bonjour à tous,
Le projet de loi fait grincer des dents toute la communauté des archivistes. Je suis particulièrement contre ce texte. En effet, l'Association des Archivistes Français ne va pas se laisser faire, et il n'est pas exlus qu'il y est des grêves. De plus ce projet de loi qui vise soit-disant à "réduire les délais de communicabilité", ne fait que les augmenter.
Daniel Laurent a écrit :
Fixer la barre à 75 ans, conduirait de plus à refermer de nombreux dossiers ouverts depuis 15 ans. Verra-t-on se de refermer pour quelques années les études sur le Front populaire, la 2e Guerre mondiale et Vichy, ou celles sur la guerre froide qui commençaient à s'ouvrir librement ?
En effet Daniel, les archives qui étaient désormées ouvertes vont se voir fermées, et donc plus communicable au grand public sauf sur demande de dérogation motivée, et encore. Certaine archives seront même plus du tout communicable, et là toutes demandes dérogations sera complètement inutile. Ensuite, il faut voir comment le projet de loi va être appliqué dans les différents services d'archives qu'ils soient municipaux, départementaux, nationaux, ou encore régionaux (même si les archives régionales sont encores trop jeunes pour être communiquées).
J'ai reçu un mail alarmant du syndicat des Archives de France qui est plus qu'inquiétant concernant les mesures prise dans le projet de lois.
En voici la teneur
Communiqué du Syndicat CGT des Archives de France a écrit :
Mesdames et Messieurs les députés,
Votre assemblée doit examiner en première lecture le 29 avril 2008 le projet de loi relatif aux archives.
A l’heure où vous examinerez ce texte, la direction des archives de France, qui l’a conçu et rédigé, vivra ses dernières heures. En effet, le second Conseil de modernisation des politiques publiques vient de confirmer le 4 avril dernier que cette grande direction à vocation interministérielle va disparaître au sein d’une nouvelle direction du patrimoine (réunissant l’ancienne direction du patrimoine, la direction des musées de France, la direction du livre et de la lecture).
Pour l’ensemble des professionnels du réseau des archives, cette nouvelle sonne le glas de la politique de renouveau des archives entamée depuis plusieurs années. Il apparaît à tous indispensable de conserver cette direction afin d’assurer à ses missions une visibilité suffisante dans l’organigramme de l’Etat, témoignant clairement de son rôle interministériel. Seule une direction des archives de France de plein exercice, forte et disposant de moyens en crédits et en personnels, est à même de jouer ce rôle. C’est le sens du communiqué de l’intersyndicale des Archives de France (CFDT-CFTC-CGC-CGT) du 16 janvier 2008 et du vœu du Conseil Supérieur des Archives qui a réuni le 10 mars 2008 de nombreuses personnalités et des historiens.
La disparition de la direction des archives de France constitue un recul extrêmement grave. Alors que 2008 va fêter le bicentenaire des Archives nationales à l’Hôtel de Soubise, le gouvernement remet en cause deux siècles de construction démocratique afin de garantir la cohérence d’une politique nationale des archives, afin d’assurer à tous le libre accès aux archives.
Dans ces conditions, il va sans dire que le projet de loi sur les archives qui vous est présenté n’a plus grand chose à voir avec le projet de loi initié dans les années 1990, porteur de démocratie, d’ouverture des archives.
Les allers retours avec le gouvernement, la consultation des différents ministères et les différents amendements adoptés par le Sénat aboutissent aujourd’hui à un projet de loi qui comporte peu d’avancées mais de nombreux et inquiétants reculs.
«Balkanisation» des services publics d’archives et privatisation de la gestion des archives
Loin de revenir sur la «balkanisation» constatée par Guy Braibant lors de son rapport en 1996, la loi dessaisit un peu plus la direction des archives de France et les services publics d’archives de leurs prérogatives.(article L.212-4- I, II et III)
Faute de moyens, les ambitions de la direction des archives de France ont été revues à la baisse: la loi confirme une circulaire du 1er ministre de 2001 et abandonne tout préarchivage par la direction des archives de France: chaque administration doit gérer ses archives courantes et intermédiaires (1). Pire, la conservation et la communication des archives définitives peut être confiée à ces mêmes administrations (paragraphe I): c’est la porte ouverte à la multiplication des centres d’archives, à la «balkanisation» des archives, qui, loin de simplifier la tâche du chercheur et du citoyen, la lui complique et n’offre en rien les garanties de neutralité et de cohérence nationale indispensables.
Mais la loi va plus loin: au paragraphe II de l’article L. 212-4, il est permis à ces mêmes administrations de ne pas effectuer elles-mêmes ces nouvelles tâches d’archivage: est prévu le dépôt de tout ou partie des archives courantes auprès de «personnes physiques ou morales agréées à cet effet par ladite administration [des archives]».
Le paragraphe III de cet article est censé interdire la conservation des archives définitives à ces mêmes sociétés privées. Sa rédaction, peu claire, peut tout aussi bien laisser penser le contraire.
L’archive, même si on lui reconnaît trois âges, est une et indivisible. Une archive, avant d’être définitive, est courante et intermédiaire et pourra donc pendant une période donnée être stockée, inventoriée et communiquée par une entreprise privée. C’est en soi très grave. Mais qui peut croire, qu’à l’issue de sa durée d’utilité administrative, quand les dépôts des Archives nationales sont saturés, quand les moyens en bâtiments et en personnels ont vocation à être réduits de 20%, que ces archives, gérées par le privé, reviendront un jour dans le giron des services publics des archives?
Le ministère de la Culture entend, nous dit-on, faire preuve de réalisme et vouloir encadrer une pratique déjà existante. N’est-ce pas plutôt mettre en place, sous-couvert d’exceptions, les passerelles vers un véritable désengagement de l’Etat envers les archives de la Nation, sources de notre mémoire et de notre histoire à tous?
Cette dérive est catastrophique pour l’avenir de la recherche et la démocratie en général: nous rappelons qu’il s’agit là des documents procédant de l’activité de l’Etat, qui servent au citoyen à faire valoir leurs droits, aux historiens, du généalogiste à l’universitaire, à écrire l’histoire… C’est à l’ensemble des citoyens, et donc à l’Etat de continuer à y veiller.
Régime de communication: fausse ouverture et vraie fermeture
Si la loi peut s’enorgueillir d’un article 213-1 beaucoup plus clair, beaucoup plus lisible que par le passé «Les archives publiques sont, sous réserve des dispositions de l’article L.213-2, communicables de plein droit»-, l’ouverture se réduit, au fil des lectures et des relectures, à une peau de chagrin.
Un certain nombre de documents voient certes leur délai de communicabilité raccourci. Malheureusement, c’est dans une moindre mesure. Les archives notariales devaient être communicables dès 50 ans à compter de la date de l’acte, c’est finalement 75 ans dans la version finale.
Mais surtout, cette loi, censément d’ouverture, rallonge les délais de communicabilité de certains documents.
Le 4° de l’article L-213-2 allonge le délai à 75 ans pour tous «les documents dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée, rend publique une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable ou fait apparaître le comportement dune personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice». On ne peut faire plus large. C’est ainsi que les archives de la police judiciaire, des juridictions, les rapports des inspections générales des ministères, les dossiers fiscaux et domaniaux, mettant en cause la vie privée, passent de 60 ans (loi et décret de 1979) à 75 ans (projet de loi 2008).
Mais il y a beaucoup plus grave encore. Pour la première fois de son histoire, l’Etat français interdit de manière définitive, sans aucun délai de communicabilité, sans aucune procédure de dérogation, toute une série de documents: «Ne peuvent être consultées les archives publiques dont la communication est susceptible d’entraîner la diffusion d’informations permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, biologiques ou toutes autres armes ayant des effets directs ou indirects de destruction d’un niveau analogue» (article L-213-2, II)
Rappelons que dans la loi de 1979, ce type de document faisait partie des archives communicables au bout de 60 ans, ainsi que l’ensemble des actes ayant trait à la sûreté de l’Etat ou la défense nationale.
Le deuxième alinéa est encore plus inquiétant puisqu’il étend cette mesure à toute une série de documents dont le périmètre est pour le moins extensible: «Il en est de même pour les archives publiques dont la communication est de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes».
A juste titre, depuis le dépôt de ce projet de loi au Sénat, la communauté scientifique des historiens s’est émue de cette restriction de communication qui constituerait, si la loi devait être adoptée telle quelle, une atteinte aux droits fondamentaux du citoyen de s’informer et de prendre connaissance des actes émanant de l’Etat. Ce serait un véritable déni de démocratie.
Nous comptons sur votre vigilance. Le syndicat CGT des Archives de France se tient à disposition de Mesdames et Messieurs les députés pour tout renseignement complémentaire.
(1) Il faut distinguer trois âges des archives: les archives courantes qui concernent les dossiers en cours; les archives intermédiaires qui correspondent aux dossiers clos mais représentant encore une utilité administrative et les archives définitives qui ont, elles, été sélectionnées en fonction de leur utilité administrative ou de leur intérêt historique ou scientifique, en vue d’une conservation définitive. Une partie des archives courantes et intermédiaires, à la suite d’un tri, sont donc éliminées.
Dès que j'ai du nouveau, je vous tiens tous informés.
Amicalement
Sekhmet1983