monophysisme : Ensemble des hérésies qui ne reconnaissent pas en Jésus-Christ l'union de deux natures (divine et humaine ), liées et cependant distinctes. Il existe plusieurs formes de monophysisme, mais le mot fut d'abord employé pour désigner la doctrine d'Eutychès, qui privilégiait la nature divine de Jésus au détriment de son humanité, condamnée par le concile de Chalcédoine (451 ). Aujourd'hui, une partie de chacune des Églises arménienne, copte, éthiopienne et chaldéenne est monophysite.
l'histoire du monophysisme :
Peu après la mort de Cyrille d'Alexandrie (444 ), de nouvelles querelles christologiques s'élevèrent dans la chrétienté et, en réaction contre l'hérésie du nestorianisme (qui voulait distinguer en Jésus-Christ deux personnes ), apparut le monophysisme, qui ne voulait considérer qu'une nature dans le Christ, ce qui constitua une nouvelle hérésie, plus importante et plus profonde que la première. Le précurseur en avait été Apollinaire le Jeune (v. 310 - v. 390 ), évêque de Laodicée, qui, dans sa Démonstration de l'Incarnation de Dieu, énonça une doctrine déniant au Christ un corps humain animé d'une âme sensible puisque sa propre divinité en tient lieu : «La divinité et la chair sont deux parties constitutives d'une seule nature, de même que, dans l'homme ordinaire, on a une seule nature formée de deux parties imparfaites, l'âme et le corps.» Ainsi, en ne laissant à Jésus-Christ qu'un corps sans âme, Apollinaire ne lui accordait qu'une humanité équivoque, incomplète, et qui, n'étant pas consubstantielle à celle de l'humanité terrestre, compromettait, dans son fondement l'action même de la rédemption. La doctrine d'Apollinaire, combattue en 377 par le pape Damase, fut vigoureusement condamnée par le concile de Constantinople (381 ).
Mais la subtile dissection à laquelle s'était livré Apollinaire préparait l'hérésie monophysite. Cette doctrine ne prétendait reconnaître en Jésus-Christ qu'une seule nature (en grec, monos, unique, et physis, nature ). Pour la réfuter, l'Église fut ébranlée très profondément tout au long de la seconde moitié du Ve siècle.
Le véritable promoteur de cette hérésie fut Eutychès, archimandrite (c'est-à-dire supérieur ) d'un monastère de Constantinople. En novembre 448, Eutychès se vit condamner et déposer par le synode de cette ville (synode endemousa ) pour avoir soutenu que le Christ est de deux natures (humaine et divine ) avant l'Incarnation, mais non après (dès lors, il ne possède plus qu'une nature, la divine ), et que la Vierge Marie est consubstantielle à l'humanité, mais non le Christ. Ne se tenant pas pour battu, Eutychès, quoique condamné par le patriarche de Contantinople, obtint de l'empereur d'Orient, Théodose II, la convocation d'un concile général afin de réexaminer sa doctrine. Ce concile, que Théodose II convoqua à Éphèse, en 449, devint le théâtre de scènes violentes qui restèrent dans les annales de l'histoire de l'Église sous le nom de «brigandage d'Éphèse ». Le concile s'ouvrit sous la présidence de Disoscore, patriarche d'Alexandrie, et partisan du monophysisme. Très vite, menaces physiques et coups contraignirent les opposants d'Eutychès au silence : «Anathème celui qui met deux natures dans le Christ ! Qu'on le chasse, qu'on le massacre !» Le patriarche de Constantinople mourut en prison à la suite des coups qu'il reçut. La doctrine des «deux natures » fut rejetée, et après avoir déclaré Eutychès orthodoxe et chassé du pouvoir tous ceux qui ne partageaient pas ses vues, le concile rétablit l'archimandrite dans ses fonctions.
À Rome, apprenant ces événements, le pape Léon Ier convoqua aussitôt un synode (septembre 449 ), qui condamna formellement les conclusions du concile d'Éphèse. Cependant, devant les dangers que représentait pour l'Église entière l'hérésie d'Eutychès, Marcien caressait le projet d'un nouveau concile général. Après de nouvelles péripéties violentes (dont la mort accidentelle de Théodose II ), ce nouveau concile œcuménique fut convoqué à Chalcédoine, en 451. Plus de 520 évêques, auxquels se joignirent les légats romains, condamnèrent Eutychès et le monophysisme, et, après de longs et tumultueux débats, parvinrent à rédiger une profession de foi commune proclamant que «Dieu le Verbe, Fils unique de Dieu, né de la Vierge Marie quant à son humanité, est en deux natures qui demeurent sans confusion, sans changement, sans division ni séparation, qu'il est vraiment Dieu et vraiment homme, composé d'une âme raisonnable et d'un corps, consubstantiel au Père selon la divinité, et consubstantiel à nous selon l'humanité, car l'union n'a pas supprimé la différence des natures ; chacune d'elles a conservé ses manières d'être propres et s'est rencontrée avec l'autre dans une unique personne d'hypostase.» Ce concile proclama aussi la prééminence du patriarche de Constantinople par rapport aux autres patriarches. Il sera à l'origine de la rivalité millénaire entre le patriarche de Constantinople et l'évêque de Rome.
La querelle n'était pas close pour autant. Tandis que certains, tel le nouveau patriarche d'Alexandrie, Cyrille, accentuaient leurs positions dogmatiques en mettant au premier plan la nature divine du Christ, la résistance des courants monophysites s'organisa, sous l'impulsion de fortes personnalités, comme Théodore, évêque monophysite de Jérusalem, ou Sévère d'Antioche au VIe siècle. En 484, l'empereur Anastase, lui -même fervent monophysite, fut remplacé par Justin, qui rétablit l'orthodoxie des Pères du concile de Chalcédoine.
L'hérésie semblait vaincue, mais ce court temps lui avait permis de s'étendre dans tout le Proche-Orient. De Constantinople, où elle bénéficiait encore du soutien d'une grande partie des moines, elle passa en Syrie, où une Église monophysite autonome apparut, sous l'action de Jacques Baradée, et où elle susbsiste encore au sein de l'Église jacobite (dont le nom conserve jusqu'à aujourd'hui le nom de son fondateur ); les pays du Caucase furent partagés entre le monophysisme (l'Arménie ) et l'orthodoxie chalcédonienne (la Géorgie ); l'hérésie triompha pleinement en Égypte, où le monophysisme s'implanta durablement et donna naissance à l'Église copte, qui rejette la foi de Chalcédoine, et en Éthiopie.
Au VIIe siècle, les empereurs byzantins, espérant réunifier l'Orient chrétien contre la menace perse, cherchèrent à rétablir la communion avec les monophysites en leur proposant une nouvelle confession de foi admettant, comme les Chalcédoniens, la double nature du Christ mais lui reconnaissant une seule énergie et une seule volonté. Cette formule, proposée en 616 par Serge, patriarche de Constantinople, fut à l'origine de ce qu'on appelle le «monothélisme ». Mais elle ne rencontra pas les succès escompté chez les monophysites et fut condamnée par le IIIe concile de Constantinople (680 -681 ).
_________________ Le sage n'affirme rien qu'il ne puisse prouver. proverbe latin
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