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Message Publié : 09 Déc 2022 10:42 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Un anniversaire sur un sujet brûlant depuis quelques décennies, de l'affaire des foulards de Creil au discours du président de la République en 2018 qui déplore le "lien abîmé" entre la France et l'Église qu'il s'agirait de réparer...

La loi de 1905 posait la neutralité de l'Etat et se voulait avant tout une loi de pacification...Si la loi a provoqué une terrible guerre franco-française sur le moment, l'apaisement intervient finalement assez vite : Clemenceau, nommé ministre de l'Intérieur en mars 1906, décide de suspendre les inventaires s'ils doivent se faire par la force. L'apaisement survient.

Dans les mois qui suivent, le 2 janvier 1907 et le 13 avril 1908, deux lois règlent de manière satisfaisante pour les deux parties les questions sensibles relatives à la propriété des bâtiments du culte et à l'utilisation des églises par les curés. Tout se trouve en place pour que l'Église catholique finisse par accepter une loi que les protestants et les Juifs, de leur côté, avaient immédiatement approuvée.

Le ralliement de l'Église à la loi de séparation, promesse d'un apaisement durable de la question religieuse, n'est pas un événement fortuit. Les inspirateurs de la loi, Briand et Jaurès au premier chef, voulaient rendre possible ce ralliement, et l'histoire leur a donné pleinement raison. Jean Baubérot voit dans ce libéralisme et dans ce pari sur la réconciliation à venir le noyau de ce qu'il propose d'appeler le « pacte laïque » , c'est-à-dire la capacité dont a fait preuve le camp laïque majoritaire à reconnaître qu'il existe chez l'autre - le catholique - un élément qui n'est pas négociable parce qu'il touche à son identité même. Préserver par exemple le rôle et l'autorité de l'évêque dans son diocèse, c'était envoyer à l'Église un signal sans équivoque.

A ce titre, la loi de 1905 a bien été une loi d'apaisement, en dépit du bruit et de la fureur qui l'ont environnée.

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Message Publié : 09 Déc 2022 10:52 
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Dans certains endroits les inventaires avaient nécessité l'intervention des gendarmes, et il est arrivé que les paroissiens sortent les fusils.

Clemenceau, pourtant très anticlérical, y a mis fin avec cette phrase : "Aucun calice ne vaut la vie d'un homme".

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Message Publié : 09 Déc 2022 12:25 
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Marc Bloch
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Sur le plan matériel la loi de séparation est très favorable à l'Église qui garde la charge des salaires (plus ou moins proportionnelle au nombre des fidèles) mais laisse aux communes celle de l'immobilier (lourde et rigide).

En outre le Pape retrouve la liberté de nommer les évêques (ou plutôt la trouve). Ce qui renforce considérablement son autorité. C'est la raison pour laquelle les Républicains ont hésité jusqu'en 1905 pour agir !

En revanche la loi est discutable sur deux points : le paiement des salaires par l État n'était pas un cadeau mais la compensation de la confiscation des biens du clergé en 1790. D'autre part le concordat était un traité qui a donc été unilatéralement dénoncé.


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Message Publié : 09 Déc 2022 12:44 
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J'ai déjà entendu des prêtres se féliciter que l'église de leur sanctuaire soit propriété de la commune, l'église n'ayant pas les moyens de l'entretenir.
En revanche, pour la même raison financière, le régime concordataire qui salarie les prêtres - comme en Alsace Moselle - est bien plus généreux que ce que le diocèse peut les payer mensuellement. (Ils sont à un niveau de l'ordre du RSA. Logés en général, mais ce n'est pas le Pérou.) Les considérations sur la richesse colossale de l'Eglise romaine, dont j'ignore le montant, n'effacent pas cette pauvreté du clergé - au moins en France - et ont le don de m'énerver, aussi mauvais catholique que je sois...

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Message Publié : 09 Déc 2022 14:04 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 19 Fév 2011 17:03
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Je ne comprends pas comment la loi de 1905 peut être vue comme une loi de pacification.

> Elle est dans le continuum des expulsions de religieux de 1903, qui ne sont pas précisément des lois destinées à mettre de l'huile dans les rouages.
> La nationalisation des biens du clergé refait surgir le spectre de la Révolution.
> Une loi est une loi, mais elle s'entend aussi avec ses décrets d'application. Les décrets prescrivant l'usage de la force publique, ou l'ouverture des tarbernacles... ne sont pas de nature à pacifier.
> Tout cela dans un contexte explosif, où dans un pays catholique à 95% il n'y a pas eu un seul catholique membre d'un seul gouvernement de 1877 à 1915.

Bref, en histoire on ne se préocupera pas de savoir si c'était bien ou mal, mais ce qui est certain c'est que les protagonistes de part et d'autre étaient dans une lutte à mort.
Si elle est devenue une loi à peu près apaisée et consensuelle avec le temps, c'est parce que toutes les parties ont mis de l'eau dans leur vin, et pas qu'un peu.

Je fais partie de ceux qui pensent que cette réconciliation n'a d'ailleurs été possible que parce qu'il y eut 1.5 millions de catholiques et d'anticléricaux tués côte-à-côte dans les tranchées.
Sinon, on y serait peut-être encore. D'ailleurs, dès 1924 le Cartel des Gauches voulait supprimer le Concordat en Alsace-Moselle, et c'est une demande constante de certains partis de gauche jusqu'à nos jours.


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Message Publié : 09 Déc 2022 15:29 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 23 Avr 2008 9:32
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Localisation : région de Meaux
Vézère a écrit :
Je ne comprends pas comment la loi de 1905 peut être vue comme une loi de pacification.

> Elle est dans le continuum des expulsions de religieux de 1903, qui ne sont pas précisément des lois destinées à mettre de l'huile dans les rouages.

La future loi de séparation est issue de travaux préparatoires, conduits par des modérés et non anticléricaux féroces ( Francis de Pressensé, Briand, Jaurès etc...). Aristide Briand en juin 1903, en a été nommé le rapporteur et il lui est revenu, en s'inspirant du texte de son collègue de Pressensé, d'élaborer la proposition de loi soumise au vote du Parlement.

Briand était soucieux d'aboutir à une loi qui ne blesse inutilement ni le sentiment religieux en général ni l'Église catholique en particulier.

De fait, c'est cette préoccupation qui a prévalu. En témoigne la disposition sur les « associations cultuelles » reprise dans l'article 4 du texte définitif. Cette disposition pouvait receler une bombe à retardement. Si les associations se formaient sans contrôle de l'évêque, comme le voulaient les plus radicaux, c'était les offrir aux laïques qui auraient pu les transformer à leur guise. Le schisme guettait. A l'inverse, les soumettre à l'évêque, c'était sauvegarder l'organisation catholique traditionnelle.

Ainsi l'a pourtant voulu le législateur, en spécifiant que les associations seraient formées « en se conformant aux règles d'organisation générale du culte dont elles se proposent d'assurer l'exercice » . L'extrême gauche libre-penseuse renâcle, déçue par la modération de cette mesure.
Certains catholiques français, jusque dans la hiérarchie, ont compris d'emblée ce qu'offrait la loi : rien de moins que la liberté, puisque l'État renonçait à contrôler le clergé, en commençant par la nomination des évêques.

Vézère a écrit :
> La nationalisation des biens du clergé refait surgir le spectre de la Révolution.


L'article 13 stipule que les édifices servant à l'exercice du culte, et propriétés de l'État, des départements ou des communes, sont « laissés gratuitement à la disposition » des futures associations. Jean Baubérot, à ce propos, n'hésite pas à parler d'une « subvention indirecte initiale », même si ces bâtiments ont été payés - en partie seulement - par les fidèles. La révolte des inventaires en février et mars 1906 n'a pas mis la France à feu et à sang. Dans les mois qui suivent, le 2 janvier 1907 et le 13 avril 1908, deux lois règlent de manière satisfaisante pour les deux parties les questions sensibles relatives à la propriété des bâtiments du culte et à l'utilisation des églises par les curés. Tout se trouve en place pour que l'Église catholique finisse par accepter une loi que les protestants et les Juifs, de leur côté, avaient immédiatement approuvée.

Vézère a écrit :
> Une loi est une loi, mais elle s'entend aussi avec ses décrets d'application. Les décrets prescrivant l'usage de la force publique, ou l'ouverture des tarbernacles... ne sont pas de nature à pacifier.

Préserver par exemple le rôle et l'autorité de l'évêque dans son diocèse, c'était envoyer à l'Église un signal sans équivoque.

Vézère a écrit :
> Tout cela dans un contexte explosif, où dans un pays catholique à 95% il n'y a pas eu un seul catholique membre d'un seul gouvernement de 1877 à 1915.

Là j'ai quand même des doutes (ne serait-ce que pour la pelleté de généraux ou amiraux qui ont siégé au gouvernement)... D'autant que depuis le 16 février 1892 et l'encyclique "Au milieu des sollicitudes"du pape Léon XIII qui appelle les catholiques à accepter les institutions républicaines française , rien de leur interdisait de participer...


Vézère a écrit :
Bref, en histoire on ne se préocupera pas de savoir si c'était bien ou mal, mais ce qui est certain c'est que les protagonistes de part et d'autre étaient dans une lutte à mort.

Il n'y a pas eu de guerre civile pour autant !


Vézère a écrit :
D'ailleurs, dès 1924 le Cartel des Gauches voulait supprimer le Concordat en Alsace-Moselle, et c'est une demande constante de certains partis de gauche jusqu'à nos jours.


Certains partis de gauche ont aussi appelé à généraliser les lois sociales en vigueur dans ces territoires à l'ensemble du pays ! :wink:

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Message Publié : 09 Déc 2022 16:50 
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Liber censualis a écrit :

Certains partis de gauche ont aussi appelé à généraliser les lois sociales en vigueur dans ces territoires à l'ensemble du pays ! :wink:

Que Dieu t'entende, mon enfant ! :mrgreen:

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Message Publié : 09 Déc 2022 21:11 
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Marc Bloch
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Pierma a écrit :
J'ai déjà entendu des prêtres se féliciter que l'église de leur sanctuaire soit propriété de la commune, l'église n'ayant pas les moyens de l'entretenir.
En revanche, pour la même raison financière, le régime concordataire qui salarie les prêtres - comme en Alsace Moselle - est bien plus généreux que ce que le diocèse peut les payer mensuellement. (Ils sont à un niveau de l'ordre du RSA. Logés en général, mais ce n'est pas le Pérou.) Les considérations sur la richesse colossale de l'Eglise romaine, dont j'ignore le montant, n'effacent pas cette pauvreté du clergé - au moins en France - et ont le don de m'énerver, aussi mauvais catholique que je sois...


En 1905 le budget de l Église catholique à la charge de l'état était de 40 MF soit 1% des dépenses de l'État.

Ube étude globale ici

https://books.openedition.org/pur/120987?lang=fr


Pour l'Église d'aujourd'hui on peut trouver des chiffres ici

https://www.riposte-catholique.fr/archives/173118


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Message Publié : 09 Déc 2022 22:41 
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Merci pour ces informations, Jérôme.

Je crois qu'il ne faut pas sous-estimer la virulence de l'anticléricalisme en 1905. Par exemple j'ai déjà signalé que Briand avait dû intervenir à la chambre contre une motion interdisant le port de la soutane en public. (Avec l'argument de bon sens que les prêtres trouveraient autre chose pour se distinguer.)

De plus, prendre argument des mesures d'apaisement prises en 1907 et 1908, comme l'arrêt des inventaires ou la gestion des biens de l'église finalement laissée aux évêques, n'efface pas que les premières mesures envisagées étaient plus virulentes.

Si Clemenceau a arrêté les inventaires, c'est bien parce que l'atmosphère dans de nombreux endroits était à la guerre civile autour des églises.

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Message Publié : 09 Déc 2022 23:36 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 05 Oct 2005 20:39
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Localisation : Lyon-Vénissieux
Bon il y avait aussi le milliard des congrégations

Certains se félicitent qu'on ait voté ces lois sur la laïcité mais si les généraux français en 14-18 avaient eu des valeurs morales, des valeurs chrétiennes ils n'auraient pas envoyé à la mort des centaines de milliers de soldats comme ils l'ont fait sans état d'âme.
>:(

_________________
Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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Message Publié : 09 Déc 2022 23:43 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
L'armée me semble être un endroit où se sont largement conservées les valeurs traditionnelles. Est-ce que les généraux de la Grande Guerre auraient affiché un athéisme militant ? Par ailleurs le respect de la dignité humaine se trouve également dans d'autres valeurs morales... Et 2000 ans de christianisme ne me semblent pas avoir détruit la guerre et l'usage décomplexé des combattants sur le champ de bataille...

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 10 Déc 2022 2:05 
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Marc Bloch
Marc Bloch

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Localisation : Versailles
Pédro a écrit :
L'armée me semble être un endroit où se sont largement conservées les valeurs traditionnelles. Est-ce que les généraux de la Grande Guerre auraient affiché un athéisme militant ? Par ailleurs le respect de la dignité humaine se trouve également dans d'autres valeurs morales... Et 2000 ans de christianisme ne me semblent pas avoir détruit la guerre et l'usage décomplexé des combattants sur le champ de bataille...


Je pense que Pouzet fait allusion à l'affaire des fiches qui a mis en avant des généraux "républicains" comme Joffre.

Cela étant il est difficile d établir des parallèles rigides. Castelnau et Petain étaient réputés pour economiser le sang des soldats. Le premier était très pieux (comme Foch) et le second pas du tout (comme Joffre).


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