J'en déduis depuis quelques années que pour introduire des thèses farfelues, un roman (
Da Vinci Code,
Règle de quatre...) est meilleur qu'un essai. Le romancier n'a pas à tenir la posture d'une personne qui doit soutenir sans faille son credo.
Si le mathématicien russe avait écrit un roman, on aurait loué sa culture, ses recherches et son imagination.
Casey a écrit :
Et quand un genie se permet de se prononcer sur une telle theorie, c'est qu'il a de bonnes raisons de le faire.
Exactement : ça s'appelle la mégalomanie.
Personne n'est génial à 100 % et tout le temps et l'argument n'est pas rationnel.
Puique vous citiez un authentique génie reconnu comme tel, Newton, il a lui-même commis quelques actes et pensées déshonorants sur le plan intellectuel.
Génial pour l'invention de la théorie de la gravitation universelle, de téléscopes innovants
Citer :
Le génie expérimental et mathématique de Newton fut alourdi par un tempérament mystique et religieux. Ses copieux manuscrits sur l'alchimie (650.000 mots) et sur des sujets bibliques et théologiques (1.300.000 mots) déconcertent les spécialistes de son oeuvre qui tentent de les faire entrer dans le cadre rationnel de son univers. [...] D'où son recours aux méthodes de datation astronomique les plus sophistiquées pour trouver confirmation littérale des événements rapportés dans la Bible.
Daniel Boorstin, Les découvreurs, ch. 52
Est-ce en rapport avec la contestation de la chronologie actuellement admise ?
Citer :
Même si certaines de ses hypothèses ont par la suite incité Buffon à reculer dans le temps les origines du monde, Newton lui-même se refusait à prendre au sérieux la possibilité que la planète fût de beaucoup antérieure à la date biblique (4004 av. J.-C.) fixée par l'archevêque Ussher. Il espérait simplement confirmer le texte biblique, en synchronisant les événements des Ecritures et ceux enregistrés dans les chroniques d'Egypte, d'Assyrie, de Babylone, de Perse, de Grèce et de Rome. Les pays plus orientaux et exotiques, tels que la Chine, dont les chroniques venaient à peine d'être introduites en Europe par les missionnaires jésuites, ne figuraient pas encore dans le tableau.
Daniel Boorstin, Les découvreurs, ch. 74
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Etc. Les avocats du Russe pourraient se procurer
Les découvreurs (à partir du chapitre 69) pour connaître comment les hommes ont mené leur enquête (histoire en grec) pour reconstituer le passé.
En particulier, les tentatives modernes de raccourcir l'histoire sont souvent le produit d'adeptes d'une interprétation littérale de la Bible et de sa courte chronologie de 4 millénaires et quelques. Et le mathématicien russe, avec sa réfutation des datations aux radio-éléments, peut avoir été influencé ou être (partiellement) repris par les créationistes (encore que remonter la naissance du Christ au XIe siècle ne plaira ni aux fondamentalistes, ni aux chroniqueurs chrétiens et musulmans).
Or des hommes se sont battus contre cette vision imposée pour en établir d'autres.
L'ouvrage rapporte également des manoeuvres et intimidations honteuses destinées à écraser quelques savants de son temps, dont voici un très bref et incomplet résumé :
Citer :
Son prestige augmenta, ainsi que sa dyspepsie, son refus de reconnaître aux autres leurs mérites ou de partager la responsabilité de ses grandes découvertes. [...] En 1714, lorsque le Parlement délibéra du prix à accorder pour la découverte d'un moyen de mesurer la longitude en mer, il proclama qu'aucune horloge ne ferait l'affaire, ce qui retarda probablement l'acceptation de l'horloge de Harrisson, laquelle, nous l'avons vu, résolvait effectivement le problème. [...]
Lorsqu'en 1686, Newton envoya à la Royal Society le manuscrit complet du livre I des Principes, Robert Hooke cria aussitôt au plagiat, assurant que les idées fondamentales de l'ouvrage venaient tout droit des communications qu'il avait adressées à son collègue une douzaine d'années auparavant. [...] Loin d'admettre l'antériorité de Hooke, Newton reprit son manuscrit et en effaça toute référence à l'oeuvre de ce dernier. [...]
Devenu l'idole de tout ce que Londres comptait de "philosophes", Newton partagea ses années suivantes entre les querelles acrimonieuses avec ses subordonnés et les intrigues vengeresses contre quiconque menaçait de devenir son égal. Il y eut d'abord ce sordide épisode au cours duquel il empêcha le malheureux astronome de la cour, John Flamsteed (1646-1719), de publier le fruit de toute une vie de recherche. Bien que handicapé par la maladie, Flamsteed avait inventé de nouvelles techniques d'observation, perfectionné les vis micrométriques et les techniques d'étalonnage, dépensé 2.000 livres de sa poche et finalement construit les instruments les plus fiables de son temps pour ses travaux à Greenwich. [...]
Mais le spectacle du siècle dans le monde désormais ouvert à la science fut le duel qui opposa Newton et le baron Gottfried Wilhelm von Leibniz. [...]
Si les faits avaient été plus largement connus, l'affaire eût discrédité Newton lui-même, qui, à l'époque, était le maître incontesté de la Royal Society. Les manoeuvres de ce dernier se déroulant dans l'ombre, il n'y eut jamais de confrontation directe entre Leibniz et lui.
Daniel Boorstin, Les découvreurs, ch. 53
Un "génie" peut ainsi, par vanité, se montrer lumineux puis obscurantiste.