Bonjour,
Aigle a écrit :
... Ne surévaluons nous pas aussi la puissance turque? Je veux dire par là qu'il était difficile de prévoir en 1450 le formidable essor ottoman. Les contemporains pouvaient très bien trouver que le siège de 1453 n'était qu'un épisode dans une longue suite de conflits locaux sans impact sur l'Europe. Presqu'une anecdote ?
Les rivalités entre les différents états balkaniques, Constantinople et Rome, Venise et Gênes vont certes favoriser l'essor ottoman mais penser qu'il n'était pas prévisible...
1371 : défaite des Serbes, prise de Serrès, Drama et Kavala
1385 : prise de Sofia, Nich et Larissa l'année suivante ; le tsar de Bulgarie est vassal de Mûrad Ier
1387 : prise de Salonique
1389 : défaite des Serbes à Kosovo, au même moment les Bulgares sont écrasés à Nicopolis, la Bulgarie entière passe au pouvoir des Ottomans
1395-97 : siège de Constantinople par Bâyezîd Ier
1396 : Sigismond roi de Hongrie lance un appel à la croisade relayé par Boniface IX. Français, Anglais et quelques Italiens se joignent aux Hongrois. Le choc se produit à Nicopolis et s'achève par l'écrasement complet des croisés.
Cette défaite a un profond retentissement en Europe.
Un petit passage de Tamerlan en 1402, dès 1413 l'Etat ottoman est restauré dans ses frontières d'avant 1402. Reprise de l'expansion en Europe : Serbie et Valachie sous suzeraineté ottomane
1422 : siège de Constantinople, échec de l'assaut, abandon
1439 : fin de l'indépendance de la Serbie, le roi de Bosnie paie tribut
1444 : victoire de Varna
1446 : conquête du Péloponnèse
Délivrée des Latins en 1261, Constantinople n'était plus qu'un champ de ruines. Les Paléologues trouvèrent un empire un peu épuisé : luttes religieuses, luttes de classes, intrigues... Byzance fut d'abord vaincue par elle-même.
[… les paysans serfs ont parfois salué l'approche des bannières du Prophète avec des sentiments qu'on peut comparer à ceux qui les firent accueillir plus tard les armées de la Révolution française...] (F. Babinger,
Mehmet II "le Conquérant" et son temps).
[
Aucune dynastie européenne n'a produit dix souverains possédant des capacités aussi remarquables sur une période de deux siècles et demi.] (W. E. D. Allen,
Problems of Turkish Power in the Sixteenth Century).
Les Byzantins dès le XIVème montrent leurs limites. Jean VI Cantacuzène demande à Orhan de lui venir en aide contre son rival Jean V Paléologue et lui donne sa fille en mariage.
[... La liste serait longues des filles des grandes familles byzantines, appartenant même à la famille impériale, qui épousèrent des princes turcs. Les habitants pouvaient à peine faire une distinction entre Grecs et Turcs. Les princes grecs s'étaient confondus en grande partie par des mariages, des services et des espérances dans la nouvelle formation destinée à les engloutir tous.] (N. Jorga,
Histoire des Etats balkaniques).
Après Varna, voyant que c'était chaud, Jean VIII essaie de se concilier l'amitié du sultan, sans succès. Constantin Dragasès fit proclamer l'union des Eglises à la fureur des orthodoxes, fureur exprimée par "Mieux vaut voir régner à Constantinople le turban des Turcs que la mitre des Latins".
Byzance était isolée politiquement : Mehmet II avait fait la paix avec Jean Hunyadi, Venise et Gênes et les Chevaliers de Rhodes...
Un moment aurait peut-être été propice pour se reprendre : le passage de Tamerlan et l'instabilité laissée. D'autres que moi sauront mieux apprécier cette hypothèse.
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