Victoire japonaise en trompe l'oeil car, en apparence, les États-Unis avaient subi un désastre. La flotte du Pacifique, ainsi qu'une partie de ses avions, semblait anéantie. En fait, sur 82 navires mouillant à Pearl Harbor le 7 décembre 1941, seuls 3 furent irrémédiablement perdus. Mais ces cuirassés, lancés entre 1909 et 1916, étaient anciens et n'auraient joué, dans la guerre, qu'un rôle mineur. Seize autres bâtiments avaient été touchés ; 9, rapidement réparés, naviguaient dès 1942. Aucun porte-avions n'avait été détruit - et pour cause. Deux étaient allés livrer des avions sur Wake et Midway ; le troisième reposait en cale sèche sur la côte ouest. En outre, les Japonais n'avaient atteint ni les réservoirs d'essence ni les ateliers. Si la flotte avait souffert, la base avait donc été - relativement - épargnée.
A l'inverse, les pertes japonaises n'étaient pas négligeables. Les 55 morts de l'aéronavale pesaient lourd pour un corps qui ne comptait que 2 000 pilotes. S'ajoutaient les appareils perdus et endommagés (30 % des forces déployées lors de la première vague). Bref, l'empire laissait plus que des plumes dans l'aventure. Surtout, ses ambitions furent déçues. Au départ, certes, le plan fonctionna. Mais, dès mai 1942, l'US Navy remporta la bataille de la mer de Corail, empêchant le Japon d'envahir l'Australie ; en juin, elle détruisit, à Midway, 4 porte-avions. Tokyo, par ailleurs, rêvait d'amener Washington à composer. Or, révulsée par la félonie japonaise, l'opinion publique, pourtant isolationniste, fit bloc autour de son président.
Victoire à court terme, Pearl Harbor portait non seulementi les germes de la défaite du Japon mais également de ses alliés allemands et italiens. L'Allemagne et l'Italie commirent une grave erreur en déclarant la guerre aux États-Unis le 11 décembre. Si Mussolini agit par bravade, Hitler procédait à un calcul rationnel. Pearl Harbor ouvrait un théâtre d'opérations en Asie qui absorberait les ressources américaines. Washington ne pourrait plus livrer de matériel de guerre à Londres, ce qui obligerait Churchill à traiter. Une déclaration de guerre, par ailleurs, permettrait aux U-Boote de frapper les convois qui secouraient le Royaume-Uni aux abois. « Le conflit est-asiatique nous tombe aujourd'hui comme un cadeau », se réjouit Goebbels. Hitler, cependant, mésestimait la puissance économique du Nouveau Monde, une puissance qui lui permettait de mener une guerre sur tous les fronts. Il ignorait aussi que Roosevelt, dès 1941, avait promis à Churchill de privilégier la lutte contre le Reich avant de frapper le Japon...
_________________ Le passé change parce que nous changeons
|