monoli a écrit :
Avant de continuer cette conversation, pouvons-nous nous mettre d'accord sur 2 points ?
_ Les thèses de Gimbutas, et de ses successeurs, regroupées sous le vocable de 'théorie des kurganes', et les thèses de Demoule, sont trop différentes pour qu'on puisse envisager le moindre rapprochement de fond. Elles sont antinomiques. L'une exclut l'autre et vice-versa.
Non. La science ne fonctionne pas comme cela. Il y a des théories, plus ou moins contradictoires. On se réunit, on nomme cela des conférences, des symposiums, des ... Donc, si possible lors de la même réunion, différents intervenants posent l'état de la science sur le point qui fait controverse. Les pairs posent des questions, on les éclaircie, ou pas. On propose éventuellement des moyens de conforter les points litigieux, et ... L'un des exemple concerne la biologie, sur certains points les thèses de Mendel et de Darwin se complétaient, sur d'autres elles se contredisaient. Aucune des 2 n’expliquaient de manière convaincante comme évoluait le vivant. Il y a eu une série de réunions, des travaux intermédiaires, on a tout réécrit et maintenant cela s'appelle
Théorie Synthétique de l’Évolution ou TSE. On sait qu'elle est imparfaite, elle n'a pas encore intégrée toutes les découvertes en cours apportées par l'épigénétique. En fait, on agrège les découvertes au fur et à mesure qu'elles se font et on corrige la TSE. Entre la fin des années 50 et maintenant, la théorie a évoluée, au fil des découvertes. Est-elle darwinienne ou mendelienne ? Personne n'est capable de le dire. Mais, elle est plus juste que ne le furent les théories initiales de Darwin ou Mendel. Il y a de nombreux exemples de théories "antinomiques" qui n'expliquaient que partiellement ce qui se passait. La solution fut simplement d'écrire une 3ème théorie en prenant ce qui fonctionnait dans les 2 premières. Et parfois on a écrit une 4ème, puis une 5ème, puis ... chaque nouvelle théorie collant un peu mieux à la réalité. Et puis, parfois, manque de chance, apparait une observation qui contredit la théorie... hé bien, on recommence, on propose une nouvelles théorie, on se réunit, on discute, on modifie, on rediscute, jusqu'à ce que le consensus se fasse.
Voilà comment fonctionne la science, il est hors de question de prendre l'une ou l'autre, mais de prendre ce qui fonctionne chez l'une et ce qui fonctionne chez l'autre, puis de les ajuster de manière à avoir une théorie qui colle le plus possible aux faits, car c'est de cela qu'il s'agit : une théorie scientifique explique la réalité. Si elle ne colle pas à la réalité, il faut l'abandonner. Au fait, avez-vous lu ma signature ? "Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable." A partir du moment où vous dite que votre théorie "est" et qu'il est impossible de démontrer qu'elle pourrait être fausse, elle n'est plus scientifique et devient une croyance.
monoli a écrit :
_ Concernant l'article de S&V, il y a deux niveaux de lecture.
a) un niveau que j'appellerai de 'factuel' : les études génétiques semblent démontrer des migrations des steppes vers l'Europe, migrations ayant engendré un bouleversement démographique en Europe. Remplacement partiel de la population, remplacement 'quasi-total' de la population masculine.
b) un niveau que j'appellerai de 'conceptuel' : ces migrations sont à mettre en corrélation avec la recherche sur les 'indo-européens' et la diffusion des langues indo-européennes.
Je précise que je ne vous demande absolument pas de 'valider' les thèses. Je parle juste du niveau de lecture.
Dans l'attente.
Pour ce qui concerne la préhistoire en général, il y a des observations et des artefacts qui concernent plusieurs domaines scientifiques. En ce qui concerne la présente discussion, il s'agit essentiellement de la linguistique, de la génétique et de l'archéologie (l'archéologie étant le terme qui semble désigner le mieux tout un tas de sciences qui étudient les fossiles, les artefacts, et les traces plus ou moins éparses du passé). Il faut bien comprendre un point essentiel, les observations et les artefacts sur lesquels se basent ces 3 sciences pour expliquer ce moment de l'histoire du vivant doivent être expliqués de manière satisfaisante par une théorie synthétique qui regroupe les explications des 3 domaines scientifiques. L'un des 3 ne peut pas avoir raison de manière prioritaire. L'une des 3 ne peut pas contredire les 2 autres ou être contredite par les 3 autres.
Bref, à un moment ou un autre, il faudra un consensus et il faudra que ce consensus explique l'ensemble de ce qu'on constate. Qu'un seul point ne soit pas expliqué et ce sera la preuve que la théorie devra être complétée. Scientifiquement parlant, la thèse de Demoule et la thèse de Gimbutas ne pouvant expliquer tout ce qu'on constate que ce soit dans le camp linguistique, génétique ou archéologique, cela implique que toutes les 2 sont fausses. Hé oui, je sais et j'accepte que la théorie de Demoule soit fausse. C'est cela la démarche scientifique. Mais, le fait que la théorie de Demoule soit fausse n'entraîne pas que la théorie de Gimbutas soit vraie. COmme je vous l'ai expliqué avec Darwin et Mendel, ce n'est pas l'un
OU l'autre, mais soit
NI l'un,
NI l'autre ou l'un
ET l'autre. Peut-être 30% de l'une et 40% de l'autre et le reste de théories éparses qui expliquent ce que ni l'une, ni l'autre n'arrivent à expliquer.
Revenons à :
monoli a écrit :
_ Concernant l'article de S&V, il y a deux niveaux de lecture.
a) un niveau que j'appellerai de 'factuel' : les études génétiques semblent démontrer des migrations des steppes vers l'Europe, migrations ayant engendré un bouleversement démographique en Europe. Remplacement partiel de la population, remplacement 'quasi-total' de la population masculine.
Oui, il y a un "flux" génétique qui va des steppes vers l'Espagne, et je l'ai signalé dans des discussions où j'ai posté des informations là-dessus. Il semble qu'il y a un problème de calage des horloges. Il y a une horloge archéologique qui est calée par l'étalonnage des artefacts avec la datation carbone, mais aussi d'autres datations. Et il y a l'horloge génétique qui est calée sur un certain nombre de fossiles. Pour ce flux génétique, il y a un problème de calage, comme je l'ai dit. L'archéologie vois des cultures stables aux dates indiquées par la génétique, et elle voit des changements à d'autres dates et qui ne semblent pas aller dans le bon sens. Le point d’achoppement de tout cela semble être ce qu'on nomme
l’énigme Campaniforme.Et il faut recaler les Yamnayas, là dedans. C'est bien pour cela qu'on parle d'un peuple "fantôme". Soit il est bien réel, et il faut expliquer pourquoi les archéologues ne le "voient" pas. Soit il s'agit juste de gens qui voyagent à titre individuel et qui ont eu la chance que leurs gènes aient été sélectionnés, et il faut trouver une explication pertinente à la diffusion des langues indo-européennes, et surtout expliquer pourquoi cette diffusion colle si bien à l'existence génétique des Yamnayas...