https://www.lhistoire.fr/c%C3%A9line-%C ... %A9couvertCiter :
Anne Simonin dans mensuel 499
Le 28 décembre 1914, alors que, blessé, il est à l'hôpital, Céline se voit, en effet, attribuer la plus prestigieuse des décorations de guerre, la médaille militaire, assortie d'une rente viagère de 100 francs-or. « Seules 10 000 médailles militaires furent distribuées entre août 1914 et novembre 1915, alors qu'en 1914 l'armée française, de loin la plus atteinte, avait déjà perdu 417 000 soldats, morts, disparus ou capturés », écrit Odile Roynette. Le 8 avril 1915 la croix de guerre, qui vient d'être créée, lui est également décernée.
On connaissait, par ses confidences faites à Robert Poulet en 1957, auxquelles renvoie l'éditeur Pascal Fouché, un épisode peu glorieux de la guerre de Céline : une désertion collective accompagnée du vol de la caisse du régiment. A Robert Poulet, Céline, « seul survivant de cette épopée grotesque », racontait l'incident en insistant sur sa dimension collective et sur la responsabilité de l'officier « qui n'a pas eu la force de résister à cette dépravation collective ». Ce devait être la trame de Casse-Pipe, entrepris en 1937, manuscrit également confisqué en 1944, dont la publication est attendue en 2023.
Si Céline avait été le moins du monde soupçonné de ce dont il s'avoue, à demi-mot, coupable dans Guerre, d'abandon de poste et de complicité de vol de la caisse du régiment, il eût été immanquablement fusillé (les deux tiers des 1 010 fusillés de la Grande Guerre le sont entre septembre 1914 et décembre 1915). Or, à la place du conseil de guerre et du poteau ? La médaille. Guerre rapporte sa réaction quand on lui lit sa « magnifique citation » sur son lit d'hôpital. Céline écrit : « Je me dis d'emblée, Ferdinand y a erreur. C'est le moment d'en profiter. J'ai pas eu je peux le dire deux minutes d'hésitation. De tels retournements des choses ne durent pas. »
Toute sa vie Céline souffrira de maux de tête et de vertiges qu'il attribuera à une trépanation. Il n'a jamais été trépané (alors qu'il a été gravement blessé au bras). Mais s'est-il jamais remis, y compris physiquement, d'avoir obtenu la plus haute et la plus rare distinction militaire alors qu'il n'en était pas digne ? « Et puis j'ai pensé à la sacoche, à tous les fourgons [du régiment] bien pillés et alors j'avais trois fois mal, à la fois au bras, à toute la tête au bruit horrible et plus profond encore, à la conscience. » En 1915, son indignité, Céline ne peut pas la vivre : « Je lui disais pas que c'était du roman ma médaille, il m'aurait pas cru. » Il fera donc héros.