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b sonneck a écrit :
Pourquoi tant de ralliements à Napoléon en 1815 ?[/i] ", page 3/4 de la discussion.
Ce ne sont pas des ralliements, Bonaparte est le héros romantique par excellence.
Certains -tel Stendhal- qui a servi ne se souvient que des moments qui nourrissent son style.
Il n'y a aucun recul pour que le sens critique se fasse une place, aucune envie non plus : on se lâche et on s'en rajoute.
Si la propre vie des auteurs (ce n'est pas le cas pour Musset) n'offre pas son panel de souffrances et bien on se donne des modèles et -à travers ces modèles- l'introspection de l'auteur peut noircir des pages.
C'est tout nouveau cette introspection : avant il ne fallait rien laisser paraître des émotions. Tout à coup, elles se doivent d'être paroxystiques et décrites dans les moindre détails.
Le coeur, les battements, les accélérations, l'affadissement du teint et de l'intérieur etc. Une aubaine qui a servi les médecins durant un long temps.
NB est un héros "
romantique" que l'Europe nous envie, il a rêvé (la propagande impériale s'est faite très sélective) et a accompli la plupart de ses rêves. Il existe une dimension christique. C'est le martyr par excellence des froids de l'âme et taiseux des émotions (ainsi semble le reste de l'Europe).
Chez les voisins, on exalte Guillaume Tell ou autre héros sorti d'une saga empoussiérée. Ces héros et les états qui leur sont prêtés sont déclinés (opéras, romans, poésie etc.).
Citer :
La question que je me pose : lequel des deux à inspiré l'autre ?... La Confession a été publiée en 1836 ; les Mémoires l'ont été plus tard, mais je ne sais pas à quelle date Châteaubriand a écrit ce chapitre
La boite était entrebaillée mais Chateaubriand a su l'optimiser.
Lui-même s'analyse dans "René" : voilà pourquoi cette autobiographie un peu romancée le gêne autant. Elle donne les clés à ce qui s'inscrira comme le "mal du siècle".
Toutes mes excuses pour la longueur :
[...
cette vie qui m'avait d'abord enchanté, ne tarda pas à me devenir insupportable. Je me fatiguai de la répétition des mêmes scènes et des mêmes idées. Je me mis à sonder mon coeur, à me demander ce que je désirais. Je ne le savais pas (voici le ressort)
... j'embrassai ce projet avec l'ardeur que je mets à tous mes desseins...
... On m'accuse d'avoir des goûts inconstants, de ne pouvoir jouir longtemps de la même chimère, d'être la proie d'une imagination qui se hâte d'arriver au fond de mes plaisirs, comme si elle était accablée de leur durée ; on m'accuse de passer toujours le but de ce que je puis atteindre ; hélas ! Je cherche seulement un bien inconnu dont l'instinct me poursuit. Est-ce ma faute si je trouve partout des bornes, si ce qui est fini n'a pour moi aucune valeur ? Cependant je sens que j'aime la monotonie des sentiments de la vie et, si j'avais encore la folie de croire au bonheur, je le chercherais dans l'habitude.Comment voulez-vous être contenté avec un tel cahier des charges qui annonce tout et son contraire : c'est le tourment de l'âme et on tourmente et on s'en rajoute... L'homme hormis quelques années de "galère" fut-il tant à plaindre ? Le problème est que les suivants naitront dans cette ambiance "mal de vivre" et l'augmenteront avec la prise d'alcool, en accumulant les débordements de passions etc.
... J'étais accablé d'une surabondance de vie ... O faiblesse des mortels...]
Le héros se doit d'être seul et incompris. Il doit tendre aussi vers un absolu qu'il soit spirituel ou autre.
Vous citez Musset, je vous avais avancé Lamartine (
Borné dans sa nature, infini dans ses voeux...). Je rajoute Vigny (
Gémir, prier, pleurer .... Souffre et meurs sans parler...), Baudelaire (
Souvent les hommes d'équipage .... le poète est tel .... ses ailes de géant l'empêche de marcher...).
Mais qu'une solution se dresse afin de sortir de ce néant (d'ailleurs Chateaubriand comme Stendhal ou Hugo ont trop d'ambitions matérielles pour se laisser abattre) et aussitôt elle est renvoyée comme un aléa de plus. On se doit de souffrir de la solution des souffrances.
La solution ne peut être qu'onirique et l'homme s'écarteler à l'atteindre. Voyez Verlaine encore teinté du style (
Souvent je fais ce rêve...).
Ceci est mieux explicité chez les auteurs anglo-saxons. On refuse la potion de bien être et l'on voit dans ce refus un tourment de plus.
Vous avez Housman que nous connaissons à travers le film "
Out of Africa" et le poème cité aux obsèques de Denys Finch Hatton : "
To an Athlete dying young" ainsi que le toast porté à la fin "
... rose-lipped maiden, light footed lads...", vous avez E. Barrett-Browning que l'on lit chez le romancier Slaughter (first sonnet of the Portugese) ; Whitman optimisé dans "
Le cercle des poètes disparus" (... Captain, my Captain... ) etc. Outre-Rhin, on atteint le fond.
Il m'est arrivé de me poser la question : et si, Don Quichotte -ôté du cadre picaresque- était un héros romantique ? La chanson de Brel lui offre cette possibilité ainsi que la recherche -jusqu'à la folie- du personnage.
Racine nous offre aussi des personnages terriblement romantiques. Le XVIIe en est remplit.
Lorsque tout les tourments ont été auscultés, reste l'incontournable jeunesse envolée : et hop ! On repart... puis les craintes de la mort à venir mais qu'est la mort : "
J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans"...
Chateaubriand -en France- aura le temps de voir poindre et grandir de nouveaux talents mais -pour s'en rajouter une couche- il se voit l'auteur de ces tourmentés, n'a-t-il pas ouvert la boite de Pandore ?
Cependant, son orgueil se garde une marge : toujours imité il est, jamais égalé il ne sera !
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