Hypolite a écrit :
"Une réponse originale et profondément humaniste au risque de l’absurdité de la Vie est la doctrine de l’Eternel Retour. "
C'est l'hypothese dévellopée par Fridriech Nietzsche et elle est pour moi la seule envisageable ! En effet, ce qui fait l'individu est son patrimoine génétique ajouté à la somme de ses experiences, donc, la seule facon pour nous de revenir est de revivre exactement les mêmes évenements !
Le temps éternel nous recalculera forcément une infinité de fois, donc, nous revivons la même vie éternellement dans l'anneau de l'éternel retour !
Comme dirait Nietzsche, c'est le grand OUI à la vie !
Peut-être n'ai-je pas une compréhension orthodoxe ou correcte de Nietzsche, mais je ne comprends pas l'Eternel Retour au sens strict, je ne le vois pas comme "revivre exactement les mêmes évènements". Au passage, Rochejaquelein, c'est encore moins de la réincarnation.
Si l'Eternel Retour était à comprendre au sens strict, il me semble que plusieurs problèmes se poseraient. Tout d'abord si recommencement éternel il y avait, l’ « expérience » disparaitrait par définition ; donc si l’on reprend votre définition de l’individu, il n’y a plus d’invidu… De plus « le temps éternel nous recalculera forcément » ressemble fort à du déterminisme, position à mon avis intenable : si tout est pré-déterminé, notre idée de déterminisme l’est aussi : mais alors comment juger de sa valeur ? Ou alors il faut y « croire », et là on est dans le mysticisme le plus complet…
Ensuite ce ne pourrait pas être un hymne à la Vie (ce que Nietzsche affirme qu'il est): ainsi comment souhaiter le retour éternel d'Auschwitz (certes je fais un peu d'anachronisme: Nietzsche ne l'a pas connu, mais il est exclus qu'il n'ait pas envisagé ce type de problème), comment accepter une Vie qui annoncerait le retour éternel de l’Ignoble? On parle alors trop rapidement de la cruauté de Nietzsche: mais, exemple au combien symbolique, ne sombre-t-il pas d'avoir voulu sauver un cheval battu par son cocher? Il n'est pas cruel mais demande à l'Homme de ne pas courber la tête devant ses idoles.
Ensuite un Eternel Retour strict serait contraire à toute notion de libre arbitre (on rejoint le déterminisme), donc de volonté, donc aucune "volonté de puissance" ne peut exister. En effet tout serait aussi bien passé que devenir, or "Le vouloir ne peut rien sur ce qui est derrière lui." (Ainsi parlait Zarathoustra - De la rédemption). Aucun renversement des valeurs n'est possible (toute valeur renversée reviendrait inéluctablement). On ne ferait que tourner et re-tourner le sablier, sans jamais le briser. Or le libre arbitre est fondamental: sans lui l'Homme ne peut tuer Dieu, sans lui l'Homme ne peut s’assumer ni aspirer à se dépasser ; il ne peut devenir sur-homme. S'il y avait un recommencement éternel à l'identique, alors l'Homme "chameau" qui devient "lion" puis "enfant" (cf. Les Métamorphoses, Ainsi parlait...) ne dépasserait jamais le statut du chameau (ie la soumission de l'esclave)...
L'Eternel Retour est la Vie que le sur-homme assume. A mon avis il comprend deux volets:
- d'abord l'affirmation de la (re-)naissance continuelle de l'Homme: rien n'est acquis, le passé est révolu, mort, et la vie est dans le (re)commencement continu: temporel pour chaque individu, éternel en tant que cycle de vie. La connaissance en particulier est sans limite, ou n’existe pas ce qui est pareil, car en perpétuelle (r)évolution. Est-ce alors à dire que la Vie serait une Mort permanente ? En tous cas ce serait sans acceptation sinistre : au contraire il s’agirait de donner à chaque instant autant d’importance que s’il était l’éternité même. Je pense que l’on pourrait même in fine parler d’érotisation de la Vie : ce serait à développer, mais à titre d’anecdote ne parle-t-on pas de « petite mort » pour caractériser l’instant où la Vie se (re)crée ou pourrait se (re)créer…
- ensuite il s'agit d'un impératif moral (ou plutôt de vertu, tant "moral" semble un mot inadapté pour la pensée de Nietzsche): la Vie doit être vécue jusqu'au point de n'en rien regretter, jusqu'au point de vouloir recommencer. Aucune rédemption externe (Dieu, le Paradis) n'est à attendre (ce serait trop simple...), donc chacun doit en quelque sorte construire sa propre rédemption: je suis bon parce que j'existe, et non pas parce que Dieu me récompensera... L'Eternel Retour c'est la solitude absolue de l'Homme face à lui-même, le refus des systèmes qui amènent à se détourner de la Vie pour une hypothétique récompense dans un non-moins hypothétique au-delà. L'Homme vrai, le sur-homme, est avant tout honnête et clairvoyant vis à vis de lui-même (Le Gai Savoir (citation grossière!): Que dirais-tu si un jour un démon se glissait jusqu'à toi et te disait que tu vas tout revivre, à l'identique, et ce pour l'éternité, sans pouvoir rien changer? Tu lui dirais avec horreur "va-t-en tu n'es qu'un démon". Ou bien as-tu vécu l'instant sublime où tu lui dis "Tu es un Dieu, sois le bienvenu"). C'est à dire que l'Eternel Retour est un Vouloir atteint par le sur-homme, et non pas une condition de l'homme.
A mon avis, ce qui boucle sur le sujet de ce débat, cette vision est compatible avec l’idée d’un Grand Horloger décrit par Voltaire, en explicitant clairement l’indépendance, donc la solitude, foncière, enivrante et terrifiante de l’Homme dans cette horloge.