri IV.
Cette lettre révèle le drame vécu par la royauté un an plus tôt. Le duc évoque notamment l'« esmeute générale », la « sédition », la « rébellion », autant de termes qui sont loin de faire du roi le décideur de l'événement mais plutôt, comme le montre Jean-Louis Bourgeon, une cible.

La grande révélation de ce texte d'août 1573 tient au rétrospectif porté sur la véritable nature de la Saint-Barthélemy : « une querelle du bien public [...] couverte du manteau de Religion », c'est-à-dire une manipulation de l'opinion opérée par l'ambition personnelle de quelques grands seigneurs exploitant le mécontentement d'une population excédée par « les inventions des subsides et gabelles » et, par ailleurs, terrorisée, au fil des sermons des prêtres, par la crainte de l'enfer.

A lire cette lettre, il est impossible de penser que la royauté ait pu vouloir la Saint-Barthélemy. Il semble bien, au contraire, qu'elle l'a subie frontalement et qu'elle a tout fait pour l'éviter, comme le prouve la mobilisation tardive, par Charles IX, de la milice bourgeoise, arguant de la menace « de ceulx de la Nouvelle Religion » : un prétexte, écrit Jean-Louis Bourgeon, car il s'agissait avant tout de se protéger.

La Saint-Barthélemy a révélé l'ampleur du danger encouru et l'effort pour échapper au pire, c'est-à-dire à « ceulx qui vouldroient gouverner le Roy et le roiaulme à leur fantesye ». Cette accusation sans nom vise les Guises, champions d'un catholicisme intransigeant, dont on sait qu'ils gouvernèrent la France au temps de François II (en 1559-1560) avant d'être écartés du Conseil du roi par Charles IX et qui ne cessèrent alors, notamment avec l'appui de Philippe II d'Espagne, de s'opposer à la politique religieuse de Catherine et de ses fils.

Nous savons déjà, avec certitude, que les Guises furent à l'origine de l'attentat du 22 août 1572 contre l'amiral de Coligny - ce qui déclencha la Saint-Barthélemy. Le Discours du duc de Nevers nous aide à comprendre que Charles IX a craint d'être assailli en son Louvre par toute une population excitée par les Guises et leurs fidèles, liguée contre sa politique fiscale et religieuse. Un an plus tard, la crainte est toujours là.

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Message Publié : 24 Août 2022 9:20 
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Pierre de L'Estoile
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Liber censualis a écrit :
Il s'agit d'une lettre confidentielle destinée à « la royne mère », Catherine de Médicis, mère du souverain Charles IX, écrite le 20 août 1573 - un an, donc après l'événement - par Louis de Gonzague, duc de Nevers.

C'est ce même duc de Nevers qui écrit des notes de synthèse au gouvernement, pendant l'été 1572, pour lui préconiser de profiter de la présence des chefs protestants à Paris pour les éliminer. Comme l'écrit Jérémy Foa, le massacre n'est pas prémédité mais il a été préparé de longue date dans les esprits. Des proches du pouvoir royal comme Nevers et Montpensier étaient prêts à cela.

Ce même duc de Nevers, qui applaudit à la décapitation du parti protestant, sera celui envoyé dans les rues de Paris pour sauver les protestants, en particulier ceux de l'ambassade anglaise où réside Walsingham. Par ailleurs, Nevers intervient personnellement pour sauver les domestiques protestants de sa belle-sœur, la princesse de Condé.

Le duc de Guise pourchasse les chefs protestants logés dans le faubourg Saint-Germain, mais le surlendemain, il escorte les VIP protestants pour les mettre en sécurité hors de la ville. Parmi ces VIP protestants, se trouvent sa propre grand-mère, ou encore la fille du chancelier.

Les chefs catholiques responsables du massacre sont donc aussi ceux qui ont sauvé la vie des protestants. Cela montre bien la complexité de ce type d'évènement.


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Message Publié : 24 Août 2022 9:30 
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Merci à vous deux pour ces partages d'éléments.
Bien plus complexe qu'il n'y parait, effectivement.

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Message Publié : 24 Août 2022 9:51 
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Duc de Raguse a écrit :
Merci à vous deux pour ces partages d'éléments.
Bien plus complexe qu'il n'y parait, effectivement.

C'est extrêmement complexe et l'évènement demeure un champ de bataille pour les historiens... Crouzet, Bourgeon, Garrisson, Jouanna, etc...chacun d'eux alimente des débats qu'il paraît difficile de clore.

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Message Publié : 24 Août 2022 10:18 
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Pierre de L'Estoile
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Oui ; dans les années 1990, Crouzet, Bourgeon et Garrisson avaient essuyé les plâtres en relançant le débat historiographique. Celui-ci semble avoir trouvé sa synthèse avec Arlette Jouanna. C'est l'occasion de rendre hommage à cette universitaire de Montpellier qui nous a quitté le 29 janvier dernier à l'âge de 85 ans. Arlette Jouanna avait reçu le prix François Guizot 2008 pour son ouvrage La Saint-Barthélemy : les mystères d'un crime d'État, 24 août 1572 (Gallimard, 2007).

L'ouvrage récent de Jérémy Foa montre qu'il y a encore des choses à dire sur cet évènement. Son ouvrage permet de voir qu'il y a des responsabilités à tous les niveaux (milice bourgeoise) et que les pires horreurs sont très souvent le fait d'un petit groupe de criminels influents.

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Message Publié : 24 Août 2022 11:22 
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Philippe de Commines
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Châtillon a écrit :

L'ouvrage récent de Jérémy Foa montre qu'il y a encore des choses à dire sur cet évènement. Son ouvrage permet de voir qu'il y a des responsabilités à tous les niveaux (milice bourgeoise) et que les pires horreurs sont très souvent le fait d'un petit groupe de criminels influents.


Jérémie Foa aborde la Saint-Barthélemy sous un autre angle que ses prédécesseurs, en se plaçant non plus du côté des puissants, mais de celui des victimes et de leurs bourreaux. Il montre que le massacre n'a pas surgi d'une foule anonyme mais a été commis par une poignée d'hommes qui connaissaient bien leurs victimes ("massacre des voisins"). Il évoque peu la responsabilité des puissants.

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Message Publié : 24 Août 2022 13:26 
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Grégoire de Tours
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Pour les gens qui comme moi s'intéressent au sujet d'assez près mais néanmoins pas assez pour lire l'abondante historiographie, j'avoue que les travaux de Jérémie Foa, tels que présentés dans le numéro 496 de la revue L'Histoire (juin dernier) apportent un éclairage nouveau sur une partie de l'événement habituellement méconnue.


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Message Publié : 08 Oct 2022 19:43 
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Polybe
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Duc de Raguse a écrit :
Massacre qui intervient quelques jours après le mariage du roi de Navarre (futur Henri IV) et Marguerite de Valois, soeur de Charles IX, le 18 août 1572. Mariage souhaité dans un but de fonder dans la postérité la concorde retrouvée entre protestants et catholiques à l'intérieur du royaume de France. Politique soutenue par Catherine de Médicis.

En effet, le mariage est conçu dans l'intention de réaliser la concorde entre protestants et catholiques. Politique soutenue par la « Reine mère ». L'enfer est pavé de bonnes intentions.



Duc de Raguse a écrit :
Alors, piège pour inviter les chefs protestants à Paris et mieux les éliminer ?

C'est la légende noire. En vérité, le mariage n'a pas été conçu pour préparer une action criminelle. Le crime perpétré par Maurevert est un événement imprévu. Charles IX est estomaqué quand on lui apprend que Coligny a été blessé par un tir d'arquebuse. Le lendemain, les chefs protestants expriment leur colère et leur volonté de se faire justice eux même. Le roi ne peut pas tolérer un tel désordre. Il donne l'ordre de faire assassiner Coligny et ses principaux adjoints (une quarantaine de personnes au total).



Duc de Raguse a écrit :
Le fait de se débarrasser de Coligny a d'une certaine façon "dérapé" dans la mise à mort des autres protestants présents à Paris ?

L'attentat manqué du 22 août crée un contexte nouveau. Avant l'attentat, Charles IX n'a pas le désir de tuer Coligny. L'amitié entre Charles et Coligny est indéniable.
Ni le roi ni sa mère (Catherine) n'ont voulu cet odieux attentat.



Duc de Raguse a écrit :
Le fait de se débarrasser de Coligny a d'une certaine façon "dérapé" dans la mise à mort des autres protestants présents à Paris ?
Ce qui est certain, c'est qu'après ces heures tragiques le pouvoir royal ne le condamne pas et l'assume donc d'une certaine façon.

Pendant la nuit de la saint-barthélémy, des centaines d'hommes et femmes sont massacrés. Charles IX et sa mère Catherine n'ont pas vu venir ce carnage. C'est la stupéfaction. Une opération limitée (tuer 40 ou 50 chefs protestants) a "dérapé". Ce dérapage n'était pas prévisible.
Je recommande la lecture d'une BD "Catherine de Médicis" aux éditions Glénat. La stupéfaction de Catherine est visible. Charles et Catherine sont attristés et consternés par le "dérapage". On peut se référer également à des ouvrages universitaires, de préférence des ouvrages publiés après les années 1980.



Liber censualis a écrit :
Nous savons déjà, avec certitude, que les Guises furent à l'origine de l'attentat du 22 août 1572 contre l'amiral de Coligny - ce qui déclencha la Saint-Barthélemy.

Restons calme. On se demande si Maurevert avait obtenu l'assentiment du duc de Guise. Il pouvait très bien agir sans demander l'assentiment des Guise.
En supposant que Henri de Guise soit réellement à l'origine de cette tentative d'assassinat, il a pris un risque considérable, car le roi a beaucoup d'estime pour Coligny. Il n'est pas prudent de provoquer la mort d'un ami du roi.
Il est évident que le duc de Guise aurait souhaité une mort cruel pour Coligny, mais il pouvait difficilement prendre ce risque. Mon opinion est que Henri de Guise était trop prudent pour prendre ce risque.
Une chose est certaine : les chefs huguenot ont immédiatement pensé que cet attentat était commandé par les Guise.


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