A cette période, pour la masse des fidèles, l'instruction (notamment la lecture de la Bible en langue vernaculaire) commence à peine. L'enseignement laisse évidemment peu de place à l'improvisation et le chant est un instrument pour fixer dans la mémoire certaines notions "de base". Nous n'en somme effectivement pas au stade où les fidèles sont suffisamment mûrs pour composer eux mêmes leurs chants et en laisser la trace écrite, d'où le besoin d'un corpus sur lequel se baser pour propager les "idées nouvelles" je pense.
En revanche, ce que je trouve intéressant : Marot et de Bèze sont avant tout des poètes et des hommes de lettre. Ce n'est que vers 1548, au contact de Calvin, qu'ils reçoivent une formation théologique, en dehors du circuit des universités de l'époque (celle de Genève est fondée par Calvin dix ans plus tard).
Louis Bourgeois, qui compose la musique du psautier de Genève, n'est pas non plus un ecclésiastique. Il est embauché en sa qualité de compositeur en avril 1550 par Calvin pour rédiger un traité nommé "certaine feuille pour apprendre à chanter", à destination des membres de l'église de Genève. C'est un travail pour lequel il est payé : sans remettre en cause les convictions personnelles qu'il a pu avoir, ça casse tout de même un peu le mythe de la vocation sacerdotale...
Claude Goudimel et Henrich Schütz sont également des "laïcs" qui prendront la liberté de mettre leurs talents au profit de leur communauté. L'instruction faisant des progrès, nous verrons donc de plus en plus de fidèles commencer à laisser la trace de leurs compositions et à sortir du "carcan rigide" du psautier hérité de Calvin. J.-S. Bach est "l'aboutissement" de ce processus de "prise de liberté" au sein de la liturgie (ça ne sera d'ailleurs pas sans lui poser quelques problèmes au début de sa carrière, au sein de l'église luthérienne de Lübeck...)
Mais en même temps, le psautier conserve sa raison d'être, car il unifie les communautés entre-elles, il donne un répertoire commun, un "fonds culturel" bien distinct de celui des catholiques. Nous rejoignons ici l'idée d'Alceste : le chant comme moyen d'unifier, de créer une identité.