Yongle a écrit :
je suis assez d'accord avec vous. Les coïncidences mêmes extraordinaires demeurent possibles, alors pourquoi s'en priver dans un roman ? Personnellement, je trouve que cela nuit à l'intérêt du récit à partir du moment où les coïncidences complètement improbables se multiplient jusqu'à en devenir impossibles un peu comme dans la trilogie des mousquetaires d'Alexandre Dumas. Mais bon, il demeure un des meilleurs livres que je n'ai jamais lus.
Si ça reste l'un de meilleurs livre que tu ais jamais lu, c'est que ces coïncidences improbables voir impossibles ne nuisent justement pas au roman. Outre qu'elles font partie du charme de la littérature feuilletonesque à laquelle appartient la trilogie des mousquetaires. Ces invraisemblances n'en sont que par rapport à la réalité, hors le propre d'une fiction c'est justement de ne pas être la réalité. Et non la fiction n'est pas la pâle copie du réel, la fiction crée un autre monde, qui peut être baser en partie sur le réel, mais qui ne pourras jamais se confondre avec. A partie de là ce qui compte c'est la cohérence de l'ensemble. Le réalisme et la vraisemblance réaliste ne sont un impératif que si l’œuvre a pour ambition d'être une restitution du réel (mais bien sur ce réel, même chez des auteurs aussi scrupuleux que Flaubert, Maupassant ou Zola, n'est qu'une convention, d'ailleurs leur génie réside dans la prise de distance poétique par rapport au réel que représente leur style). Je pense que n'importe quel lecture lucide conviendras que Dumas et ses collaborateurs étaient très très loin de ce genre de préoccupations. Le projet poétique des romans de Dumas se nourrie de ces "invraisemblances" qui sont la matière du récit et qui dans l'univers romanesque ne sont en fait pas des "invraisemblances", elles obéissent tout simplement a logique propre au roman. A ce titre elles n’empêche nullement de prendre du plaisir à la lecture puisqu'elles font partie d'un projet cohérent.
C'est encore plus flagrant dans
Les misérables de Victor Hugo ou là nous avons vraiment la création d'une autre monde par la littérature, Victor Hugo fait partie de ces écrivains (un autre exemple dans un style radicalement différent pourrait être Joyce, ou même Tolkien ou là c'est manifeste et même théorisé) qui ont une ambition totalisante comme si ils voulaient incorporé tout l'univers a leur romans. Projet bien évidement voué a l’inachèvement mais qui se traduit chez eux par la création pour chaque roman d'un monde quasi-autonome.
Les misérables offrent donc un microcosme régie par ses propres loi, sa propre logique interne ou les invraisemblance sont justifié par une vision du destin, dans un univers ou les hommes sont libre mais pris dans un gigantesque plan divin bien évidement insondable mais manifesté par ces coïncidences qui lient tous les personnages entre eux (et également par des épisodes comme le mémorable récit de la bataille de Waterloo).
Les coïncidences improbables des
misérables ne le sont pas selon la logique interne de ce livre monde qui méle fiction mélodramatique (a ne pas prendre ici dans un sens péjoratif, c'est un constat), "balzacienne" (tout le passage de Montreuil sur mer avec la réussite économique de Monsieur Madeleine et la déchéance sociale de Fantine) et feuilletonesque (les effets de suspenses avec les évasion de Jean Valjean et son jeu de cache avec Javert) et des réflexions propre a Hugo sur le destin et le sens de l'histoire (Waterloo), sur les égouts de Paris (et la topographie parisienne d'une manière général), sur l'argot, sur les couvents et la religion et même de considérations autobiographiques (Marius jusque dans sa relative médiocrité, est une transposition du jeune Victor Hugo, et bien sur tous les passages ou le narrateur intervient directement et se confond avec Hugo). Tout ça participe a enrichir la fiction et a lui donner une épaisseur qui contribue a faire du roman un univers a part entière, sans qu'il se confonde pour autant avec le réel, il n'en est qu'une image idéalisé (dans le sens d'une certaine abstraction), mais surement pas une pâle copie.